[CRITIQUE] Amants – Entre film noir et absence de lumières

Lisa (Stacy Martin) et Simon (Pierre Niney) s’aiment depuis l’enfance mais, à la suite d’un drame tragique, Simon est obligé de fuir. Des années plus tard alors que Lisa est mariée au richissime Léo (Benoit Magimel), dans l’Océan Indien, Simon refait surface. Triangle amoureux flirtant avec le film noir Amants est le nouveau long-métrage de Nicole Garcia. Un casting alléchant et un synopsis prometteur, demandons nous ce que vaut vraiment Amants . Et surtout s’il tient ses promesses.

Amants est un film de performances. Il met son trio d’acteurs en avant. Ceux-ci occupent presque la totalité des scènes du film, ce sont eux la force motrice du long-métrage. Malheureusement, le résultat est inégal selon les parties du film. La première, centrée sur Lisa et Simon, est assez convaincante. Elle intéresse car l’on sait que cette petite vie organisée va être troublée, et l’on attend justement le rebondissement. Dans cette partie, Niney et Martin sont excellents, réussissant à rendre leur amour sincère, mais dans le reste du film ce n’est plus le cas. Les deux acteurs s’enfoncent dans une parodie de personnages de film noir, essayant sans cesse de simuler le danger se cachant en eux sans que cela ne marche vraiment. La faute également a une écriture assez trouble, ne parvenant jamais à caractériser ses personnages avec assez de force ou d’intensité. Ils ne semblent jamais assez intéressants ou surprenants pour nous intriguer, sauf l’un d’entre eux : Léo Redler, interprété par un superbe Benoit Magimel. Un homme obsédé par le contrôle qui devient intéressant par le danger qu’il semble pouvoir représenter à tout moment. Magimel effectue un sublime travail pour rendre son rôle oppressant. Il occupe le cadre et semble peser sur l’ensemble du film.

Benoit Magimel, par sa présence dangereuse à l’écran, par sa lourdeur effrayante, vient redonner de l’intérêt au récit. Mais très vite, tout s’essouffle : Garcia semble sans cesse passer à côté de son sujet, se contentant de jouer sa prémisse en boucle. Ni surprises ou bouleversements ne viennent troubler le récit, l’on sait exactement où l’on va dès le premier acte du film.  Et elle est là, la grande déception d’Amants. Le film ne tente rien et ne surprend jamais. Il reste sur son trajet balisé sans s’en s’écarter une seule fois. Même dans les moments de rencontre entre Simon et Léo, le long-métrage reste trop calme, trop plat. Il loupe l’occasion de rendre ses personnages et son récit passionnant. La fin attendue est bien trop sage, et ne vient arracher que peu d’émotions. Une impression prédomine alors l’ensemble, la sensation d’être dans une boucle glacée, où l’humain n’a pas sa place. Où les émotions sont vouées à disparaitre face à un adversaire puissant : l’argent.

En effet, Amants n’est pas dénué d’intérêt pour autant. Depuis une trentaine d’années, la cinéaste s’est intéressée aux relations entre l’amour et ses protagonistes. Des relations amoureuses qui finissent souvent détruites par un élément perturbateur. Ici, rien ne vient perturber le récit, l’élément terrible qui vient détruire tout sentiments est déjà présent dès les premières minutes. Les richesses d’une élite désabusée inondent le film, venant enlever toutes touches d’humanité à chaque instant. Même dans une deuxième partie sensée être chaleureuse, l’omniprésence de l’argent vient ternir le cadre et rappeler sans cesse la froideur du monde auquel appartiennent ses personnages. Leurs disputes et conflits viennent bien plus de leur rapport à l’argent que d’une quelconque querelle sentimentale. Cette froideur de personnages dépossédés de leur humanité se ressent dans une photographie élégante et glaciale, notamment dans un troisième acte ou la présence d’une supériorité des riches se ressent plus que jamais. Une élite qui se plait à conserver ses privilèges, une élite qui est prête a tout pour garder le contrôle. Et elle se trouve ici la grande force d’Amants : l’argent a fait de ce trio de personnages des êtres immondes et corrompus. Des personnages qui auraient pu se retrouver dans n’importe quel film noir. Amants passe à côté de beaucoup de choses, mais Nicole Garcia réussit tout de même a infuser dans son œuvre des thématiques qui lui sont chères, et c’est pour le mieux.

Avec Amants, la réalisatrice tenait quelque chose de prometteur mais dont elle n’a pas su exploiter le potentiel. Le récit est peu palpitant et il réussit même l’exploit d’être parfois confus. Des personnages fades qui en plus sont mauvais, aucune attache émotionnelle ne se crée et même lors du dénouement, sensé être dramatique, l’on ne ressent rien. Un vide d’émotion constant qui finit par nous faire passer de l’excitation à l’ennui. C’est quoi le cinéma de Nicole Garcia ? C’est avant tout un cinéma de performances. Un cinéma dans lequel on assiste à la chute de l’amour au profit de l’argent, de la haine, ou de la jalousie. Un cinéma qui décortique depuis trente années les rouages des sentiments humains. Mais malheureusement, c’est aussi un cinéma qui devient ennuyant et lassant lorsqu’il est prévisible. Si vous voulez voir Pierre Niney dans un bon thriller retournez plutôt voir Boite Noire. Si vous voulez voir un excellent film noir sur fond d’amour et d’argent allez regarder Boulevard du Crépuscule. Mais on ne vous conseillera pas Amants, dont tout ce qu’il reste à sauver est une Stacy Martin brillante en première partie et un Benoit Magimel complexe lors de l’acte final. Un acte durant lequel l’amour et l’art finissent écraser par l’argent et le pouvoir.

Amants de Nicole Garcia, 1h40, avec Pierre Niney, Stacy Martin, Benoît Magimel – Au cinéma le 17 novembre 2021

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