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[CRITIQUE] Godzilla Minus One – Le retour du roi

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Par Vincent Pelisse

Le Roi des monstres est de retour, cette fois dans un long-métrage Japonais, une première depuis maintenant 7 ans et la sortie de Shin Godzilla, la Toho ayant dû entre temps laisser les américains exploiter la licence. Ce nouvel opus est confié à Takashi Yamazaki, réalisateur du film Lupin III: the First, et superviseur d’effets spéciaux expérimenté, ayant notamment travaillé sur la dernière itération nippone du lézard géant avec la société Shirogumi.

Godzilla Minus One, au même titre que le film d’Hideaki Anno et Shinji Higuchi, est totalement indépendant du reste de la saga, et revient même un peu plus loin que ses origines, se déroulant entre 1945 et 1947, soit quelques années avant l’œuvre matricielle d’Ishirô Honda en 1954. À l’époque, Godzilla était une allégorie de la catastrophe atomique d’Hiroshima, et de la peur du peuple Japonais de subir à nouveau un tel cauchemar. 

Dans le film de Yamazaki, on est face à un pays en ruine qui sort tout juste de la guerre, et doit affronter une nouvelle menace dévastatrice. Dès l’introduction, on nous présente Shikishima, un pilote kamikaze ayant refusé d’accomplir sa mission, connaissant déjà l’issue du conflit. Ce dernier porte en lui le traumatisme de la guerre, qui viendra le paralyser plusieurs fois au cours du récit. L’écriture des personnages humains est formidablement soignée ici, offrant sans doute les protagonistes les plus incarnés et intéressants depuis… le film de 1954.

Dans Minus One, point de scènes de conseils de défense du gouvernement, puisque le point de vue est ancré sur le peuple nippon, laissés exsangues par les cendres de la guerre, et portant en eux une puissante volonté de se reconstruire, de vivre à nouveau. Après la critiques des instances administratives Japonaises dans Shin Godzilla, dont la verticalité protocolaire entravait les actions de défense, c’est le code d’honneur militaire du pays, bafouant la condition humaine, qui est ouvertement critiqué. À défaut de pouvoir compter sur l’aide du gouvernement, ou des forces armées américaines, ce sont des civils, d’anciens soldats ou ingénieurs qui prennent la responsabilité de mettre fin au massacre de Godzilla. Ce soin particulier apporté aux thématiques et aux personnages confère au film une charge émotionnelle aussi saisissante qu’inédite.

Copyright Toho Co., Ltd.

Ce parti-pris ne vient cependant pas empiéter sur le spectacle monstrueux que l’on vient chercher dans un film de la franchise, au contraire, il le sublime, portant les enjeux dramatiques à un niveau rarement atteint. Au point où, contrairement à la plupart des opus de la saga, on redoute les séquences avec la bête. Ses apparitions sont absolument terrifiantes, en particulier la seconde, en pleine mer, donnant lieu à une course-poursuite avec un bateau de pêche, dont la mise en scène rappelle fortement Les Dents de la Mer, mais avec un monstre gigantesque. 

L’attaque de Ginza, quartier d’affaires de Tokyo tout juste reconstruit, est juste démentielle, laissant le souffle coupé. Des séquences d’horreur où le Roi des monstres est filmé comme l’incarnation de la mort, chose qu’on avait plus vu depuis le film de Shusuke Kaneko en 2001. Le dernier acte est également ahurissant, mettant en scène un affrontement en mer avec de nombreux navires, et un avion de chasse, rappelant par instants Dunkerque de Christopher Nolan.

Le spectacle proposé est encore plus hallucinant quand on sait que le budget de production avoisine les 15 millions de dollars, un montant ridicule comparé au tout venant du blockbuster Hollywoodien. C’est sans compter sur le savoir-faire japonais, et le fait que Takashi Yamazaki est également superviseur d’effets spéciaux, ce qui rend la mise en scène plus organique avec les images de synthèse utilisées pour modéliser Godzilla. Le rendu visuel est parfait, avec un design sonore impressionnant, et des reconstitutions de décors très réalistes. Le cinéaste arrive à merveille à représenter le gigantisme dans ses cadres, mettant toujours la bête en perspective avec l’humain.

Godzilla Minus One, par sa dimension humaine et émotionnelle, qui parvient à être aussi puissante que le spectacle époustouflant des séquences d’action, s’impose comme un des meilleurs films de la franchise, et un des blockbusters les plus réussis de ces dernières années, traversé par la rage de vivre bouleversante d’un peuple en reconstruction d’après-guerre.

Godzilla Minus One de Takashi Yamazaki, 2h04, avec Ryûnosuke Kamiki, Minami Hamabe, Yûki Yamada – Au cinéma le 7 et 8 décembre 2023

8/10
Total Score
  • JACK
    8/10 Magnifique
    À peine retombées, les cendres de la Seconde Guerre mondiale s'accompagnent des hurlements d'une grosse bestiole énervée dans Godzilla Minus One qui, en revenant aux fondements, prend à nouveau le pouls d'un pays défait et offre un spectacle de destruction invraisemblable.
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