[CRITIQUE] Killers of the Flower Moon – Une autre Histoire de l’Amérique

Plus de trois ans après son point final sur les films de gangster avec The Irishman, Martin Scorsese embarque à nouveau son ami Robert De Niro, ainsi que son fidèle collaborateur Leonardo DiCaprio pour adapter à l’écran Killers of the Flower Moon, le roman de David Grann. On s’intéresse ici à une série de meurtres dans les années 1920 au sein de la communauté des Osages en Oklahoma, après que des puits de pétrole aient été découverts sur leurs terres. Le cinéaste poursuit un commentaire sur l’histoire sanglante de son pays, en mettant en lumière ici ce qu’ont pu subir les Osages au nom du capitalisme (blanc) américain. 

© Imperative Entertainment

Dans cette grande fresque historique, le récit avance sur un rythme soutenu, grâce au montage toujours précis de Thelma Schoonmaker, mais loin de la frénésie Scorsesienne habituelle. En effet, l’impact dramaturgique agit comme un lent poison, venant contaminer les personnages et leurs relations. Le protagoniste se retrouve ainsi tiraillé entre le désir de servir les intérêts financiers de son oncle et son amour sincère pour sa femme, dont la fortune est menacée par l’avarice des hommes blancs. C’est un long-métrage traversé par la mort : assassinats en tous genres, morts par maladie, et dont l’idée même de mort inéluctable est ressassée tout au long du récit. Un motif déjà présent dans Silence et The Irishman, ses deux précédents films. Scorsese sent-il sa propre fin arriver ? En tous cas, dans les ultimes minutes du film le cinéaste y laisse une empreinte quasi testamentaire, en tant que conteur d’histoires.

Pour leur première fois réunis au cinéma depuis 93, le duo De Niro – DiCaprio fait des étincelles. Ce dernier interprète un homme complexe, sous ses airs de plouc du Midwest peu futé, et livre ici probablement une de ses meilleures performances, ou du moins l’une des plus intéressantes de sa carrière. De Niro incarne donc son oncle, véritable parrain capitaliste, prêt à toutes les bassesses et horreurs pour s’enrichir davantage, cachant bien son jeu derrière son sourire. Ses méthodes rappellent parfois celles des mafieux que Scorsese sait si bien mettre en scène. L’acteur délivre une prestation toute en maîtrise, dans un ton presque à contre-emploi de ses rôles habituels, mais offrant tout de même quelques moments hilarants grâce à sa verve légendaire et ses expressions faciales uniques. À côté de ces deux mastodontes, Lily Gladstone s’en sort à merveille, devenant véritablement le cœur et l’âme du film, représentant le peuple Osage et les nombreuses tragédies et injustices subies à l’époque.

© Imperative Entertainment

Killers of the Flower Moon est un film dense, ambigu et violent, dans lequel Scorsese parvient à la fois à dépeindre un capitalisme insidieux, comme une odeur de mort empoisonnée, et à magnifier les victimes, la communauté Osage, en leur donnant une voix, désinvisibilisant ainsi leur histoire oubliée. Une grande fresque historique, entre western, drame intimiste et polar, progressant comme une marche funèbre. Peut-être pas une œuvre aussi immense que certaines de son illustre filmographie, mais une des plus importantes et singulières à n’en point douter.

Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, 3h26, avec Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Jesse Plemons – Au cinéma le 18 octobre 2023

9/10
Note de l'équipe
  • Vincent Pelisse
    9/10 Exceptionnel
    Killers of the Flower Moon est un film dense, ambigu et violent, dans lequel Scorsese parvient à la fois à dépeindre un capitalisme insidieux, comme une odeur de mort empoisonnée, et à magnifier les victimes, la communauté Osage, en leur donnant une voix, désinvisibilisant ainsi leur histoire oubliée. Peut-être pas une œuvre aussi immense que certaines de son illustre filmographie, mais une des plus importantes et singulières à n’en point douter.
  • JACK
    9/10 Exceptionnel
    Scorsese aurait pu, en adaptant le roman à succès de David Grann, remanier la tragédie des Indiens Osages en opéra criminel baroque, mais le réalisateur n’en est plus là. Depuis Silence, son style a muté, et son refus d’un récit fulgurant, voire mafieux, ne pourrait être plus clair : cette grammaire passionne aujourd’hui moins le metteur en scène que l’éclairage des racines pourries de l’Amérique, souvent thème d’arrière-plan chez lui et qui électrise ici le long-métrage.
  • William Carlier
    9/10 Exceptionnel
    Killers of The Flower Moon fonctionne en décalage avec les modèles dramatiques classiques ; le héros bêta fait autant pitié qu'il révulse. Les corps des osages se décomposent, mais Scorsese choisit rarement de les filmer jusqu'à la moelle. Sans forcer l'émotion, en sensibilité. Un grand film où le cinéma de Scorsese se retrouve sous plusieurs niveaux, rappelant ses films de gangster, sous l'angle de la croyance bafouée.
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