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[CRITIQUE] Don’t Look Up : Déni cosmique – Machination stellaire

Le dernier film d’Adam McKay suit en toute logique son très réussi Vice, alternant entre la satire politique et le drame. En découvrant l’existence d’une comète s’apprêtant à détruire la Terre dans plus de six mois, un docteur physicien et une étudiante en doctorat ne savent pas vraiment à qui ils vont se confronter. La comète ou l’État, ou les deux ? Montage fulgurant et humour noir distillé scène après scène, c’est tout le style du cinéaste américain qui se met de nouveau en place, quitte à laisser certains sur le carreau, et c’est un délice.

Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence incarnent à merveille leurs personnages, d’abord contraints de se taire pour protéger le secret défense de l’administration américaine, cherchant à minimiser les mauvaises nouvelles. Le sujet du film rejoint celui de la surmédiatisation, aliénant davantage chaque citoyen américain, entre intox, rumeurs et désinformation la plus totale, à laquelle est conviée la chanteuse Ariana Grande, renommée sous un nom fictif. Au rythme soutenu, le film alterne ainsi entre séquences purement délirantes et hilarantes, notamment les scènes dans les bureaux de l’administration américaine, où Jonah Hill se prête à ses meilleures expressions, et ressentiments des différents personnages. Ce beau mélange permet de transcender la satire politique pour en délivrer une comédie dramatique particulièrement pertinente, quand il s’agit de démonter les travers de la politique américaine. Un peu comme ce qu’avait pu faire Tim Burton avec son Mars Attacks! (1996), bien que restant moins absurde dans la démarche, Don’t Look Up joue des quelques éléments les plus anodins répartis dans le film pour les tourner au ridicule. D’un sénateur faisant payer des snacks jusqu’au régime jamais suivi par le personnage de Kate Dibiasky, Adam McKay n’oublie jamais de les réinclure au fur et à mesure de son long-métrage, pour en rire davantage. Aucun des personnages n’est épargné, même celui de DiCaprio et Lawrence, l’un succombant aux manipulations politiques et sentimentales, l’autre entêtée d’une manière presque ridicule, sans jamais réfléchir aux conséquences publiques de ses actes. C’est tout le combat contre la vérité que mèneront les deux, ce qui fait de Don’t Look Up un film bien touchant, puisqu’il semble raisonnablement impossible de se dresser contre celui qui a le pouvoir.

Copyright Netflix

Le film s’observe comme une satire juste sur l’ère Trump aux États-Unis, où l’un comme l’autre des membres du gouvernement seraient prêts à prendre des vessies pour des lanternes. Tout un jeu des mimiques par Meryl Streep incarnant brillamment la présidente, comme le secrétaire de Jonah Hill, est utilisé brillamment pour illustrer leur indifférence à l’urgence scientifique, militaire en marche. Puisqu’ayant toujours la possibilité d’en réchapper, quitte à le faire en soute prévue pour, ces politiques sont irrécupérables, et hilarants à la fois. Même si certaines scènes dureront un peu longtemps, quelques sketches sont un peu maladroits (le retour de la chanteuse pour la campagne du Look Up), il en reste que la démarche du cinéaste est assumée.

Comme un monde en crise, Don’t Look Up fait le portrait juste du capitalisme dans sa forme la plus extrême, jusqu’à la dernière séquence post-générique où les riches cohabitant sur une nouvelle planète tentent de la coloniser. Les plus modestes, y compris les scientifiques que l’on moque, resteront fidèles à leurs valeurs, appréciant le temps d’un repas typiquement américain, avec la prière détournée, un dernier plaisir avant de mourir. La plus grande question du film est en elle-même un trait acerbe et pourtant réaliste : la science-fiction est-elle davantage cette catastrophe de comète, que cette société ridiculement aliénée ? McKay rend davantage spectaculaires les frasques des uns et des autres comme obstacle majeur à la parole, comme si la comète n’était que le son du glas, achevant le portrait. Une satire à déguster sans plus attendre, sur Netflix.

Don’t Look Up: Déni cosmique de Adam McKay, 2h22, avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep – Sur Netflix