[CRITIQUE] Le Monde après nous – Cerf à rien

Le Monde après nous, adaptation par Sam Esmail du roman encensé de Rumaan Alam, s’inscrit dans la lignée des thrillers apocalyptiques, explorant avec une vigueur particulière l’isolement angoissant, tissant des dynamiques humaines au sein d’un cataclysme imminent. Doté d’une distribution éminente, de prouesses visuelles marquantes et d’une mise en scène ambitieuse, ce film nous transporte au cœur d’un groupe en quête de refuge, ignorant que leur monde touche à sa fin.

La direction artistique, ingénieuse, exploite astucieusement l’espace confiné de la somptueuse demeure de vacances. Les mouvements amples de la caméra et les cadrages subtils peignent une atmosphère oppressante d’isolement. Les panoramiques initiaux dévoilent la grandeur et simultanément la claustrophobie de cet espace, renforçant le sentiment d’une apocalypse imminente. Cependant, certains artifices visuels, tels les angles obliques ou les mouvements cinétiques, bien que source de tension, peuvent, à la longue, altérer le rythme narratif, amoindrissant l’impact originel. L’œuvre s’attarde sur les tensions entre deux familles, celles d’Amanda et Clay face à G.H. et Ruth. Les dynamiques initiales, teintées de préjugés raciaux, comme l’attitude méfiante d’Amanda envers G.H. et sa fille, demeurent principalement suggérées, sans toutefois être suffisamment approfondies pour susciter un impact émotionnel profond. Pourtant, l’appréhension initiale d’Amanda envers G.H. s’estompe rapidement, privant ainsi le film d’une exploration plus enracinée des enjeux sociaux et raciaux.

Copyright Netflix

Malgré une tension initiale palpable, le film peine à la maintenir, dévoilant trop tôt les mystères et dissipant les moments de suspense. La révélation prématurée des événements à venir et des rebondissements explicites diminue la capacité du film à retenir l’attention du spectateur. Les indices concernant la nature des événements apocalyptiques et les réactions prévisibles des personnages émoussent l’impact émotionnel et la surprise, affaiblissant la tension narrative. Le désir du long-métrage d’explorer des questions sociales et politiques pertinentes, telles que les tensions raciales et les disparités de classe, demeure en surface, sans une exploration approfondie au sein du récit. Bien que ces différences sociales et raciales soient évoquées, elles ne sont pas exploitées en profondeur, laissant un sentiment d’incomplétude dans l’exploration de ces problématiques cruciales.

La distribution prestigieuse, composée de talents incontestables tels que Julia Roberts (toujours plus pertinent de la voir ici que dans Ticket To Paradise), Ethan Hawke et Mahershala Ali, tente de transcender les limites d’un scénario sous-développé. Cependant, malgré leur engagement, les personnages restent superficiels, leurs arcs narratifs demeurant sous-exploités. Les performances solides des acteurs ne parviennent pas à compenser le manque de développement des personnages, les rendant parfois peu mémorables. Avec une durée de 141 minutes, le film s’étire trop, perdant ainsi de sa dynamique et laissant une impression d’indulgence de la part du réalisateur. Cette longueur excessive altère le rythme, donne l’impression par moments que le film se perd dans des séquences répétitives. De plus, le dénouement, impliquant une apparition de Kevin Bacon, semble disjoint du reste du récit, décevant par son absence de résolution satisfaisante et de conclusion percutante.

Copyright Netflix

Bien que Le Monde après nous s’inspire de tropes propres au thriller apocalyptique, la fusion de ces inspirations souffre parfois d’un manque d’originalité. Les emprunts à d’autres réalisateurs, comme M. Night Shyamalan, bien que perceptibles, s’intègrent de façon incohérente dans l’ensemble du film, créant par moments une expérience déconcertante et surchargée. En somme, cette nouvelle sortie de Netflix, bien qu’ambitieuse, manque d’équilibre. Malgré des aspects techniques impressionnants et une distribution renommée, le film peine à captiver et à offrir une narration cohérente et satisfaisante. Les problématiques thématiques demeurent en surface, laissant un potentiel inexploité et une exécution narrative inachevée, contribuant à une déception profonde.

C’est regrettable de rester si superficiel alors que Netflix nous a offert mieux avec Don’t Look Up. Plus tôt dans l’année, Shyamalan nous a présenté un point de vue plus poignant sur l’Apocalypse, et surtout, en France, la remarquable série L’Effondrement demeure inégalée à ce jour. Ce film risque de devenir un Phénomènes, sans Mark Wahlberg, mais avec cette même dose déconcertante (et nulle) de je-ne-sais-quoi. On ne va pas devenir Friends, mon cher Sam Esmail.

Le Monde après nous de Sam Esmail, 2h18, avec Julia Roberts, Mahershala Ali, Ethan Hawke – Sur Netflix le 8 décembre 2023.

4/10
Note de l'équipe
  • Louan Nivesse
    4/10 Passable
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