[CRITIQUE] The French Dispatch – Un trop gros journal

Dans une ruelle au petit matin, quartier type bâtiment Haussmannien, un cinéma trône entre deux immeubles. Les habitants se réveillent. Le projectionniste sort, une bobine de film à la main. Il crie : « Wes Anderson est de retour ! Le nouveau film du réalisateur dans vos salles ! Le réalisateur qui vous fera aimer les vieux films ! Venez découvrir la dernière œuvre du réalisateur, qui prend place ici dans notre belle France ! » Gros plan sur lui, il fixe la caméra : « qu’est-ce que vous attendez ? Foncez le voir. » The French Dispatch est le titre d’un journal dont Arthur Howitzer est le patron. Le journal regroupe des articles en lien avec la ville d’Ennui située en France, et relate des histoires et des expériences vécues par les rédacteurs, au sein de la ville. Alors que Arthur décède, son testament indique que le journal devra être démantelé immédiatement. On suit alors la rédaction de la dernière édition du journal. Au travers des 3,5 récits des journalistes de la rédaction.

Wes Anderson, se lance donc dans le genre du film à sketchs, au travers de son dernier long-métrage. L’enjeu lors de l’écriture de ce genre de film est de taille car il faut garder le spectateur en haleine lors des diverses histoires. Prenant parti de créer une satire de la ville de Paris, ici représenter par la ville d’Ennui. Le réalisateur s’éloigne du glamour et des représentations parisiennes contemporaines du cinéma américain. Allant des bas fonds et des quartiers sales d’Ennui, en passant par sa prison, jusqu’aux troquets et commissariats de police. Wes Anderson nous fait découvrir un ennui humain et plein défervescence. Le réalisateur réussi son parie haut la main, tant les 3 histoires, et la petite introduction en première partie, se révèlent passionnantes. Même si elles ne sont pas sans défaut, tant le rythme du film oscille en accordéon selon les histoires.

Car c’est bien la seule chose que l’on peut reprocher au film. Tant tout le reste est millimétré, soigné et cadré à la réplique près. Et c’est ce que l’on attend d’un Wes Anderson. Le style du cinéaste qui reprend les codes les plus classiques du cinéma à savoir des plans fixes ou des trucages et illusions du cinéma de Méliès, et les transposer aux codes de narrations modernes. D’où cet aspect millimétré, et sur-travaillé qui fait que la réalisation de Wes Anderson est toujours aussi impeccable. Il n’a rien à dire tant tout est au service du film. La réalisation, les acteurs, la musique tout fonctionne ! Le réalisateur tente et s’enfuit même par moments de son style traditionnel. Pour citer : La Nouvelle vague ou la veille SF de série B, ou la satire et le postiche en même temps, l’animation 2D qui fera écho aux dessins animés Tintin ou Black et Mortimer. Wes Anderson tente, et réussit avec brio tout ce qu’il tente. Alors pourquoi on en sort aussi indifférent ?

Il y a une certaine forme de trop pleins dans ce film. Trop d’hommages à trop de formes de cinéma, trop de dialogues prononcés vite. Il est divertissant, passionnant et hypnotisant. Mais aussi étouffant, trop rapide et trop lent en même temps, et avec un trop gros casting. Si bien qu’on n’a pas le temps de s’attacher aux personnages (exceptés pour la première histoire qui se concentre quasiment que sur le peintre et la gardienne.). Le film ne nous perd jamais, mais épuise à force de narration toujours plus rapide, d’aller et de retour entre le journal et les divers récits. On en sort content, certes. Et les fans de Wes Anderson s’y retrouverons, car nous sommes face à un bon film du réalisateur. Une œuvre qui ne sera pas la meilleure, et qui ne réinventeras pas la formule, pas la pire non plus, tant elle est divertissante et sympathique. Juste un bon film.

The French Dispatch au cinéma le 27 octobre 2021.

Note : 3.5 sur 5.

L’avis de la rédaction :

Louan N.

Si The French Dispatch n’atteint pas tout à fait la magie des films les plus appréciés d’Anderson (La Famille Tenenbaum, Fantastic Mr. Fox, The Grand Budapest Hotel), il n’en reste pas moins une affaire puissamment envoûtante et mémorable, et il ne manquera pas d’attirer les plus ardents défenseurs d’Anderson, quoi qu’il arrive. Grâce au style envoûtant du film (avec des décors sensationnels et une cinématographie consommée) et à son casting uniformément engagé et charismatique, The French Dispatch s’affirme comme l’un des spectacles cinématographiques incontournables de l’année, et vous aurez du mal à trouver quelqu’un qui dise ne pas s’être amusé de la frénésie artistique d’Anderson, même s’il en sort un peu épuisé. Un grand cru – un chouïa lassant -, qui ne demande qu’à vous donner de la joie.

Note : 4 sur 5.

WIlliam Carlier

Wes Anderson est un artisan de génie, ce n’est plus un secret, tant il ne cesse d’expérimenter film après film toutes sortes de pyrotechnies visuelles. Avec the French Dispatch, le cinéaste américain propose la mise en abyme d’un numéro du journal éponyme, conviant toute sa panoplie d’interprètes préférés à les illustrer. Que dire .Qu’il s’agisse de la mise en scène ici poussée à l’extrême du style atypique de l’auteur (travellings impressionnants, format cartoon, juxtaposition des couleurs et des cadres…) jusqu’aux destinées hilarantes puis touchantes de ses personnages, Wes Anderson rend compte de son savoir-faire en toute humilité, sans trop se prendre au sérieux. L’humanité est désarmante, jusqu’au final des plus sincères. Les plus grands artistes sont ceux de tous les jours, et d’un petit mouvement de pinceau comme de casserole, les circonstances de la vie ne sont plus les mêmes. Attendrissant et mature, cela se fait rare aujourd’hui au cinéma.

Note : 4.5 sur 5.
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