48ᵉ FESTIVAL DE DEAUVILLE (2022)AUJOURD'HUI, LE CINÉMAEN CE MOMENT AU CINEMA

[CRITIQUE] Don’t Worry Darling – Wilde is the disaster artist

Tout au long de la longue histoire des États-Unis, on a souvent parlé du « rêve américain ». Au-delà de l’histoire évidente de la richesse, qu’est-ce que le rêve américain, matériellement, pour les gens qui y croient ? Une image récurrente est celle de la maison de banlieue protégée par la clôture blanche, une pelouse à tondre et une famille heureuse avec des enfants. Un stéréotype, certes, mais un stéréotype opérant et obsédant qui s’est gravé dans l’esprit des gens lorsqu’il s’agit d’imaginer ce qu’est la vie dans les banlieues américaines. Jusqu’où les gens sont-ils prêts à aller pour poursuivre ce rêve ?

Jack (Harry Styles) et Alice (Florence Pugh) Chambers sont un heureux couple marié des années 50, ils vivent dans une ville californienne appelée Victory, construite et créée par la société pour laquelle Jack travaille, présidée par le mystérieux Frank (Chris Pine). Là-bas, Alice a de nombreux amis : Bunny (la réalisatrice Olivia Wilde) s’amuse comme une folle avec son mari Dean (Nick Kroll) et leurs deux enfants, et le même genre de vie est mené par les autres épouses du quartier, avec qui elle passe du temps pendant que les maris sont au travail. Cela semble être la vie parfaite, si Alice n’avait pas ces soudains flashs qui défilent devant ses yeux : que sont-ils ? Que représentent-ils ? Et pourquoi Margaret, l’une des autres épouses, est-elle si bouleversée qu’elle veut avertir ses amies des dangers de Victory ? Les soupçons commencent à s’emparer d’Alice, la poussant à enquêter. L’occasion se présente lorsqu’un avion s’écrase soudainement à la périphérie de la ville, tout près du siège de la mystérieuse société : Alice décide qu’elle veut en savoir plus. Quelques heures plus tard, elle se réveille désemparée et confuse dans sa propre maison. Que lui est-il arrivé ? Que cachent les habitants de la ville ? Son mari est-il impliqué ? Sa quête de la vérité commence, l’entraînant dans un terrain dangereux, effrayant et violent.

Nous savons que la médiatisation de ce film a complètement supplanté le discours autour du film lui-même. Nous ignorons si Florence Pugh était en fait frustrée par la relation entre le réalisateur et Harry Styles et si elle s’est heurtée à elle, ou si Shia Labeouf a été réellement licencié ou a simplement pris la décision de quitter le film. Est-ce important dans le contexte d’une critique de film ? Cela pourrait l’être, si le résultat final du film est aussi désordonné que Don’t Worry Darling. Forte du succès de son premier long métrage Booksmart, Olivia Wilde a opté pour un deuxième film très ambitieux et complexe, qui mêle plusieurs genres avec un fort commentaire social sous-jacent. L’effort est louable, nous avons besoin de réalisateur⸱ices plus audacieux⸱ses, mais l’exécution de Wilde est terriblement à côté de la plaque. Don’t Worry Darling est, disons, un spectaculaire accident. Il peut parfois être divertissant pour les bonnes raisons, mais la plupart du temps, il est divertissant pour toutes les mauvaises raisons. Si mauvais que c’en est bon ? C’est une définition tout à fait appropriée.

Il est dénaturé : le fait de prendre un tas d’idées de Matrix, The Truman Show ou Philip K. Dick ne permet pas de faire un grand film si on ne sait pas les exploiter. Il est confus : les changements de tonalité du film sont déroutants, passer d’une étude de personnage à un drame de science-fiction puis à un film d’action ne sert à rien s’il n’y a pas une idée cohérente derrière le projet. Il est mal écrit : bien que certaines de ses idées soient intéressantes, le scénario est très mince, avec des personnages sous-écrits et des trous dans l’intrigue. La mise en scène est excessive : on a le sentiment palpable que Wilde ne sait pas vraiment comment raconter cette histoire, mais en même temps, elle rend sa présence étrangement imposante, comme si elle prouvait que la mise en scène d’une scène d’action ou une importante dispute puisse rendre son film exceptionnel. Ainsi, le commentaire potentiellement intéressant sur le rôle des femmes dans la société, sur le rêve américain, semble superflu. En dépit de la controverse qui entoure sa relation avec la réalisatrice Olivia Wilde, Florence Pugh offre une excellente performance, rehaussant un personnage très peu écrit. Chris Pine est solide dans le rôle de Frank, sinistrement menaçant, tandis que Kiki Layne et Gemma Chan sont perdus dans leurs rôles. L’une des surprises du film est Harry Styles : son charisme dans Don’t Worry Darling est traduit en une figure cinématographique crédible, et son alchimie avec Pugh rehausse l’impact central du duo dans le film.

En regardant Don’t Worry Darling, j’ai eu l’impression d’assister à un accident de voiture, quelque chose qui suscite une curiosité morbide tout en reconnaissant la catastrophe. Enfin bon… L’anticipation reste plutôt attirante, l’exécution nous laisse curieux.

Note : 2 sur 5.

Don’t Worry Darling présenté en clôture de la 48e édition du festival du cinéma américain de Deauville

Au cinéma le 21 septembre 2022.

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Louan Nivesse

Rédacteur chef.

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