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[CRITIQUE] Mascarade – Une lourde gueule de bois

Lorsque Margot (Marina Vacth) est assassinée par un amant jaloux, Simon (François Cluzet), alors qu’elle se morfond dans un hôtel de luxe avec son petit ami Adrien (Pierre Niney), la déposition d’une poignée de témoins lors du procès qui s’ensuit fournit le cadre d’une escroquerie complexe dans laquelle sont impliqués un éventail vertigineux de personnages antipathique. Margot et Adrien sont deux escrocs qui tombent amoureux et planifient une escroquerie simultanée à l’encontre de leurs amants fortunés. Quelques années auparavant, Adrien était un danseur en herbe dont la carrière s’est arrêtée après une blessure liée à un accident de voiture. Il devient escorte pour des femmes puissantes de la Riviera, dont Giulia (Laura Morante), une restauratrice qu’il abandonne lorsqu’une affaire qui tourne mal la met en faillite.

Une rencontre fortuite avec la narcissique Martha (Isabelle Adjani) après une représentation théâtrale permet à Simon de devenir son amant exclusif, qu’elle utilise pour se distraire de sa relation ratée avec son ex-mari, qui l’a quittée pour un autre homme. Lorsque Margot organise une fête élaborée chez elle, Adrien rencontre Margot, qui y assiste en tant que rencard pour le directeur du théâtre de Nice. Un caprice insouciant de Margot, dont elle est sujette, déclenche une romance avec Adrien. Ensemble, ils décident d’utiliser l’expertise de Giulia sur les proies fortunées locales afin que Margot puisse tomber enceinte d’un riche amant et l’épouser pour avoir accès à sa fortune. Ils choisissent Simon, un promoteur immobilier qui a contribué à la perte de l’entreprise de Jeanne. Simon s’éprend de Margot, qui se fait passer pour une expatriée britannique, tandis qu’Adrien séduit Carole (Emmanuelle Devos), la femme de Simon, tout en incitant Margot à l’épouser. Tout commence à déraper lorsque Simon demande à Margot d’interrompre sa grossesse, obligeant la jeune femme à recourir à quelque chose de plus radical et de plus violent.

© 2022 – LES FILMS DU KIOSQUE – PATHÉ FILMS – SOFINERGIE CAPAC – TF1 FILMS PRODUCTIONS – FILS PROD – HUGAR PROD – UMEDIA

Pour un film qui s’ouvre sur la phrase de W. Somerset Maugham « La Côte d’Azur est un endroit ensoleillé pour les gens louches« , Mascarade n’est pas à la hauteur de ses aspirations littéraires. Le quatrième long métrage de Nicolas Bedos, qui met en scène une ravissante brochette d’acteurs (une fois de plus, il présente des femmes plus impressionnantes que leurs homologues masculins), a beaucoup d’atouts, surtout si vous n’avez jamais vu de comédies policières ironiques avec des doubles et triples trahisons parmi une bande de goujats. Le problème, c’est que la plupart des gens l’ont vu, ce qui donne une apparence mortellement artificielle au scénario du film, qui n’est pas non plus aussi intelligent ou aussi bien écrit qu’il devrait l’être. De plus, avec une durée de près de deux heures et demie, on passe beaucoup de temps sur des gens détestables et élitistes et sur ceux qui les escroquent, surtout dans le cadre d’une exposition continuelle qui devient lassante.

Le plus gros problème de Bedos est qu’il emprunte librement presque tous les éléments de son histoire à d’autres sources connues, parfois consciemment, parfois non. Le témoignage d’une femme de chambre sur Adjani la décrit comme une femme qui « ne veut pas mourir. Mais qui ne veut pas vivre » constitue une allusion à Madame Bovary de Flaubert, qui « voulait mourir, mais qui voulait aussi vivre à Paris« . Sans parler évidemment de cette enquête à la Agatha Christie, et au lieu de Mort sur le Nil.

Bedos, qui a réussi à offrir un rôle si gracieux et enivrant à Fanny Ardant dans La Belle Époque, pour lequel elle a remporté un César, fait l’inverse pour Adjani, une caricature constante dans la plus mauvaise manière possible et sans aucun dialogue susceptible de la racheter. En exigeant que son gigolo purge sa nourriture, elle aboie : « Comment crois-tu que j’ai gardé ma taille de guêpe ? Les guêpes piquent, tu sais. » Bien que cela puisse être sauvé en tant que comédie, ce n’est malheureusement pas très amusant (contrairement à la récente mise en scène d’Adjani par François Ozon dans le Peter Von Kant de cette année).

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Un trio d’autres femmes a tendance à briller un peu plus, même si deux d’entre elles ne sont que de simples catalyseurs narratifs, comme Giulia interprétée par Laura Morante et la toujours attachante Emmannuelle Devos. François Cluzet joue, une fois de plus, le rôle d’un vieux schnock plutôt paumé, tandis que Pierre Niney reste le plus impénétrable, un danseur à bout de souffle qui semble avoir eu recours aux femmes pour gagner sa vie plus par ennui que par nécessité.

Marina Vacth, dans le rôle qu’Adjani aurait joué autrefois (pensez à L’Été meurtrier), est une éternelle manipulatrice qui ment, triche, vole et mentira encore derrière un beau visage masquant la folie et le chaos. Malheureusement, elle a droit à un grand nombre de dialogues stupides, mais sa rage et sa ruine semblent souvent justifiables. Parfois, c’est la façon dont les autres personnages se réfèrent à elle qui est lamentable. Un ami au procès de Simon confirme qu' »elle est trop belle » comme excuse pour expliquer pourquoi les hommes ont tendance à la blesser. Là où Bedos fait preuve de tolérance dans ses choix d’hommage, c’est lorsque Vacth fait une très bonne imitation de Jane Birkin pour escroquer Cluzet.

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Finalement, tout cela devient excessivement compliqué, sans jamais se détacher de la structure des différents témoignages, où nous sommes gavés plutôt que d’être exposés. Pour une raison quelconque, Charles Berling est intégré dans le mélange comme une non-entité avec un tas de bons mots marmiteux, alors qu’il devrait jouer plus comme George Sanders dans Ève. Il y a beaucoup de choses à admirer dans Mascarade, qui fait certainement un excellent usage de la Côte d’Azur, mais son rythme, son ton et son scénario laissent à désirer, dépendant de rebondissements familiers qui nécessitent une narration plus succincte pour maintenir l’énergie.

Le témoignage de ces personnages devrait être ressenti comme une piqûre de rappel, mais Mascarade ressemble davantage à une lourde gueule de bois.

Note : 2.5 sur 5.

Mascarade au cinéma le 2 novembre 2022.

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Louan Nivesse

Rédacteur chef.

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