[RETROSPECTIVE] The Living End – Le début de la révolution

Le troisième long-métrage de Gregg Araki, intitulé The Living End, s’impose comme une incontournable pierre angulaire de l’histoire du Nouveau Cinéma Queer. En 1992, ce film audacieux s’aventure avec une ferveur palpable dans des thèmes brûlants, empreints d’une colère vis-à-vis de la société hétéronormative de l’époque, tout en exposant une vision sans concession de la vie de deux hommes homosexuels infectés par le VIH. Par le biais d’une narration à la manière d’un road movie, Araki plonge son public dans un périple qui explore les confins de la désillusion américaine, capturant ainsi l’essence d’une époque marquée par la crise du sida et l’indifférence à l’égard des communautés LGBTQ+.

Le fondement sous-jacent peut se résumer en une question audacieuse : Et si Thelma et Louise étaient en réalité des amantes homosexuelles ? Cette notion subversive reflète la volonté du cinéaste de subvertir les conventions traditionnelles de l’époque en explorant la relation entre deux hommes, Luke et Jon, partageant l’expérience du VIH. Il s’agit d’une réflexion novatrice, un défi au statu quo hétéronormatif, comparable à l’œuvre accomplie par Gus Van Sant avec My Own Private Idaho. Au cœur de l’œuvre, Araki insuffle une rage dirigée contre une société hétéronormative qui avait ostracisé les individus queer pendant l’épidémie du sida. Les actions subversives des personnages, comme l’incident sur la pelouse d’un bourgeois fortuné ou le meurtre d’un policier, servent de catharsis pour un public queer en colère contre le gouvernement américain de l’époque. Luke et Jon se présentent comme des figures queer dangereuses et intransigeantes, brisant ainsi les codes et offrant un modèle d’activisme nécessaire.

Le Nouveau Cinéma Queer, dont The Living End fait partie intégrante, cherche à réapproprier l’image du “monstre” queer en les hissant au rang de protagonistes. Luke et Jon, malgré leurs caractères controversés, sont des personnages que le public queer peut finalement soutenir. Ils incarnent les sentiments de la communauté LGBTQ+ de l’époque, ouvrant la voie pour affronter une société qui les avait exclus et humiliés. Il promeut l’idée de “bonne désobéissance civile,” en faveur de l’anarchie anti-fasciste. Araki, à l’instar de Tom Kalin avec Swoon, revendique l’aspect “monstrueux” queer pour inspirer une communauté en quête de courage. Ces éléments fondamentaux font de The Living End une œuvre révolutionnaire.

Le récit, conçu comme un road movie, se déroule avec une maîtrise narrative digne de John Waters, tout en explorant des thèmes brûlants de manière innovante. Les deux protagonistes cheminent sur une voie semée d’obstacles, symbolisant leur lutte contre l’oppression et la maladie. La route devient le lieu de leur rédemption et de leur confrontation avec la mortalité imminente. Son troisième film contribue également à la réappropriation de la sexualité queer en exposant les corps queer sans honte ni fétichisation. La représentation de la sexualité entre les personnages vise à renforcer le message d’autonomie sexuelle. Il invite son public à assumer sa sexualité sans réserve.

Ainsi, Gregg Araki a laissé une marque indélébile sur le cinéma contemporain en explorant des thèmes audacieux et en proposant une narration radicale. Le réalisateur a poursuivi dans cette veine avec d’autres œuvres notables telles que Mysterious Skin et Totally Fucked Up,  mais c’est The Living End qui a posé les bases de son œuvre révolutionnaire. En 2020, lors du confinement lié à la pandémie de COVID-19, la vision du film a pris une signification particulière. La compassion d’Araki envers les personnages touchés par le VIH trouve un écho puissant dans un contexte marqué par la crise sanitaire mondiale. De plus, les stigmates et les discriminations auxquels sont confrontées les communautés marginalisées, que ce soit en raison du VIH ou de nouvelles épidémies comme la variole du singe, rappellent la pertinence continue de son « simple road-trip gay ».

The Living End demeure un film révolutionnaire, une pierre angulaire du Nouveau Cinéma Queer. À travers sa narration puissante et sa représentation franche de la sexualité queer, il a su incarner la colère et la rébellion d’une époque marquée par la crise du sida et la lutte contre l’oppression hétéronormative. Ce film demeure une source d’inspiration et de réflexion pour les générations actuelles, tout en rappelant l’importance de la désobéissance civile et de l’affirmation de l’identité queer. C’est bien plus qu’un simple film, c’est un cri de révolte et d’amour, un hymne à la liberté et à l’authenticité dans un monde qui, parfois, les refuse.

The Living End de Gregg Araki, 1h32, avec Mike Dytri, Craig Gilmore, Mark Finch – Sorti en 1992

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