[CRITIQUE] Hunger Games, La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur – La bonne surprise ?

Après huit années depuis la sortie du dernier film, la saga Hunger Games fait son retour sur les écrans. Suzanne Collins, l’auteure des livres Hunger Games, a décidé de publier un nouveau livre, une préquelle à sa trilogie, en 2020. Ce livre retrace l’histoire de Coriolanus Snow, futur président de Panem, et de sa jeunesse lorsqu’il se retrouve malgré lui mentor d’une jeune femme du district 12, Lucy Gray Baird. Sa réussite dépend de la survie de cette dernière ; si elle survit, Coriolanus pourra intégrer une prestigieuse université et accéder à l’élite du pouvoir. Il s’engage alors à influencer les règles des premiers Hunger Games pour mettre en avant Lucy. En plus de sa voix exceptionnelle, elle se distingue par sa provocation et son charme, attirant inévitablement l’attention du Capitole sur elle. Cependant, une fois dans l’arène, Coriolanus doit redoubler de stratagèmes s’il espère la faire sortir vivante.

Le réalisateur Francis Lawrence est de retour pour ce nouvel opus, déterminé à faire de la saga Hunger Games la sienne. Son empreinte est indéniable dans ce dernier volet, ce qui ravira les fans des trois précédents films. Avant d’aborder ce film, voyons ce que Lawrence a fait au cours de ces huit dernières années. Il a dirigé le brillant Red Sparrow, toujours avec Jennifer Lawrence au casting. Ce film d’espionnage excellent met en valeur la performance toujours aussi bluffante de l’actrice. Ensuite, il s’est lancé dans divers projets, notamment la suite de son film Constantine avec Keanu Reeves, sorti en 2005, ainsi que l’adaptation en live du jeu Bioshock par Netflix, très attendue. En parlant de Netflix, il a réalisé pour eux le très, très, TRÈS mauvais La petite Nemo et le monde des rêves avec Jason Momoa. Soyons clairs, ce film est probablement une erreur de parcours, car ce nouveau volet de la saga Hunger Games est une réussite, bien qu’il présente quelques problèmes.

Francis Lawrence se retrouve une fois de plus à la tête d’un récit qui jongle entre deux perspectives : Snow et Lucy. Cette fois-ci, il doit mettre en place une réalisation à double point de vue. Comme nous l’avons vu dans notre rétrospective Hunger Games, l’épisode 2, L’Embrasement, avait déjà adopté ce dispositif narratif. Bien qu’efficace en alternant les points de vue et en multipliant les événements, cela nuit également à l’immersion. La saga originale de Hunger Games fonctionnait mieux lorsque tout était perçu du point de vue de Katniss, dynamisant ainsi le récit et définissant efficacement l’univers tout en conservant du rythme. Ici, Lawrence choisit de placer son récit uniquement du point de vue de Snow, nous permettant de suivre les aventures de Lucy à travers les yeux du protagoniste principal. Le réalisateur a définitivement compris que cette saga doit être vécue de l’intérieur.

Le film est divisé en trois parties : la préparation des jeux, les jeux eux-mêmes et les conséquences de ces derniers. Le récit de ce volet est classique mais efficace, bien qu’il souffre d’auto-références. Lucy, musicienne, incarne une sorte de bohème gitane vivant dans les districts à ses dépens. À plusieurs reprises, elle interprète de nombreuses chansons, formidablement interprétées par l’actrice Rachel Zegler, déjà remarquée dans West Side Story de Spielberg. Elle incarne un personnage provocateur et sympathique, agissant par pulsion, tout comme Katniss, avec qui elle partage cette manipulation. Cependant, le film utilise à l’excès la célèbre chanson “The Hanging Tree“. Lorsque ce clin d’œil devient un gimmick, cela crée une lourdeur dans le récit difficile à supporter. Il faut dire que Hunger Games n’est pas la série de films la plus subtile, mais elle a toujours su utiliser plus ou moins habilement des artifices pour nous faire croire à ses événements. Cependant, cette fois-ci, c’est trop. La “méchante” de l’histoire, le docteur Gaul, interprété par Viola Davis, est un antagoniste raté et cliché, une sorte de version moins réussie du Joker mais beaucoup plus sérieuse, et chacune de ses apparitions vous fera lever les yeux au ciel. Ce personnage n’est pourtant en rien la faute de son interprète, qui se démène avec une partition oscillant entre le gênant et le grand n’importe quoi. Viola Davis fait de son mieux avec ce qu’elle a. Un autre point négatif est la violence du film, bien plus appuyée que celle des derniers volets, mais curieusement sage… Encore une fois, le classement PEGI 13 américain pourrait en être la cause, car bien qu’il présente une violence physique sans concession, pas une seule goutte de sang n’apparaît à l’écran.

Néanmoins, tout cela est compensé par une réalisation et des acteurs à la hauteur. Tom Blyth, jusqu’alors inconnu, incarne brillamment le jeune Coriolanus Snow. C’est un personnage antipathique que le jeune acteur parvient à nous faire aimer autant que détester. Inspiré de la pièce Coriolan de Shakespeare, ce personnage est difficile à cerner, suscitant autant d’attachement que de répulsion. L’histoire originelle de ce personnage est très réussie et constitue un point fort du film. Le personnage de Lucy, en revanche, est moins développé que celui de Snow, mais à l’image de Katniss, elle demeure un personnage tout aussi ambivalent, bien qu’elle dispose de peu de place dans le récit. Pour le reste du casting, saluons la présence de Peter Dinklage dans un rôle qui lui va parfaitement, ajoutant une vraie personnalité à son personnage, ainsi que Hunter Schafer dans le rôle de Tigris, déjà présente dans la saga originale. Son rôle convient parfaitement à la jeune actrice, apportant un enjeu dramatique supplémentaire au récit et incarnant le parfait opposé du personnage de Snow.

En définitive, Hunger Games: La balade du serpent et de l’oiseau chanteur est un très bon préquel. Il reprend avec justesse l’univers de la tétralogie originale ainsi que ses défauts. On note une violence toujours ambiguë et dénuée d’impact, mais une immersion de qualité accompagnée d’une réalisation toujours aussi soignée de la part de Francis Lawrence. Le duo d’acteurs Rachel Zegler et Tom Blyth fonctionne à merveille, malgré une antagoniste aussi fade que possible et en total décalage avec l’univers du récit original. Ce film s’inscrit parfaitement dans la saga Hunger Games et suscite toujours la réflexion sur notre rapport aux images.

Hunger Games: la Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur de Francis Lawrence, 2h38, avec Tom Blyth, Rachel Zegler, Peter Dinklage – Au cinéma le 15 novembre 2023

0
0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *