[CRITIQUE] Black Adam – Briser la roche

Il est ardu et laborieux d’aborder la tumultueuse stratégie de la branche DC Comics des Studios Warner. Je vais dès lors m’abstenir de le faire avec superbe. Pour simplifier, depuis l’épique Man of Steel de Zack Snyder, ce dernier était en quelque sorte le maître de cérémonie de cet univers cinématographique, sobrement baptisé le DCEU. Cependant, depuis quelques désaccords notables avec les producteurs, un découpage honteux de son Batman v Superman : L’Aube de la justice et une version malheureuse de son Justice League orchestrée par Joss Whedon, Zack Snyder a été écarté du DCEU. Même son Zack Snyder’s Justice League, sorti en 2021, n’a pu lui redonner son statut.

Depuis lors, la Warner Bros. Entertainment Inc. et sa filiale DC Comics semblent désorientées. Entre des films intégrés dans un DCEU tentant d’imiter la concurrence (tel Shazam!), des suites inutiles – voire médiocres – (Birds of Prey, Wonder Woman 1984), ou encore des univers parallèles offrant plus de liberté créative que Zack Snyder n’a jamais eu (à l’instar de Joker, The Batman – où l’on peut inclure The Suicide Squad même si c’est une suite/reboot), les choix sont variés.

C’est alors que surgit Black Adam, un antihéros sans scrupules, bien éloigné des super-héros traditionnels de l’univers DC. Le film de Jaume Collet-Serra, attendu de pied ferme, marque non seulement la première adaptation du personnage à l’écran, mais également la présence à l’affiche de deux mastodontes hollywoodiens, The Rock et Pierce Brosnan, capables de rallier deux générations de spectateurs. Black Adam est étroitement lié à Shazam!, au point qu’à l’origine, les deux personnages devaient être présentés dans un seul film. Heureusement, cette idée a été abandonnée, car Black Adam est aussi dense que le physique de Dwayne Johnson, surtout pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec des éléments comme la Justice Society of America. Leur introduction n’est qu’un parmi tant d’autres dans Black Adam, où l’histoire d’origine du protagoniste est rapidement évoquée dans une scène d’ouverture longue et laborieuse. Par la suite, nous sommes présentés de manière tout aussi expéditive à des personnages comme Adrianna Tomaz, peu développée mais révolutionnaire, incarnée par Sarah Shahi, ainsi qu’à son fils, Hawkman joué par Aldis Hodge, au Dr. Fate interprété par Pierce Brosnan, à l’Atom Smasher de Noah Centineo et au Cyclone de Quintessa Swindell.

La voix-off de Viola Davis, reprenant le rôle de l’infâme Amanda Waller, comble les lacunes de leurs histoires, mais le crédit revient surtout aux acteurs qui leur donnent vie. Sans cela, ils auraient pu subir le même sort que certains personnages jetés à l’écran dans les derniers films X-Men, perdus dans ce tumulte scénaristique. Ils ont tous leur moment de gloire, avec une mention particulière à Brosnan et Hodge, formant un duo de choc lors de leurs envolées dans un vaisseau spatial digne de Jeff Bezos. Centineo et Swindell apportent également un charme à leurs personnages, rendant leur retour souhaitable si le film atteint le succès escompté par Warner Bros, DC et Johnson.

La performance de The Rock en Teth-Adam est sobre, le film évitant judicieusement l’humour excessif pour présenter le personnage comme un symbole du conflit entre le bien et le mal, un thème récurrent dans le DCEU. Les trajectoires des personnages sont prévisibles, mais on aurait aimé que le film leur accorde plus de temps pour s’épanouir, afin qu’on puisse s’intéresser à leur sort au milieu de ces paysages orangés à couper le souffle. Les partitions enlevées de Lorne Balfe subliment souvent des scènes d’action parfois absurdes. Le film tente peut-être de façon un peu trop ambitieuse de commenter les conflits mondiaux ou la situation au Moyen-Orient, mais comme le reste de son scénario chaotique, cette ambition est étouffée par le feu d’artifice d’action de Jaume Collet-Serra, étonnamment clairvoyant dans un univers souvent plongé dans les ténèbres.

Taillé dans le même moule, ou arraché aux mêmes pages que son prédécesseur, notamment le Snyderverse, Black Adam est un film de deux heures où des personnages sympathiques volent et combattent juste assez longtemps pour en faire un blockbuster décent – et plutôt divertissant.

Black Adam de Jaume Collet-Serra, 2h05, avec Dwayne Johnson, Aldis Hodge, Pierce Brosnan – Au cinéma le 19 octobre 2022

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