[CRITIQUE] Le Preneur de Rats – Le conte de Dracurat

Wes Anderson nous offre une nouvelle pépite dans son adaptation de l’œuvre de Roald Dahl, intitulée Le Preneur de Rats. Ce court-métrage nous plonge au cœur d’une intrigue sinistre, explorant les abysses les plus sombres de la nature humaine, tout en mettant en scène un dératiseur aux méthodes pour le moins insolites.

Dès les premières minutes, il est manifeste que nous évoluons dans un univers qui nous est familier, celui que Wes Anderson a si habilement tissé au fil de sa filmographie. La mise en scène, les cadrages, les plans symétriques et la direction artistique constituent autant de marques distinctives qui ont façonné sa réputation. Toutefois, c’est dans le dénouement que le spectateur se voit pris de court, une surprise qui dévoile une autre facette du réalisateur. En effet, la conclusion semble puiser son inspiration dans le cinéma de genre, spécifiquement dans des œuvres telles que Dracula de Tod Browning et Karl Freund. L’interprétation magistrale de Ralph Fiennes, incarnant le dératiseur démoniaque, donne vie à cette nouvelle orientation de manière éblouissante. Le contraste entre l’esthétique habituelle d’Anderson et cette incursion dans les influences de l’horreur gothique renforce l’impact du film, démontrant une fois de plus la polyvalence du metteur en scène, une qualité qui semblait avoir perdu de sa superbe dans ses œuvres récentes.

© Netflix

Wes Anderson, réputé pour sa créativité visuelle, surprend à nouveau en introduisant un rat animé au sein de son récit. Cette incursion dans l’animation apporte une bouffée d’air frais à sa série de courts-métrages. L’animation offre la possibilité d’explorer des territoires inattendus, de donner vie à des éléments impossibles à capturer en prise de vue réelle, tout en préservant l’esthétique distinctive d’Anderson. Cela témoigne de son désir constant d’expérimenter et de repousser les limites de son propre cinéma.

Le Preneur de Rats est une adaptation d’une nouvelle de Roald Dahl, et l’influence du célèbre écrivain britannique se fait ressentir à chaque instant. Dahl était un maître de l’absurde et du surréalisme, et son empreinte sur Anderson est tangible. L’histoire, bien que ténébreuse et sinistre, conserve un ton d’humour noir caractéristique de Dahl. La complicité avec le spectateur, incarnée par les regards caméra des narrateurs, renforce ce lien avec l’univers de Dahl, où l’absurdité et le décalage sont monnaie courante. Anderson parvient à capturer l’esprit de Dahl tout en insufflant sa propre vision, créant ainsi une œuvre qui rend hommage à l’écrivain tout en étant indubitablement sienne.

Le récit se déploie avec une simplicité déconcertante, mettant les mots en avant plutôt que le style. Cette approche minimaliste permet aux termes de prendre la lumière, ce qui est d’autant plus étonnant dans l’œuvre d’Anderson, généralement caractérisée par une esthétique visuelle grandiose. Cette simplicité narrative souligne le talent de ses acteurs, particulièrement celui de Ralph Fiennes, dont la performance exhale une étrange menace et un charme délicieusement tordu. Cette dichotomie entre la simplicité narrative et la complexité des personnages engendre une tension narrative captivante. Bien que légèrement moins convaincant que La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar et Le Cygne, Le Preneur de Rats demeure un conte savant et des plus agréables à (re)découvrir.

Le Preneur de Rats de Wes Anderson, 0h17, avec Rupert Friend, Ralph Fiennes, Richard Ayoade – Sur Netflix le 29 septembre 2023.

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