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[RETROSPECTIVE] Hunger Games, L’embrasement – les braises avant les flammes

Après les événements du premier volet, Katniss et Peeta ont survécu aux jeux, mais à quel prix ? Alors que ces faux amants aspirent à une vie tranquille, le président Snow annonce les Jeux de l’Expiation pour le 75e anniversaire des Hunger Games. Parmi les anciens vainqueurs, deux de chaque district retourneront dans l’arène. Dans le district 12, il y a eu trois vainqueurs : Haymitch, Katniss et Peeta.

Le deuxième volet voit un changement de réalisateur. Le rythme lent et froid de la mise en scène de Gary Ross laisse place à la réalisation plus vive et mouvementée de Francis Lawrence. C’en est terminé avec le point de vue unique du personnage de Katniss, car la caméra oscille maintenant entre plusieurs personnages, principalement entre Peeta et Katniss. Ce choix n’est pas anodin et sert le récit au détriment de ce qui faisait la force du premier volet : l’immersion. Passer d’un point de vue unique à un autre peut être intéressant lorsque tous les personnages sont correctement développés. Cependant, quitter un récit où l’on observe un monde imaginaire du point de vue d’un seul personnage pour un récit vu de la perspective de plusieurs personnages peut sembler déroutant. Le procédé laisse parfois le spectateur sans savoir sur quel pied danser, mais Lawrence s’en sort assez habilement en faisant en sorte que cela nourrisse l’univers installé par la mise en scène de Ross.

Il y a quelque chose de fascinant dans la mise en scène de Lawrence. En tant que spectateur, nous pouvons facilement cartographier et localiser l’action géographiquement. Par exemple, le district 12 est divisé en quatre quartiers : le centre-ville avec la mairie et la place (une sorte de marché), les habitations du premier Hunger Games, le village des vainqueurs et l’extérieur du district. Alors que Gary Ross avait adopté une esthétique empreinte de partis pris, Francis Lawrence l’affirme et la rend crédible. La force du film réside en sa capacité à rendre vraisemblable l’ensemble de cette civilisation qui peut paraître caricaturale au premier abord. Les deux réalisateurs se servent de clichés et d’archétypes non par paresse, mais dans le but de nous fournir des codes concrets et simples, que nous connaissons pour nous immerger dans cet univers. Cela représente l’essence de la bonne science-fiction : parler de notre société à travers une représentation lointaine.

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Le principal défaut du film réside dans ses nombreux temps morts. Après une première partie immersive, certes, mais sans surprise, une seconde partie qui nous ramène au Capitole classique, efficace dans sa représentation de la bourgeoisie excessive de la société, nous avons droit à une dernière partie dans l’arène qui souffre grandement du principal défaut de cette adaptation : son auto-censure. Nous parlons d’une saga mettant en scène des adolescents qui se tuent mutuellement avec des armes blanches. Pourtant, le film reste bien sage en ce qui concerne les effusions de sang et la violence. À l’inverse, les sources d’inspiration du livre, comme Battle Royale, offrent des moments visuellement forts et violents. Le premier volet, s’il n’était pas non plus très représentatif de cette violence, se permettait tout de même des envolées impressionnantes, notamment dans la séquence des guêpes tueuses et la représentation des cadavres suintants de venin et de sang. Ce deuxième volet va à l’encontre même du principe d’arène et de cruauté abordé dans les livres, créant une dissonance narrative qui, une fois repérée, ne laisse clairement pas indifférents les spectateurs les plus attentifs. Prenons un exemple : l’arène dans ce deuxième volet est une horloge où chaque quartier correspond à une épreuve. Dans l’un des quartiers, se trouve du gaz provoquant l’apparition de pustules sur les membres des participants. Après une scène tendue et visuellement impressionnante, nos participants découvrent que ces pustules disparaissent grâce à l’eau qui les fait éclater. Cette séquence est d’une cruauté extrême, qui aurait pu attiser la haine du spectateur envers le Capitole et le président Snow. Cependant, elle s’auto-désamorce en faisant tout simplement disparaître les atrocités vues juste avant. Même si la volonté et de rendre le film accessible aux adolescents américains, cela paraît injuste et dessert clairement le récit.

Néanmoins, il faut saluer les performances des acteurs. Une fois de plus, ils sont totalement investis, à la fois caricaturaux et précis dans l’évolution de leurs personnages tout au long de l’histoire. On notera une nette amélioration dans le traitement du personnage de Josh Hutcherson, qui gagne en profondeur grâce au souhait de Lawrence de sortir de la tête de Katniss. Il gagne ainsi en sympathie, compréhension et intensité. C’est d’autant plus important car cet épisode instaure une romance entre Peeta, Katniss et Gale.

Revenons sur ce triangle amoureux. Bien loin d’être une simple passion entre trois jeunes adultes, il témoigne en réalité d’une volonté de s’attacher à quelque chose de tangible dans leurs aventures. Katniss se sert littéralement de ces deux jeunes hommes. Gale, car elle le connaît depuis toujours et ressent réellement quelque chose pour lui, et Peeta, car il tente de la protéger en permanence et comprend ce qu’elle ressent, ayant vécu la même chose dans le premier opus. Contrairement à Twilight, où le procédé ressemble uniquement au caprice d’une adolescente qui croit traverser des épreuves monstrueuses, alors que ce sont les autres personnages qui passent leur temps à la sauver des problèmes qu’elle crée en se faisant passer pour une sainte. Ici, Katniss est montrée telle qu’elle est décrite depuis le début, perdue dans un monde trop grand pour elle, où elle tente de se raccrocher au peu d’espoir qu’elle a. Elle est manipulatrice et méfiante, ce sont ses défauts majeurs. Cependant, cela crée de l’empathie pour elle. Loin de la rendre insupportable, cette situation ne fait que susciter les mêmes questions chez le spectateur, et cela fonctionne, car l’hésitation qu’elle ressent ici est réelle, tant elle est empreinte d’enjeux.

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Le personnage du président Snow, interprété par Donald Sutherland, gagne en puissance. Le réalisateur fait sortir ce personnage du grand méchant tapi dans l’ombre et contrôlant tout à distance pour le transformer en véritable acteur au sein des Jeux. Nous nous focalisons sur les ressentis du personnage, ses désirs et ses motivations, permettant à l’acteur de livrer une performance plus aboutie que dans le premier volet, faisant grincer des dents de nervosité chez tous les spectateurs. Pour les nouveaux venus, on notera surtout la présence de Jeffrey Wright incarnant Beetee, Sam Claflin en Finnick Odair, Jena Malone en Johanna Mason, et l’immense Philip Seymour Hoffman en Plutarch Heavensbee. Tous livrent des performances plus que convaincantes, établissant les bases de leurs personnages avec crédibilité. Ces nouveaux venus enrichissent le casting déjà composé de formidables acteurs, offrant une belle perspective pour les deux derniers volets de la saga.

Avant l’arrivée de Francis Lawrence à la réalisation, les producteurs avaient déjà anticipé. Ils prévoyaient de diviser le dernier film en deux parties, suivant ainsi la tendance des derniers volets des sagas Harry Potter et Twilight, également découpés en deux parties. Les studios ont avancé l’argument de mieux adapter le dernier roman pour ne décevoir personne, mais la vérité est que cela signifie deux fois plus de films, deux fois plus d’entrées, deux fois plus d’argent. C’est logique.

Ainsi, le deuxième volet se termine sur un cliffhanger assez provocateur. Si les acteurs sont toujours au sommet de leur forme, et que l’univers est riche en immersion, se révélant passionnant à explorer, le film se révèle mou dans ses scènes d’action, et sa réalisation est plus prudente que celle de Gary Ross. Francis Lawrence devra donc faire ses preuves en adaptant ce dernier livre en deux parties tout en maintenant l’immersion qui fait la force de son film, et en intensifiant sa manière de filmer l’action. Malheureusement, le récit de ce dernier volet commence par un long passage lent, contemplatif et intimiste…

Hunger Games – L’embrasement de Francis Lawrence, 2h26, avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Liam Hemsworth – Sorti en 2013