[CRITIQUE] Le Cygne – Le vilain petit canard

L’univers singulier de Wes Anderson, aisément reconnaissable grâce à sa stylisation visuelle unique et à sa fusion entre la comédie pince-sans-rire et une mélancolie sous-jacente, se révèle d’une manière singulière dans son court-métrage intitulé Le Cygne. Dans cette œuvre, Anderson déroge à sa formule habituelle, offrant un monologue poignant, sublimé par le talent solitaire de l’acteur Rupert Friend. Cette audacieuse initiative nous convie à une immersion profonde dans l’âme du personnage de Peter Watson, un jeune garçon chétif aux prises avec la tyrannie brutale d’Ernie et Raymond, deux individus dépourvus de finesse. À travers cet opus, Anderson explore la confrontation entre l’innocence et la cruauté, tout en hissant la mise en scène au sommet de la narration, créant ainsi une œuvre aussi déconcertante que captivante.

En décalage avec ses réalisations habituelles telles que The French Dispatch et Asteroid City, Wes Anderson délaisse ici les assemblées d’acteurs et les distributions d’étoiles au profit d’un monologue solitaire. Cette rupture avec sa traditionnelle pléthore de protagonistes apporte un vent de fraîcheur à son travail, soulignant la centralité de la mise en scène. Si le style symétrique d’Anderson reste fascinant, il acquiert une intensité supplémentaire lorsqu’il est juxtaposé à un seul acteur, obligeant ainsi le public à plonger profondément dans l’intrigue. Cette décision audacieuse révèle le talent de Wes Anderson en tant que réalisateur, démontrant que sa mise en scène peut incarner un personnage à part entière. L’association entre l’univers de Roald Dahl et celui du cinéaste trouve, comme toujours, une harmonie parfaite. Anderson parvient à capturer l’essence de l’innocence enfantine et de la découverte du monde, tout en préservant son esthétique aisément reconnaissable. Cette alchimie magique insuffle à ces courtes minutes une douceur singulière qui caractérise la collaboration de leurs univers.

À l’instar de son habitude, Wes Anderson nous gratifie d’une comédie pince-sans-rire, nuancée par la subtilité et la malice. Toutefois, sous cette apparence légère, une profonde mélancolie transparaît. Il explore la dualité entre l’humour et la tristesse avec finesse, poussant ainsi le spectateur à méditer sur la dureté du monde et la persévérance de l’innocence. Le Cygne se détache nettement comme l’œuvre la plus sombre et cruelle de la filmographie d’Anderson. Le récit d’un enfant intrépide, confronté aux horreurs de deux brutes sadiques, suscite de profondes interrogations sur la nature humaine. Contrairement à ses protagonistes habituels qui se rapprochent émotionnellement du public au fil de l’histoire, ici, une distance émotionnelle perdure, conférant au film une tonalité mélancolique et tragique a posteriori. La brièveté de ces 17 minutes y contribue également, laissant une empreinte indélébile de cruauté.

Ce court-métrage se distingue par l’innocence avec laquelle il aborde un événement aussi traumatisant, ce qui lui confère une dimension d’autant plus effrayante. La scène du train, notamment, illustre de manière magistrale cette dualité, permettant au spectateur de s’immerger profondément dans le récit. Bien que dépourvu du casting présent dans La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar, Le Cygne parvient à captiver et à émouvoir. Une brillante réalisation.

Le Cygne de Wes Anderson, 0h17, avec Ralph Fiennes, Rupert Friend, Asa Jennings – Sur Netflix le 28 septembre 2023.

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