[CRITIQUE] Shazam! La Rage des Dieux – Ratage foudroyant

Le presque-reboot promis par James Gunn et Peter Safran, en charge des adaptations de comics DC au cinéma, ne se fera pas sans que les dernières braises du « DC Extended Universe » ne se soient éteintes. Le peu reluisant Black Adam était l’une d’elles, Aquaman et le Royaume perdu devrait être la dernière. Mais avant que tout ce beau monde de super-héros ne soit mis au placard, il reste à David F. Sandberg de proposer la suite de Shazam!, l’un de ces projets qui devaient adoucir les bases sombres et homériques posées par Zack Snyder, il y a dix ans. Nous y suivions Billy Batson, un gamin débrouillard, baladé de famille d’accueil en famille d’accueil, qui se retrouvait par le plus grand des hasards doté de pouvoirs divins. À ce prodige s’ajoutait une drôle de condition : l’usage de ses nouvelles aptitudes impliquait un changement d’apparence drastique, et Billy se voyait transporté dans la peau d’un adulte bodybuildé. Rien à voir avec les dilemmes moraux et politiques d’un Batman v Superman ou la portée mythologique d’un Wonder Woman.

Dans ce remake de Big en capes et collants, Sandberg s’adressait au grand public via blagues méta et péripéties artificielles. Il en va de même pour sa suite, Shazam! La Rage des Dieux, à ceci près que le délire transformiste s’étend cette fois-ci à toute la famille (rebaptisée mignonnement « Shazamily ») et que le spectacle adapte ses enjeux en conséquence. La formule séduit sur les premières minutes de film, lorsque les enfants alternent entre leurs passe-temps anodins et leurs activités super-héroïques. Le ton adolescent déclenche certaines ruptures amusantes, les dynamiques qui unissent les personnages sont fonctionnelles (même si caricaturales), l’action se veut massive (un sauvetage de pont digne des Spider-Man) et le réalisateur emploie convenablement l’équipe pour doubler le nombre d’actes vaillants et potentiellement cartoonesques dans un même plan. Un mini-Justice League à hauteur de môme, plus accessible que n’importe quel autre long-métrage estampillé DC. Puis les choses se gâtent. Le long-métrage se reconnecte aux origines occultes du protagoniste et fait survenir deux sorcières, leur magie noire et projet de fin du monde dans le champ. La débandade d’effets spéciaux, traditionnelle de la maison, se lance.

© 2021 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved. TM & DC

Histoire de vengeance mythologique, syndrome de l’imposteur, cellule familiale conflictuelle, tirades mièvres et grande bagarre sur fonds verts : Shazam! La Rage des Dieux perd le fil à mesure que ses scènes s’empilent, incapable d’approfondir son amalgame de thématiques sans tourner le corpus au risible. Pris dans ce déluge de chimères numériques et de joutes verbales qui tombent à plat, les comédiens font leur possible pour contourner la noyade générale. Par chance, Zachary Levi est toujours aussi content d’enfiler sa combinaison rembourrée, portant à bout de bras ce qui finit par être une embarrassante quête au McGuffin saupoudrée d’amourette collégienne. Face à lui, son surjeu, sa gaieté communicative et ses complexes d’ex-orphelin (une autre de ces pistes qui ne sont traitées qu’en surface), Helen Mirren et Lucy Liu paraissent à l’étroit dans leurs costumes de vilaines magiciennes mais se donnent la peine de cracher leurs répliques avec un peu de cœur, incarnant une menace bien plus persuasive que le pauvre Mark Strong de l’épisode précédent. Pas de quoi racheter le foutoir esthétique dans lequel s’embourbe cette suite passé la demi-heure d’exposition, ni excuser la mise à l’écart aberrante des visages secondaires, et encore moins réhabiliter un univers cinématographique en décomposition.

Si la proposition Shazam! demeure fidèle à elle-même, avec sa légèreté et sa petite fibre nanardesque mais aussi ses travers de comédie pour pré-adultes, ses connexions avec le restant des productions DC – concrétisées en un caméo affligeant – appuient sa position saugrenue, récréative et somme toute anecdotique dans la franchise. Son super-justicier l’annonce par ailleurs au détour d’une séance chez le pédiatre, un gag qui remet d’emblée les pendules à l’heure : Shazam est moins rapide que Flash, moins viril qu’Aquaman et a moins d’allure que Batman. Reste à savoir si James Gunn, abonné aux perdants (Super, Les Gardiens de la Galaxie et The Suicide Squad parlent pour lui), le considère assez sympathique pour incorporer ses mésaventures à son projet de refonte.

Shazam! La Rage des Dieux de David F. Sandberg, 2h11, avec Zachary Levi, Helen Mirren, Lucy Liu – Au cinéma le 29 mars 2023

1
0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *