[CRITIQUE] Bonne conduite – Avec les codes, tout est permis

Bonne Conduite est le nouveau long-métrage de Jonathan Barré après l’enthousiasmant La Folle Histoire de Max et Léon et surtout l’ingénieux Les Vedettes qui parodiait à la fois les formes télévisuelles mais également le fond. La carrière de ce cinéaste est plus qu’intéressante tant elle regorge d’idées variées et surprenantes depuis les absurdes Very Bad Blagues aujourd’hui vidéo culte d’internet. Autant dire que quand je mets ma ceinture pour parcourir les routes de sa nouvelle œuvre en terres bretonnes je suis plutôt intrigué. C’est un cinéaste qui prend du plaisir à parodier des styles en reprenant des codes et des ambiances mais avec un ajout : son duo d’acteurs fétiches. Le Palmashow, composé de David Marsais et Grégoire Ludig, est un duo d’humoristes dont Barré fut souvent le réalisateur. Il a, au cours de ses trois films et de ses autres collaborations, mit en scène le duo dans des genres différents. Du film de guerre au film de genre en passant par la téléréalité : son humour fonctionne justement par le décalage créer entre l’absurdité de ses personnages et la tangibilité du monde les entourant. Est-ce que Bonne Conduite est une bonne surprise ? Réponse tout de suite : embarquez avec nous pour un trajet sur les routes du Finistère.

Laure Calamy fait le klaxon / © Waiting For Cinéma – Aliceléo – TF1 Films Production

Bonne conduite est un film étonnant. Tout d’abord car il surprend constamment, en désamorçant un grand nombre de ses situations lui-même. Il reprend scrupuleusement les codes du thriller routier et l’esthétique de ces œuvres mais sans en reprendre l’ambiguïté morale : ce décalage créer un étonnement. Regarder un film dans lequel chaque fin de scène nous surprend est un plaisir constant, qui en devient même amusant. Lorsque le personnage de Laure Calamy parle à son mari, et qu’avec un simple contre-champ on se rend compte qu’elle s’adresse à une photo de son défunt compagnon : ça c’est de l’idée qui marche. Les personnages sont justement remplis de petites idées qui fonctionnent, c’est par cette surprise régulière que les scènes deviennent imprévisibles, et donc prenantes. On n’a pas envie de lâcher le volant durant tout le trajet. Un voyage qui s’accompagne en plus d’enivrantes musiques au synthé, hommage de plus au genre qui a connu son apogée dans les années 80.

Le scénario de Bonne Conduite s’embourbe rapidement sur le bas-côté. Certes les péripéties et autres obstacles se terminent avec ingéniosité mais le tout reste relativement prévisible. Bonne conduite roule en respectant les limites, ce qui est intelligent car la structure du film reste toujours en sécurité mais le revers de cette décision c’est que ce troisième long est bien trop calme. La ceinture trop attachée limite les mouvements de Barré qui réalise une œuvre sage, sans plus. La formule ne change pas, reste efficace, mais sans plus d’audace. Pourtant le film part sur les chapeaux de roues avec une introduction à la photographie marquante et aux personnages intriguant, surtout celui de Laure Calamy. Pour la première fois le duo du Palmashow est en retrait, laissant sa place aux autres protagonistes bien plus intéressants. Pauline Cloarec, jouée donc par Laure Calamy, surprend par son ambiguïté morale entre un code de bonne conduite la poussant à commettre des meurtres tandis qu’elle semble dévastée si elle touche à des innocents. Le résultat c’est que ce nouvel essai pour Barré est moins drôle mais plus fort émotionnellement. Jouer sur ce sujet grave que sont les accidents de la route est une idée risquée, mais le réalisateur s’en sort grâce à un équilibre précaire entre caricatures de chauffards et prévention routière violente.

Ils se tapent des Barré(s) / © Waiting For Cinéma – Aliceléo – TF1 Films Production

C’est quoi le cinéma de Jonathan Barré ? Avec ce troisième long-métrage la carrière de ce réalisateur prend une forme intéressante. Dès qu’il s’agit d’accumuler les références, entre Miami Vice et Giallo, il fait rugir le moteur et son film devient captivant, presque hypnotique. Pourtant lorsqu’il tente le pastiche, il tombe à côté, dans la parodie lourde et pas toujours comique. Bonne Conduite ne tient pas toujours la route mais il essaye sans cesse, et à CQLC on salue l’ambition. Alors oui il reste constamment en sous-régime, ne passe jamais la seconde, et pourtant il reste une œuvre agréable, tendre avec ses personnages. Ce n’est pas le plus barré des Barré mais ça reste un trajet amusant, sanglant et surprenant, soit un bon résumé de la Bretagne. On à hâte de voir ses prochaines réalisations, en espérant qu’il continuera sur sa lancée, avec cette fois ci un rythme plus comique.

Bonne conduite de Jonathan Barré, 1h35, avec Laure Calamy, Tchéky Karyo, David Marsais – Au cinéma le 29 mars 2023

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