[CRITIQUE] Agent Stone – Cœur de pierre (ou cœur inerte)

Marqué par la prolifération des productions d’action de Netflix, il est indéniable que le géant du streaming a eu un parcours mitigé. Si des succès tels que les films Tyler Rake, portés par Chris Hemsworth, ont réussi à captiver le public, d’autres offres plus hétérogènes comme The Gray Man et Red Notice ont accumulé des chiffres impressionnants sans toutefois laisser une empreinte marquante du point de vue critique. Dans cette mouvance, le dernier opus en date, à savoir Agent Stone, réalisé par Tom Harper, tente de se démarquer en proposant une interprétation « originale » du film d’action classique, mais c’est insuffisant. Alors que le film mérite d’être salué pour sa mise en avant de la force féminine et pour l’introduction de dynamiques de personnage, son intrigue s’avère trop générique et calquée pour se démarquer parmi les récents films d’action.

GADOT, GAL GADOT

Une mission secrète au sommet enneigé d’une montagne italienne introduit l’Agent Rachel Stone (Gal Gadot), une experte en technologie souvent maintenue à l’écart de l’action dans le van. Membre d’une équipe d’élite du MI6 dirigée par Parker (un Jamie Dornan surement encore traumatisé par Cinquante Nuances de Grey), son rôle se limite au piratage, du moins c’est ce que ses collègues agents pensent. En réalité, Stone est membre de la Charter, une organisation mystérieuse et quasi-légendaire qui opère en dehors des frontières gouvernementales pour maintenir la paix dans le monde. Les compétences de Stone dépassent celles de ses collègues du MI6, en partie parce que la Charter détient une arme incroyable : le Cœur, un programme informatique omniscient capable d’accéder pratiquement à tout instantanément, partout.

Lorsque Stone est compromise et que le Cœur est mis en danger, elle se retrouve face à Keya (Alia Bhatt), une hackeuse expérimentée avec des liens criminels passés. Les motivations de Keya pour s’emparer du Cœur demeurent mystérieuses, mais Stone est déterminée à protéger la Charter et à obtenir justice pour les torts qui lui ont été infligés. Il faut toutefois concéder que Agent Stone parvient à surprendre occasionnellement grâce à son scénario, écrit par Greg Rucka et Allison Schroeder. Néanmoins, malgré les aspects ingénieux du film, tels que la dynamique entre Rachel et Keya, il tombe dans le piège de certains clichés frustrants du genre.

© Robert Viglasky/Netflix
N’EST PAS TOM CRUISE QUI VEUT

Le Cœur lui-même illustre parfaitement cette tendance, en tant qu’énième exemple d’une longue lignée d’armes IA surpuissantes apparues à l’écran. Parfois, le film évoque les récentes sorties telles que Mission : Impossible – Dead Reckoning Partie 1, ce qui n’est pas nécessairement en faveur de Agent Stone, notamment en ce qui concerne ses scènes d’action, qui, parfois, pâlissent en comparaison avec les spectacles plus réalistes de la franchise menée par Tom Cruise. Heureusement, le long-métrage n’exploite pas exagérément les capacités du Cœur pour faire avancer l’intrigue, mais une certaine impression de déjà-vu persiste. Le Cœur n’est qu’un exemple de plus dans la série des gadgets technologiques ultra-puissants, laissant l’intrigue de sa localisation et de sa protection avoir un goût décevant de classicisme. En somme, il n’offre aucune séquence d’action majeure à relever, bien que Tom Harper parvienne à les mettre en scène de manière suffisamment captivante pour susciter de l’intérêt.

TECHNIQUEMENT BANAL

La bande originale de Steven Price tente d’ajouter une dimension excitante au drame qui se déroule, tandis que le directeur de la photographie George Steel maintient une caméra en mouvement presque étourdissante et donc vomitive. Gal Gadot incarne Rachel avec la même force tranquille et le même cœur sincère qu’elle a apportés à la franchise Wonder Woman, les cheveux au vent et le portrait lisse, sans égratignure. Bien que ce rôle ne la pousse certainement pas vers de nouveaux horizons, Gadot reste comme elle est, une star qui ne vend que son visage, ainsi qu’une éventuelle suite pour approfondir le personnage – ce qui est un problème. Bhatt dispose de davantage de couches à explorer dans son rôle de Keya, dont les motivations sont plus nuancées que ce que son introduction initiale pourrait laisser croire. Elle jongle habilement entre un manque de charisme et un jeu suffisamment  sincère pour y voir de l’intérêt, faisant d’elle la figure la plus intrigante de Agent Stone. Sophie Okonedo et Mattias Schweighöfer occupent des rôles de soutien au sein de la Charter, avec Okonedo en particulier qui fait une forte impression en tant que supérieure redoutable et mentor de Stone, Nomad. Bien que le script se contente parfois d’en dire plus qu’il n’en montre à leur sujet, le respect et l’affection évidents entre Nomad et Rachel contribuent à donner au film une dimension légèrement plus substantielle.

© Robert Viglasky/Netflix
NETFLUX

Le produit tente de trouver sa place dans l’univers des films d’action de Netflix, mais peine à échapper aux pièges des clichés génériques du genre. Malgré les efforts pour mettre en avant la force féminine et créer des dynamiques de personnages intrigantes, le film s’enlise dans l’utilisation répétée des clichés du gadget technologique surpuissant et souffre d’un manque de séquences d’action marquantes. Comparé à des productions similaires, telles que les récents Red Notice ou The Mother, Agent Stone lutte pour se distinguer sur la scène du cinéma d’action. Heureusement, la France présente des alternatives plus travaillées et captivantes dans ce genre, à l’instar de Balle Perdue de Guillaume Pierret ou du récent AKA, avec Alban Lenoir. Ces films prouvent que la qualité et l’originalité ne sont pas nécessairement sacrifiées au profit de l’action spectaculaire, offrant ainsi un répit bienvenu parmi les productions d’action grand public sur Netflix.

Agent Stone de Tom Harper, 2h02, avec Gal Gadot, Jamie Dornan, Matthias Schweighöfer – Sur Netflix le 11 août 2023.

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