[CRITIQUE] Sissi & Moi – relation de Sororité

La figure d’Élisabeth d’Autriche, surnommée Sissi, a inspiré de nombreuses adaptations et a marqué l’entrée de Romy Schneider dans le monde du cinéma. Cependant, bien avant la trilogie de films d’Ernst Marischka, la vie de cette personnalité majeure du XIXe siècle avait déjà été adaptée dans diverses formes artistiques, notamment la peinture, la littérature et le cinéma, dès l’époque du cinéma muet. Au XXIe siècle, les pays d’Europe centrale ont revisité le personnage de l’impératrice, que ce soit dans des séries télévisées, comme dans le film Corsage, où Vicky Krieps incarne le rôle de Sissi, ou dans Sissi & Moi, où Susanne Wolff tient le rôle principal.

Adapter à nouveau l’histoire de Sissi est un défi considérable, étant donné les nombreuses représentations déjà existantes de l’impératrice d’Autriche, reine de Bohême, de Hongrie et de Lombardie-Vénétie. Pourtant, la réalisatrice relève brillamment ce défi. Son deuxième film propose une relecture captivante du mythe entourant cette figure emblématique de l’Autriche. Sissi & Moi se concentre sur le mythe plutôt que sur l’histoire, en imaginant une histoire fictive basée sur les sources historiques d’Élisabeth, tout en créant un personnage cohérent avec la réalité, mais doté d’une trajectoire contemporaine. La réalisatrice, Frauke Finsterwalder, ne cherche pas à présenter une biographie, comme l’indique le titre du film, mais à explorer la relation entre deux personnages : Sissi et “moi”, incarné par Sandra Hüller, qui enchaîne les projets intéressants en 2023. Elle interprète Irma, la dame d’honneur choisie pour accompagner l’impératrice dans ses aventures en Méditerranée.

Copyright DCM / Bernd Spauke

Ce qui frappe immédiatement dans Sissi & Moi, c’est la minutie avec laquelle les décors et les costumes sont reproduits à l’écran. La gestion de la lumière dans les nombreux décors du film est également remarquable, reflétant la grandeur associée à l’une des dames les plus importantes d’Europe. Bien que le scénario s’éloigne de la réalité historique, il est digne d’éloges pour sa fidélité à la représentation de l’époque, notamment dans les arts visuels. Lorsque l’action se déplace en dehors des châteaux d’Europe centrale, le film offre des décors extérieurs somptueux. Un autre aspect splendide du deuxième film de Frauke Finsterwalder est le talent des acteurs, en particulier des actrices. Sandra Hüller, déjà remarquable dans Anatomie d’une Chute et prochainement dans La Zone d’Intérêt, offre une performance d’une grande justesse, en particulier dans son jeu de regards. Le film met en scène la cour royale comme un lieu de faux-semblants où les personnages dissimulent leurs intentions, mais Sissi & Moi s’écarte souvent de cette convention, à la fois en ce qui concerne le caractère de l’impératrice et le lieu de l’intrigue, qui est souvent éloigné de la cour. Les dialogues deviennent plus sincères, les regards plus honnêtes, du moins tant que l’on s’éloigne des normes de courtoisie impériale. Susanne Wolff incarne parfaitement Élisabeth d’Autriche, souvent sans ses attributs royaux, dans un contexte beaucoup plus intime. L’actrice dégage un naturel et une spontanéité dignes de mention.

Sissi & Moi raconte l’histoire de ces deux personnages. À l’instar de Tarantino dans Once Upon a Time… in Hollywood ou Inglorious Bastards, Frauke Finsterwalder utilise la figure de Sissi pour explorer d’autres horizons. Cependant, contrairement au réalisateur américain qui crée des uchronies pour imaginer des mondes meilleurs, la réalisatrice allemande brosse le portrait d’une relation de sororité entre ces deux femmes, enchaînées à la cour impériale.

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Tout l’intérêt du film réside dans la complexité de cette relation. Irma, interprétée par Hüller, est la suivante de Sissi, et Finsterwalder brouille les frontières de cette relation, laissant planer l’incertitude sur les véritables intentions de l’impératrice d’Autriche envers Irma. Cette ambivalence marque également sa relation avec tous les personnages du récit. Si Élisabeth séduit par sa complexité, que ce soit par son humour ou sa cruauté envers ses suivantes, toutes semblent profondément l’aimer. L’amour que porte notre protagoniste à l’impératrice, traduisant ses états d’âme complexes et changeants, est au cœur du film. Cet amour guide tous les personnages du récit, que ce soit en Grèce, en Autriche ou en Angleterre.

Néanmoins, on peut émettre quelques critiques à l’égard de Sissi & Moi. Le film peut parfois paraître répétitif, souffrir de longueurs et perdre en puissance et intérêt lorsque le récit se recentre sur la cour impériale. Malgré cela, le deuxième film de Frauke Finsterwalder réussit son pari de réinventer le mythe quelque peu éculé de l’impératrice Élisabeth d’Autriche et offre deux rôles magnifiques à ses actrices principales, tout en élaborant une relation de sororité particulièrement réussie.

Sissi & moi de Frauke Finsterwalder, 2h12, avec Susanne Wolff, Sandra Hüller, Georg Friedrich – Au cinéma le 25 octobre 2023.

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