[CRITIQUE] Barbie – Être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile

Dans le monde du cinéma, Greta Gerwig, réalisatrice acclamée pour ses œuvres aux tonalités indépendantes et féministes, surprend le public en délaissant son statut d'”auteure” (explications de ces guillemets ici) au sens propre du terme pour s’embarquer dans une démarche frontale de commande avec le film Barbie. Cette comédie américaine, entre potache et pastiche, arbore un discours politique clair, précis et indéniablement nécessaire.

Le film nous transporte dans “Barbie Land”, un univers parallèle où les poupées Barbie vivent dans une parfaite félicité, persuadées d’avoir rendu les filles humaines heureuses. Cependant, l’une d’elles commence à se questionner sur son existence et aspire à devenir humaine, elle aussi. Suite aux conseils énigmatiques d’une autre Barbie, elle décide de s’aventurer dans le monde réel pour retrouver la fille à laquelle elle appartenait, espérant ainsi retrouver sa perfection. Dans sa quête, elle est accompagnée par un Ken passionné, fou amoureux d’elle, qui trouvera également un sens à sa vie dans ce monde réel.

© Warner Bros. France
BOULES À FACETTES

Dès les premières minutes, Barbie captive le spectateur par sa créativité visuelle emballée dans son rose bonbon captivant. Inspirée par des maîtres du cinéma comme Tati ou Demy, la réalisatrice parvient à exprimer son amour pour la poupée Barbie tout en critiquant habilement les stéréotypes qu’elle véhicule. Les charismatiques comédiens, en particulier Ryan Gosling (enfin de retour dans une comédie après le remarquable The Nice Guys) et Margot Robbie (éblouissante et engagée), insufflent une énergie contagieuse à leurs rôles, se reflétant hors de l’écran.

Au début, comme à la fin, Barbie réserve au spectateur deux véritables scènes de comédie musicale, ajoutant encore plus de paillettes pop à cet objet cinématographique qui semble formellement être tout droit sorti des années 1990. La créativité visuelle et la mise en scène dynamique ne manquent pas d’émerveiller le public, tout en posant les bases du message d’amour pour la poupée Barbie et de désamour pour les stéréotypes qu’elle véhicule.

WARNER PROBS COMPANY

Le principal écueil de Barbie réside dans sa dimension méta, où la Warner (en collaboration avec Mattel) s’auto-sabote avec un cynisme évident. Dirigés par un Will Ferrell au sommet de sa forme, les hommes cadres critiquent ainsi ce qu’ils représentent dans la réalité. Ce cynisme devient troublant lorsque des discours anticapitalistes font leur apparition dans le long-métrage. L’ironie réside dans le fait que les spectateurs, arborant des pulls roses à l’effigie de la marque, sont complices de cette critique envers la Warner Bros., qui, selon les rapports, a refusé d’accorder de meilleures conditions de travail et de meilleures protections aux acteurs de la SAG-AFTRA, notamment face à l’IA, sujet central et bancal de Space Jam : Nouvelle Ère.

Cette partie du film altère malheureusement la maîtrise de la métaphore féministe de Barbie. Si le monde réel apparaît initialement comme l’opposé de Barbie Land, les deux univers finissent par s’équilibrer, permettant à la réalisatrice de dénoncer avec humour les dysfonctionnements du monde. Cependant, elle ne prétend pas que les femmes sont supérieures aux hommes. En réalité, Barbie explore la quête de sens de l’être humain dans la société, à l’image de Ken (Ryan Gosling) cherchant lui aussi à trouver son utilité, tout comme Woody le cowboy dans la saga Toy Story.

© Warner Bros. France
CLIN D’OEIL, CLIN D’OEIL

Quel était donc le dessein de Greta Gerwig en réalisant un film Barbie ? Peut-être résoudre le sexisme, ou peut-être se contentait-elle de chatouiller légèrement les esprits en divertissant le public. Le film réussit à cet égard, mais peut-être moins vigoureusement qu’espéré. Les moments comiques sont présents, mais certains gags tombent à plat, rappelant un plastique bon marché. Le scénario, excessivement farfelu, épuise le film rapidement.

La réalisatrice use d’un motif de blague récurrent, où un personnage, généralement Barbie, délivre des commentaires inattendus et perspicaces sur le plan académique. Néanmoins, le film hésite à confronter ses poupées vivantes aux horreurs de l’ignorance, empêchant une critique méta plus pertinente. Barbie se moque de sa mission commerciale et de ses maîtres, mais toujours avec un clin d’œil complice, comme pour rassurer le public que tout cela reste dans le divertissement. L’exubérance joyeuse du film, où tout est amalgamé pêle-mêle, se révèle être à la fois son meilleur atout et son principal obstacle, un subtil équilibre entre ruse et évitement.

VERS UN AVENIR RADIEUX ?

Face à ce choix inattendu de Greta Gerwig de réaliser un film Barbie, le futur s’annonce prometteur pour la réalisatrice, notamment chez Netflix où deux reboots de Narnia lui sont attribués. Si elle réussit à déployer la même minutie dans les décors et la même efficacité dans les scènes de combat que celles sur la plage aux Ken, le résultat devrait être plutôt saisissant.

Reste à savoir si Barbie est voué à n’être qu’un simple phénomène de la culture du moment ou s’il parviendra à transcender son image stéréotypée pour apporter des changements significatifs. Seul l’avenir révélera le potentiel de cette poupée iconique pour évoluer et laisser une empreinte marquante sur le paysage cinématographique contemporain. En attendant, il ne nous reste qu’à attendre, le cœur rempli d’espoir, de découvrir ce que l’avenir réserve à Barbie, tant dans l’univers du cinéma que dans notre propre monde.

Barbie de Greta Gerwig, 1h55, avec Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrera – Au cinéma le 19 juillet 2023.

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