[RETROSPECTIVE] Kaboom – Macron, explosion !

Kaboom incarne le retour aux sources d’Araki, salué par John Waters pour sa virtuosité à revisiter le style provocateur qui caractérisait sa filmographie des années 1990, une période qui a été marquée par des œuvres subversives, ancrées dans une esthétique punk, osant contester les représentations conventionnelles de la sexualité, de la transgression et de la rébellion. Dans ses réalisations antérieures telles que Totally Fucked Up, The Doom Generation et Nowhere, le cinéaste a sondé les marges de la société en créant des personnages marginaux, autodestructeurs, dépourvus des contraintes sociales relatives au genre et à la sexualité.

Mysterious Skin a constitué un tournant dans sa trajectoire artistique, mettant en évidence sa maîtrise du cinéma et sa sensibilité, tout en prouvant qu’Araki était en mesure de concevoir des films dotés d’une profondeur émotionnelle et en conservant son esthétique subversive. Le long-métrage a été acclamé pour sa poésie et sa sensibilité dans l’exploration des vies des survivants de l’abus sexuel, démontrant la capacité d’Araki à aborder des sujets complexes avec profondeur. Kaboom se distingue principalement par son esthétique visuelle. La bande-son post-punk et shoegaze crée une atmosphère distinctive, tandis que l’emploi excessif de l’exposition et les couleurs vives évoquent les toiles surréalistes de René Magritte. Ici, il juxtapose avec finesse les rêves et les hallucinations induits par les drogues, intensifiant ainsi sa dimension surréaliste.

Son esthétique évoque l’influence du surréalisme, mêlant la réalité et les rêves de manière à défier les anticipations du spectateur. Il  transcende les stéréotypes éculés qui peuplent souvent le cinéma grand public en offrant une représentation de la beauté qui éloigne le spectateur des clichés usuels. Les personnages du film, jeunes et charismatiques, incarnent l’émancipation sexuelle et la non-conformité. Ils se soustraient avec habileté aux tropes relatifs à la beauté et à la sexualité, personnifiant des rôles qui subvertissent les normes de genre. Araki explore la sexualité masculine en mettant en lumière l’attirance de Smith pour son colocataire, Thor, un surfeur à l’hétérosexualité assumée. Cette investigation engendre des commentaires humoristiques sur le comportement homoérotique des hommes hétérosexuels. Les interactions entre les personnages remettent en question les clichés rattachés à la sexualité masculine, offrant une perspective novatrice.

Kaboom ne se limite guère à l’exploration de la sexualité étudiante. Il infuse progressivement des éléments de thriller et de science-fiction, confectionnant un récit empreint de paranoïa lié à la magie et à une société secrète. Il use de plusieurs éléments issus de divers genres, ce qui peut déstabiliser un public vierge de la partie 90’s du metteur en scène. Il faut y être préparé. Car Araki s’abstient encore et toujours de suivre les sentiers battus des récits conventionnels. Il fusionne habilement une conscience de soi, des éléments fantastiques et les angoisses de l’adolescence, évoquant, par moments, l’approche de réalisateurs tels que Takashi Miike, avec son dédain joyeux des normes génériques et des codes. C’est inédit.

Une question se pose tout de même. S’adresse-t-il à la génération habituée aux séries télévisées et aux références culturelles qu’il détourne ou bien à un public plus âgé, amateur de cinéma d’auteur ? Le film élude ces catégorisations en perturbant et en questionnant le public grâce à un osé mélange de tout et de trop plein de rien. Prenez ça comme une blague, prenez ça comme une proposition, mais acceptez-le. Kaboom est une véritable explosion de cinéma, fusionnant les racines provocatrices d’Araki avec l’exploration de la sexualité, de la transgression et de la paranoïa, tout en évoquant la survie du cinéma en tant que médium artistique. L’œuvre se dépasse pour offrir une expérience captivante. En défiant les anticipations et en célébrant la diversité, Araki nous rappelle que le cinéma détient toujours le pouvoir de déranger et d’interroger, même dans un monde constamment en mutation. Et si vous n’aimez pas la fin, sachez que Gregg en y injectant The Bitter End de Placebo, trouve lui aussi qu’elle est… amère.

Nous écouter sur Kaboom dans CQLCM :

Kaboom de Gregg Araki, 1h26, avec Thomas Dekker, Juno Temple, Roxane Mesquida – Sorti en 2010

0
0

Un Ping

  1. Pingback: [CRITIQUE] Gregg Araki, Le Génie Queer - C'est quoi le cinéma ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *