[CRITIQUE] Drunk – Boire & Revenir

Le brillant concept de Drunk narre l’histoire de quatre amis, enseignants au lycée, tous dans la tranche d’âge entre quarante et cinquante ans. Ces derniers scellent un pacte pour explorer les enseignements d’un philosophe danois obscur, avançant que le bonheur se manifeste au seuil de 0,5% d’alcool dans le sang. Cette théorie postule que chaque individu se trouve dans un état plus détendu, équilibré et en harmonie avec la musique lorsque l’alcool imprègne son système sanguin. Ainsi, ces amis, chacun confronté à sa propre mélancolie, entreprennent cette expérience dans l’optique d’embellir leur existence terne à travers une consommation régulière d’alcool.

Copyright Henrik Ohsten

Le long-métrage réunit à nouveau le brillant Mads Mikkelsen et le réalisateur Thomas Vinterberg, ce dernier ayant précédemment réalisé l’épopée saluée La Chasse, nominée aux Oscars, aux BAFTA et aux Golden Globe dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. En Mikkelsen, Vinterberg dispose d’un acteur réputé pour son engagement et son intensité, contrastant avec les rôles américains où il incarne souvent des personnages antagonistes, comme dans Casino Royale, Doctor Strange et Hannibal. Son travail européen le présente davantage comme un homme d’une profonde intensité, à l’instar de sa transformation presque muette en un guerrier croisé dans Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn.

Dans Drunk, Mikkelsen incarne Martin, un professeur d’histoire au lycée, qui se trouve coincé dans une routine professionnelle et personnelle. Interrogée par Martin sur sa propre fadeur, sa femme élude habilement la question. Les étudiants de Martin semblent aussi désintéressés que lui par ses cours d’histoire. C’est avec l’introduction de l’alcool dans sa méthode pédagogique que Martin reprend vie, tant sur le plan physique que mental. Ses conférences prennent rapidement l’ambiance légère d’une conversation de bar animée, tandis que son intérêt se porte sur les exploits alcoolisés de diverses personnalités célèbres. L’amour de Churchill pour la boisson et l’approche éthérée d’Hemingway deviennent des vertus héroïques pour ses étudiants, permettant à Martin de tisser des liens avec eux autour d’une approche pragmatique de la consommation d’alcool. Ses leçons captivent autant les spectateurs que les nouveaux élèves engagés.

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Le succès du film repose en partie sur le dynamisme des amis de Martin, interprétés avec brio par Magnus Milang, Lars Ranthe et Thomas Bo Larsen, malgré leur temps d’écran limité. Chacun bénéficie d’un développement humain efficace, et ensemble, leurs échanges dégagent une chimie digne d’un authentique groupe d’amis. Plus remarquable encore, les acteurs parviennent à maintenir une tension subtile entre eux à différentes étapes de leur expérience, sans avoir besoin d’expliciter leurs sentiments. Chacun aurait pu être le leader du groupe dans un univers alternatif. Thématiquement, il aurait été facile pour Vinterberg de conduire ses personnages vers la ruine personnelle et la prise de conscience brutale des conséquences de leur consommation excessive d’alcool. Cependant, le réalisateur opte pour une conclusion plus nuancée, suscitant la réflexion.

Drunk s’impose comme un divertissement festif en cette période morose, bien que son essence soit empreinte de tristesse à y regarder de plus près. Porté par un quatuor de personnages riches, le film oscille habilement entre rires et larmes, offrant un impact émotionnel authentique, particulièrement pertinent dans le contexte difficile que nous traversons. Un film appelé à devenir une référence générationnelle, le choix incontournable pour les cérémonies de fin d’année, déjà considéré comme un chef-d’œuvre intemporel.

Drunk, 1h57, avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Magnus Millang – Au cinéma le 14 octobre 2020

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