[RETOUR SUR..] Le Territoire des morts & Survival of The Dead – Les derniers pas d’un Survivant

George A. Romero, bien que souvent crédité comme le pionnier du cinéma de zombie moderne, semble n’avoir guère œuvré à son avancement, du moins si l’on en juge par son Land of the Dead (vf : Le Territoire des morts). Si les zombies revêtent désormais une allure plus terrifiante et que l’horreur s’y fait plus brutale, le récit demeure immuable : une fuite perpétuelle d’êtres humains traqués par des hordes de zombies déambulant avec lenteur. Il semble que le film soit une fusion maladroite entre le remake de L’Armée des morts de 2004 (un an auparavant) et 28 Jours Plus Tard de Danny Boyle. On ne peut s’empêcher de penser que Romero a puisé dans ses réserves créatives, réutilisant des éléments familiers. Qui plus est, le titre, bien que pertinent, rompt avec la tradition établie. Initialement, nous eûmes La Nuit des Morts-Vivants, puis “L’Aube des Mortsvivants” (traduction littérale de Dawn of The Dead, le titre français étant Zombie), suivi de Le Jour des morts-vivants. Ne devait-il pas s’intituler “Le Crépuscule des Mortsvivants” ?

Dans une tentative de diversification, Romero porte son attention tant sur les morts traquant les humains que sur les humains se méfiant les uns des autres. Cette dualité dans le récit évoque la réplique de Ripley dans Aliens : “Je ne sais pas quelle espèce est la pire. On ne les voit pas se trahir pour un foutu pourcentage !” Cette fois-ci, les morts-vivants commencent à manifester des signes de coopération et de cognition rudimentaire. Leur chef, un zombie costaud à la peau ébène incarné par Eugene Clark, manie même des armes à feu et un marteau-piqueur. Néanmoins, le véritable antagoniste de cette histoire est un opportuniste à la Trump, Kaufman, interprété par Dennis Hopper, qui a exploité la situation des zombies pour amasser richesse et pouvoir. Il gouverne depuis les hauteurs d’un gratte-ciel baptisé “Fiddler’s Green” sur un Pittsburgh épargné par les zombies, tandis que les privilégiés y résident, laissant les démunis s’entasser dans des taudis et des bidonvilles. La ville est protégée des morts-vivants par l’eau qui l’entoure sur trois côtés et une clôture électrifiée sur le quatrième.

Parmi les acolytes de Kaufman figurent les récupérateurs Riley, campé par Simon Baker, et Cholo, joué par John Leguizamo. Leurs motivations diffèrent : Riley aspire à secourir les âmes en détresse, tandis que Cholo poursuit des gains matériels, rêvant d’acheter son accès à Fiddler’s Green. Ensemble, ils entreprennent des raids dans les villes et villages avoisinants, à bord d’un véhicule blindé invincible, afin d’acquérir des provisions. Riley cherche des conserves et des médicaments, tandis que Cholo vise l’alcool qu’il peut écouler dans les rues. Au fil du récit, ces deux comparses se dressent contre leur employeur. Riley s’attire les foudres de Kaufman en sauvant une femme condamnée à être massacrée dans un combat de cage face à deux zombies. Cholo perd sa place lorsque ses aspirations à l’ascension sociale sont perçues comme une menace. Riley se lance à la poursuite de Cholo, qui fait pression sur Kaufman, tandis que les morts-vivants se rapprochent inexorablement.

Étonnamment, l’atmosphère du film manque de tension. L’œuvre dévoile un récit linéaire, et dès les premiers instants, le destin des personnages semble prévisible. Malgré quelques sursauts bien orchestrés, l’implacabilité qui caractérisait les films précédents cède la place à une série de moments destinés à susciter la surprise. Néanmoins, une scène reste gravée dans la mémoire : l’apparition progressive des morts-vivants sortant de la rivière après avoir découvert que l’eau ne les retient plus. C’est une séquence digne des affiches et des cauchemars, l’une des rares occasions où Le Territoire des morts parvient à frapper la note juste.

Dennis Hopper est un choix judicieux pour incarner l’astucieux Kaufman, le tyran sadique qui ne contrôle pas autant la situation qu’il le pense. Simon Baker, remarqué pour son rôle de Patrick Jane dans la série Mentalist, campe un Riley convaincant, bien que son altruisme soit quelque peu excessif. John Leguizamo tempère son penchant pour l’exubérance et l’irritation, offrant une performance plus modérée pour un personnage moins sympathique que Riley. Asia Argento, peut-être recrutée en raison de son nom et de sa réputation (fille du maître italien de l’horreur, Dario Argento), livre une interprétation à la fois dure et distante, un mélange étrange mais fonctionnel. Eugene Clark, quant à lui, ne se voit confier qu’un rôle limité, se contentant d’incarner un méchant grondant et émettant une série de grognements, une tâche qu’il exécute avec brio.

En définitive, Le Territoire des morts se révèle être d’une banalité déconcertante. Malgré sa noirceur ambiante, il pâtit de l’absence d’une tension soutenue et du suspense qui font vibrer dans 28 Jours Plus Tard, et il ne revêt point l’approche humoristique éclatante de Shaun of the Dead. Cependant, il se distingue par une maîtrise exceptionnelle de l’art du maquillage. Tout le mérite en revient à Gregory Nicotero, digne successeur de Tom Savini de Zombie et Le Jour des morts-vivants, pour avoir su conférer aux morts-vivants une terrifiante élégance plutôt que de les réduire à de grotesques figures.

Néanmoins, le foisonnement de gore et la décrépitude charnelle ne sauraient à eux seuls combler les lacunes d’un film. C’est dans l’ambition lacunaire de l’intrigue de Romero que réside l’échec manifeste du Territoire des morts. Si celui-ci saura satisfaire les amateurs du genre zombie, il apparaît peu probable qu’il puisse conquérir un public plus vaste, encore moins celui de l’horreur en général. Il se révèle dépourvu de surprise et dénué de cette terreur intense tant recherchée. Cela dit, on aurait pu s’attendre à bien pire…

Durant une période de vingt ans, allant de la sortie de Le Jour des morts-vivants en 1985 jusqu’à l’éclosion du Territoire des morts en 2005, George A. Romero s’était orienté vers d’autres projets. Toutefois, depuis lors, cet éminent pionnier du cinéma d’horreur s’est engagé sur une voie plus restreinte. On peut concevoir que sa décision de se consacrer à nouveau aux films mettant en scène des zombies ait peut-être été influencée par le retour en grâce de ces créatures au milieu des années 2000. Il est possible qu’il ait ressenti un certain malaise à l’idée de voir d’autres cinéastes réussir dans le domaine qu’il avait lui-même façonné, le poussant ainsi à revenir sur le devant de la scène.

Ceci pourrait expliquer, sans toutefois l’excuser entièrement, la création du Territoire des morts. En découvrant Diary of the Dead – Chronique des morts vivants, le film en found footage de Romero sorti en 2007, bien plus captivant qu’on ne pourrait le supposer. Cependant, Survival of the Dead (vf : Le Vestige des morts-vivants), qui a suivi, semble être une concession à la médiocrité. Il y a ici peu d’originalité ou d’attrait ; le long-métrage semble être principalement destiné aux inconditionnels du cinéaste, et même ces derniers devraient l’aborder avec des attentes modérées.

Celui-ci s’inscrit une nouvelle fois dans l’univers post-apocalyptique de l’auteur, où les défunts ne consentent point à demeurer dans leur état de trépas. L’intrigue débute en présentant deux narrations distinctes, destinées à fusionner ultérieurement. Au sein d’une petite île, au large des côtes du Delaware, deux familles en conflit, les O’Flynns et les Muldoons, se trouvent en désaccord quant à la manière d’appréhender les morts-vivants. Patrick O’Flynn (interprété par Kenneth Walsh) prône l’éradication des zombies, tandis que Seamus Muldoon (incarné par Richard Fitzpatrick) préconise de les maintenir enchaînés en attendant la découverte d’un remède. Une confrontation épique entre Patrick et Seamus aboutit à l’exil du premier hors de l’île, le contraignant à prendre la mer à bord d’une modeste embarcation. Pendant ce temps, un groupe de mercenaires anciennement affiliés à l’armée, sous la direction du sergent “Nicotine” Crocket (joué par Alan Van Sprang), est établi à Philadelphie, cherchant à élaborer leur prochain plan d’action. Ils tombent sur une publicité en ligne, promue par Patrick, vantant les mérites de la vie insulaire, ravivant ainsi leur curiosité pour le vieil homme.

Survival of the Dead arbore une atmosphère singulière. Nulle trace d’effroi véritable n’affleure au sein de cette œuvre, pas même une quelconque surprise soudaine – un frisson, ou deux – ce qui suggère que Romero explore d’autres horizons. Les éléments allégoriques se dévoilent avec évidence, surtout en ce qui concerne l’absurdité d’un conflit humain à l’heure où le monde sombre dans le chaos. Toutefois, le film évoque davantage une parodie qu’une œuvre sérieuse. Les morts-vivants décèdent de façons des plus variées, la plupart étant accompagnées d’un gore excessivement exagéré et dérisoire. Il est à noter une scène où un personnage tire un projectile lumineux dans la tête d’un zombie, avant de prendre une pause pour utiliser le cadavre enflammé comme source d’allumage pour une cigarette, puis tuer la créature. À certains moments, une ambiance rappelle presque Evil Dead 2, ce qui se distingue des précédents essais du réalisateur. Le problème majeur réside dans le fait que Romero ne manie pas aussi habilement la satire que Sam Raimi, et pour qu’un film d’horreur/comédie soit couronné de succès, il doit provoquer à la fois le rire et le frisson. Le dernier film réalisé par l’auteur se moque du genre, mais peine à susciter l’hilarité, tout en restant dénué de la moindre frayeur. Le résultat en est un ennui patent.

Les personnages se divisent en deux groupes bien distincts. D’une part, les archétypes de militaires à la retraite, usant de leur puissance de feu pour se frayer un chemin à travers les hordes. Alan Van Sprang interprète son personnage avec une pointe d’ironie perceptible lors de certaines répliques. Ses compagnons armés et dangereux (communément appelés “casse-croûtes pour les zombies”) se révèlent notablement moins mémorables. D’autre part, les protagonistes excentriques aux accents irlandais en proie à des conflits internes, leurs singularités étant plus intrigantes que leur personnalité. Romero néglige de développer leur lutte philosophique fondamentale au-delà du strict nécessaire pour faire progresser l’intrigue.

Il m’est impossible d’imaginer que cette incursion de Romero dans le monde tourmenté qu’il a initié en 1968 avec La Nuit des morts-vivants puisse être sa dernière. C’est malheureusement le cas. Le cinéaste s’était retrouvé dans une impasse créative qu’il n’aurait plus la chance d’effacer, car il a quitté ce monde à l’âge de 77 ans en juillet 2017. Malgré le passage en revue de Survival of the Dead, son héritage perdurera à jamais dans nos esprits, ses grandes œuvres et ses pensées continueront à vivre éternellement.

Le Territoire des Morts de George A. Romero, 1h33, avec Devon Bostick, Simon Baker, Asia Argento – En Blu-ray et DVD chez Wild Side video

Survival of the Dead de George A. Romero, 1h30, avec Kathleen Munroe, Alan Van Sprang, Athena Karkanis – Sorti en 2009

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