Il est remarquable de constater que Nathan Ambrosioni, à seulement 24 ans, a réussi à capturer avec une incroyable justesse les nuances de la vie d’une femme de 43 ans, Toni. Tout comme son personnage, le réalisateur s’interroge sur l’avenir, faisant écho à une époque de doutes et de questionnements. Ce parallèle entre la vie du cinéaste et celle de son personnage renforce l’authenticité du récit. Le choix de Camille Cottin pour incarner Toni montre également la perspicacité du jeune réalisateur, qui a su choisir une actrice capable de transmettre la complexité émotionnelle du personnage.
Toni, en famille plonge le spectateur au cœur d’une famille nombreuse, avec cinq adolescents en pleine ébullition, élevés par Toni, une mère débordée, mais aimante. La première scène du film, dans laquelle Toni doit gérer les egos, les complexes, les rivalités et les angoisses de ses enfants, est une parfaite introduction à l’univers chaotique mais chaleureux de la famille. Ambrosioni parvient à caractériser chaque enfant de manière individuelle, créant ainsi une dynamique de groupe réaliste et attachante. Le cœur du récit réside dans la lutte de Toni pour trouver un équilibre entre sa maternité à temps plein et sa quête personnelle. Le film explore de manière subtile et nuancée les défis auxquels sont confrontées les mères célibataires qui aspirent à réaliser leurs propres rêves tout en prenant soin de leur famille. Les réflexions profondes de Toni sur son avenir, sa formation universitaire potentielle et le sens de sa vie résonnent avec authenticité.
Camille Cottin incarne Toni avec une profondeur et une sincérité extraordinaires. Sa performance est à la fois émouvante dans les moments de vulnérabilité et rayonnante dans les moments d’humour. Les jeunes acteurs, notamment Léa Lopez dans le rôle de la fille aînée de Toni, offrent également des performances remarquables, contribuant à l’immersion du public dans l’univers familial. La mise en scène de Nathan Ambrosioni se distingue par sa discrétion et sa luminosité. Les plans d’ensemble dans des espaces restreints, tels que la cuisine et les chambres, permettent de capturer l’essence de la famille, tandis que les portraits individuels mettent en avant chaque personnage de manière significative. Cette approche subtile renforce l’intimité du récit et permet au public de se connecter profondément aux personnages.
Ce qui est particulièrement frappant, c’est la manière dont Nathan Ambrosioni filme le personnage de Camille Cottin. Réalisateur précoce, il parvient à insuffler à son œuvre une vision unique de cet espace. Dans l’écriture et la façon dont il dépeint les enfants (entre la scène de coming-out, la frustration affective, la honte de faire pipi au lit, la peur d’être abandonné) ainsi que la mère/femme (toujours au bord du burn-out, disponible pour chaque enfant et donc à chaque rendez-vous (pour patienter dans une salle d’attente), prête a tout sacrifier tout en voulant sacrifier la vie qu’elle a), on ressent le vécu récent. Nathan n’a pas oublié ces petits détails pour que l’on y croie, pour que l’on s’attache à ces personnages sans y voir des archétypes ou des perturbations.
Il est vraiment touchant de voir toute une famille chanter la chanson à succès de leur mère dans une voiture, pour quelques minutes plus tard, voir l’ado influenceur de la bande défendre cette dernière sur Twitter, après que la radio ait dénigré son travail d’antan. Il y a quelque chose d’attendrissant à voir une mère dormir avec ses deux benjamins quand l’un d’eux se sent exclu, mal et déprimé. Il y a du vrai dans les coups de gueule de Toni lorsque l’enfant fait preuve d’égoïsme, alors qu’elle donne le maximum pour leur bonheur. Chaque émotion de Toni et de ses enfants est si palpable qu’on les ressent avec beaucoup de facilité.
C’est véritablement enthousiasmant de découvrir un jeune cinéaste aussi talentueux que Nathan Ambrosioni, ainsi que sa vision pure et minutieuse du monde qui l’entoure. Toni, en famille est le résultat d’un travail impeccable, dans une ambiance à la fois amère et profondément tendre, rappelant le fabuleux Les Enfants des autres. Comme se le demande Toni, à quoi bon penser aux autres si l’on ne pense pas à soi-même ? Prenez un moment pour vous, allez vous faire cette toile, aussi émouvante que magnifique.
Toni en famille de Nathan Ambrosioni, 1h36, avec Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria – Au cinéma le 6 septembre 2023