Le statut d’auteur au cinéma est souvent attribué aux réalisateurs ou scénaristes dont les films reflètent une personnalité artistique distinctive. Il s’agit d’une reconnaissance de leur capacité à exprimer des thèmes de prédilection et à développer un style novateur et singulier. Greta Gerwig, cinéaste au succès grandissant, suscite à la fois admiration et interrogation. De ses débuts modestes dans l’indépendant jusqu’à sa nomination aux Oscars, sa trajectoire intrigue. Cependant, malgré son ascension, la question demeure : Greta Gerwig mérite-t-elle le statut d’auteur dans l’industrie ? Alors que la notion d’auteur est de plus en plus discutée dans le cinéma collaboratif, ici nous examinerons ses trois œuvres précédentes : Nights and Weekends, Lady Bird et Les Filles du docteur March. Peut-on véritablement louer sa prétendue originalité et son authenticité ou s’agit-il d’un engouement surfait autour de son travail ?
Greta Gerwig, acclamée depuis son triomphe critique avec Lady Bird, a su rassembler une communauté féministe consciente de l’importance du regard féminin au cinéma. Malheureusement, cette reconnaissance a également eu pour effet de lui attribuer, malgré elle, une étiquette exclusive d’auteure. Son nom est devenu une marque, ornant des t-shirts et servant d’appât marketing pour le film Barbie. Une simple mention scintillante dans la bande-annonce et une police imposante sur l’affiche suffisent à attirer ses nombreux fans, sans oublier l’attrait du casting.
Toutefois, en comparaison de ses consœurs cinéastes, Greta Gerwig ne brille pas autant dans le paysage cinématographique féminin actuel. Face à la puissance naturaliste de Chloe Zhao, aux combats des sœurs Wachowski ou à la beauté des épreuves de Jane Campion, Gerwig s’efface derrière ses propres combats pour l’égalité homme/femme. Ses films, bien qu’importants dans leur revendication légitime, ne révèlent pas véritablement sa marque artistique. En allant plus loin, si l’on compare avec des cinéastes telles que Lucile Hadzihalilovic, Julia Ducourneau ou encore Agnes Varda, Greta Gerwig s’estompe clairement face à l’audace artistique et aux identités marquées de ces dernières.
Dans Nights and Weekends, Gerwig fait ses premiers pas en tant que réalisatrice, mais son style flirte dangereusement avec l’insignifiance. Son approche pseudo-documentaire dévoile des personnages qui peinent à éveiller un véritable intérêt et dont les histoires se dissipent rapidement. L’absence de récit structuré et de développement nous laisse perplexes quant à la réelle portée artistique de cette œuvre. Si certains applaudissent son soi-disant « cinéma-vérité » et trouvent la simplicité du quotidien captivante, d’autres pourraient le percevoir comme une fuite face à l’exigence d’un récit solide et d’une mise en scène audacieuse, qui sont nécessaires pour créer une expérience plus immersive et mémorable.
Dans son premier long-métrage en solo, Lady Bird, Gerwig élargit ses horizons narratifs en se focalisant sur la relation complexe entre une mère et sa fille. À travers le personnage de Lady Bird, admirablement interprété par Saoirse Ronan, Gerwig explore une palette émotionnelle encore plus large. Le réalisme brut persiste, les conversations sonnent justes et nous font résonner avec notre propre vécu d’adolescence. Cependant, certains pourraient être plus sceptiques quant à la manière dont le film de Gerwig se démarque véritablement des autres récits centrés sur l’adolescence. Bien que le film soit bien réalisé et bénéficie de performances solides, il peut sembler manquer d’originalité dans sa proposition artistique. Nonobstant cela, Lady Bird reste un film divertissant et émouvant, qui aborde avec sensibilité les différents aspects de la transition vers l’âge adulte.
Les Filles du docteur March, adaptation d’un classique littéraire, prétend marquer un tournant dans la carrière de Gerwig. Si visuellement on pourrait croire que le film se démarque de ses précédentes réalisations, il cherche à garder la même essence émotionnelle. En affinant sa mise en scène et délivrant un scénario plus resserré, Gerwig tente de démontrer sa polyvalence en tant que cinéaste, embrassant l’héritage d’un matériau littéraire bien établi. Elle insuffle sa touche personnelle en dévoilant les pensées intimes des femmes dans une société patriarcale. Là où certains pourraient voir un éloignement des codes de l’auteur, on pourrait plutôt percevoir une évolution de sa sensibilité artistique. Plaçant l’humanité et la condition féminine au cœur de son œuvre, Gerwig cherche à maintenir un fil conducteur puissant unissant ses films. Cependant, si ce film témoigne de son talent de réalisatrice, il ne suffit pas à conclure qu’elle mérite pleinement le statut d’auteur.
A terme, la figure de Greta Gerwig apparaît moins rayonnante qu’on ne le prétend. En dépit des éloges dont elle est entourée, sa prétendue originalité et authenticité ne semblent pas suffisamment ancrées dans ses réalisations. Loin d’être une créatrice des émotions ou une alchimiste du réel, Gerwig semble parfois se noyer dans les artifices du cinéma conventionnel. Alors que son projet sur Barbie débarque ce 19 juillet 2023, et la récente annonce la présentant comme la réalisatrice des deux prochains reboots de Narnia sur Netflix, il est temps de se demander si ces nouvelles réalisations seront une révélation ou de nouveaux avatars d’un style bien trop prévisible. Se montrer sceptique face à l’engouement actuel autour de Greta Gerwig peut s’avérer judicieux pour mieux évaluer la véritable envergure de son talent. Son parcours témoigne de sa capacité à réaliser des films divertissants et émouvants, mais pour atteindre le statut d’auteur singulier, elle doit encore affirmer sa marque distinctive et reconnaissable parmi les mélodrames foisonnants du cinéma américain.