[CRITIQUE] Blue Bayou – Red Country

Qu’est-ce que signifie véritablement être Américain ? Cette question résonne à travers chaque image de Blue Bayou, le dernier film de Justin Chon en compétition au 47e Festival de Deauville. Le dilemme de l’identité américaine constitue le cœur de ce récit : l’américanité est-elle inhérente ou peut-elle être acquise ? Est-elle un sentiment ou un statut juridique ? Et qui mérite d’être considéré comme un “vrai” Américain ?

Étonnant et émouvant, bien que parfois teinté de mélodrame, le long-métrage relate l’histoire poignante d’un jeune père naviguant dans le dédale désespéré de la politique d’immigration américaine. Né en Corée et adopté par des parents blancs à St. Francisville, en Louisiane, Antonio le Blanc (Chon) a bâti une existence entièrement américaine. Il travaille en free-lance dans un salon de tatouage, sillonne les rues de la Nouvelle-Orléans à moto, et est le mari affectueux d’une femme solide, Kathy (Alicia Vikander, incarnant un accent du Sud), le beau-père d’une fille adorable, Jessie (Sydney Kowalske), et le futur père d’une petite fille à naître. Mais le choc est brutal lorsque, après une altercation avec Ace (Mark O’Brien), l’ancien époux policier de Kathy, et son partenaire empreint de racisme (Emory Cohen), Antonio se retrouve soudain menacé d’expulsion. Avec un bébé en chemin et une vie en danger, Antonio et Kathy s’engagent dans une bataille juridique acharnée pour que Antonio puisse rester sur le sol américain.

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Certes, Blue Bayou ne fait pas dans la subtilité, avec ses métaphores évidentes et ses dialogues parfois guindés. Malgré la performance admirable de la jeune Sydney Kowalske, contrainte de délivrer des répliques surchargées, le film conserve une certaine intimité authentique et réfléchie, suggérant une expérience vécue.

Bien qu’il explore un drame complexe lié au système juridique, le film ne sombre jamais dans l’ennui. Chon équilibre habilement des séquences d’action haletantes avec des moments de tendresse déchirante, rendant ses personnages aussi réels que poignants. Aussi brutal que la réalité qu’il dépeint, Blue Bayou confronte Antonio à la fois à son américanité et à son asiatisme, des éléments qui le rendent vulnérable aux attaques racistes et aux préjugés, même au sein de la société américaine. Par le biais de son amitié avec Parker (Linh Dan Pham), une Américaine d’origine vietnamienne, Antonio découvre une nouvelle facette de son identité, ainsi qu’un sentiment d’appartenance précieux. Bien que son rôle soit relativement restreint, Pham apporte une humanité bienvenue à l’écran, contrastant avec la cruauté omniprésente du film.

Pourtant, Antonio conserve des souvenirs flous de son pays natal. Le réalisateur utilise des techniques visuelles distinctes pour illustrer ces flashbacks, des couleurs vives évoquant une atmosphère aquarelle, tandis que d’autres séquences adoptent une esthétique rappelant les films noirs hongkongais, un contraste saisissant avec le contexte américain du film. Mais dans l’Amérique de Blue Bayou, les nuances sont rares ; la distinction entre ceux qui appartiennent à la société et ceux qui n’y ont pas leur place demeure nettement définie. Malgré son attachement profond à son identité américaine, Antonio se heurte à l’intransigeance de la citoyenneté, une tragédie poignante où, malgré son choix, l’Amérique ne le choisit pas en retour.

Blue Bayou de Justin Chon, 1h58, avec Justin Chon, Alicia Vikander, Sydney Kowalske – Au cinéma le 15 septembre 2021

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