[CRITIQUE] Un p’tit truc en plus – Pour gâcher tout le reste

Le succès inattendu du premier film d’Artus, intitulé Un p’tit truc en plus, revêt une aura particulière. Distribué par Pan Distribution, une petite maison de production qui se distingue par des œuvres telles que Coupez!, Bonne Conduite, ou plus récemment Le Consentement, il s’inscrit en opposition aux géants du box-office français tels que Pathé, Gaumont, UGC ou StudioCanal. Pourtant, le thème du handicap, abordé avec sensibilité, résonne profondément. La bande-annonce, omniprésente dans les salles obscures, a captivé les esprits au point que, dès la première semaine d’exploitation, cette comédie a franchi le cap du million d’entrées. Dans les médias, les retours des spectateurs et sur les plateaux de télévision, un sentiment bienveillant prédomine. Mais cette bienveillance est-elle aussi authentique qu’elle en a l’air ?

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Dans cette histoire, nous suivons les péripéties de Paulo (interprété par Artus) et de son père, La Fraise (joué par Clovis Cornillac), deux malfrats dont le plan tourne au fiasco. Contraints de fuir la police, ils se cachent en se faisant passer pour des personnes handicapées : l’un se fait appeler Sylvain, tandis que l’autre se fait passer pour son éducateur sous le nom d’Orpi. Leur stratagème les conduit dans un camp de vacances destiné aux personnes handicapées mentales, dans l’espoir de passer inaperçus. Il serait erroné de ne pas reconnaître la bienveillance et la sincérité qui imprègnent cette histoire. Artus parvient avec subtilité à capturer l’esprit du partage, notamment à travers les échanges entre les éducateurs et les personnages en situation de handicap, dépourvus de tout mépris. Les gros plans empreints de compassion sont rares, signe d’une volonté de traiter chaque individu sur un pied d’égalité, à l’exception d’Orpi au début, qui rejette le groupe (voire se montre franchement désagréable avec eux).

L’ingéniosité du récit réside dans le fait que tous, sauf les éducateurs, sont conscients de la supercherie de Paulo/Sylvain concernant son handicap. Arnaud, l’un des résidents (interprété par Arnaud Toupense), va même jusqu’à lui donner des conseils pour affiner son jeu. Cette complicité partagée par tous les personnages dissipe tout risque de dérision ou de malaise chez le public. Nous rions avec eux, jamais à leurs dépens, un sentiment qui perdure tout au long du récit et qui procure un plaisir indéniable. La mise en scène se concentre sur le collectif, utilisant des plans en travelling arrière, notamment entre les sièges du bus, ou un plan séquence zénithal en mouvement sur tous les lits, pour mettre en valeur les véritables protagonistes, les personnes en situation de handicap. Nous apprécions leurs facéties, nous sommes touchés par leurs histoires et nous partageons leur bonheur avec une sincérité contagieuse.

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Cependant, la comédie d’Artus se heurte à un écueil de taille. Le réalisateur, acteur et humoriste a lui-même souffert de l’obésité, et cela transparaît dans son travail. L’un des éducateurs, Marc (joué par Marc Riso), est éperdument épris de sa collègue Alice (interprétée par Alice Belaïdi), qui le rejette sans ménagement en raison de son surpoids. Au fil du film, on constate que ce rejet est généralisé : que ce soit Alice, ses collègues, le groupe d’handicapés ou même le duo Sylvain/Orpi, tout le monde méprise, humilie et se moque de lui, même si son principal défaut est d’être un peu maladroit. Tout cela aurait pu être le point de départ d’une sous-intrigue bienveillante, comparable à celle concernant le handicap mental. Cependant, dans ce cas, la comédie repose sur le fait que l’on se moque de Marc. Nous rions de lui, et non avec lui. Par conséquent, malgré la joie ressentie tout au long du film, un malaise persiste, surtout lorsque l’obésité et l’apnée du sommeil sont considérées comme des handicaps. Bien que cela reste marginal dans cette agréable heure et demie, cela vient ternir l’ensemble comme un filet de gingembre dans un plat de sushis.

En réalité, pour éviter cet écueil, Artus devrait se concentrer sur le parcours du vrai Sylvain, oublié au départ au profit de Paulo qui a usurpé son identité. Ce dernier suit un groupe de fêtards en direction d’une station balnéaire à la manière d’Ibiza, un groupe qui l’accepte tel qu’il est. À travers trois courts extraits de vingt secondes, intégrés au sein de cette heure et demie, tout le message bienveillant peut être véhiculé. Cette différence se fond dans une masse de fête et de célébration pour ne devenir qu’une seule chose : une réunion d’inconnus se regardant, conversant, dansant et chantant sans jamais remettre en cause son handicap. Une approche moins forcée, moins didactique, permet surtout d’éviter toute moquerie envers les personnes en surpoids.

Un p’tit truc en plus d’Artus, 1h39, avec Artus, Clovis Cornillac, Alice Belaïdi – Au cinéma le 1 mai 2024

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