Récit d’un Propriétaire raconte l’histoire de Tane, une vieille dame irritable, devant accueillir malgré elle un petit garçon égaré. Sorti en 1947, le film se déroule dans le Tokyo d’après-guerre, un paysage vide, où la basse population peine à joindre les deux bouts et manger convenablement.
Yasujiro Ozu était déjà à cette époque un cinéaste chevronné et respecté, travaillant depuis la fin des années 1920 pour la Shochiku avec de nombreux films muets, comme Gosses de Tokyo ou Histoire d’Herbes Flottantes (qu’il refera en version parlante couleur en 59), mais n’avait pas encore signé Printemps Tardif (1949), un grand film qui marque le début de l’âge d’or de sa carrière jusqu’à sa mort en 1963, le jour de son soixantième anniversaire.
Cependant, si Récit d’un propriétaire semble être un tout petit film, resserré sur 1h11 seulement, c’est un de ses films les plus tendres, qui aurait pu être véritablement bouleversant avec quelques séquences supplémentaires. En effet, le cinéaste réinvestit ses thèmes de prédilection, comme le lien familial, ici à travers une dame âgée et ce petit garçon qu’elle adopte, mais offre aussi une vision particulière de la relation père-fils, dépeignant de prime abord le paternel comme quelqu’un d’égoïste, parti à Tokyo pour trouver du travail, parfaite occasion d’abandonner son fils, devenu un poids financier après la mort de la mère.
La vieille Tane est montrée comme une personne acariâtre, stricte, n’aimant pas les enfants, et qui se voit confier un véritable fardeau dont elle tente de se débarrasser. Evidemment, à force de passer des moments avec lui, elle se prend d’affection pour le pauvre garçon abandonné, et à son habituelle moue désagréable se substitue un sourire tendre. Ozu soigne sa mise en scène, avec de nombreux plans tatamis élégants, et de sublimes plans de personnages dans ce paysage rural faisant penser à certaines de ses plus belles compositions ultérieures.
Voici donc une jolie chronique humaniste, emplie de compassion, pouvant rappeler quelques œuvres du néoréalisme italien. Une superbe histoire, qui aurait mérité davantage de séquences entre Tane et l’enfant, pour renforcer leur lien à l’écran, et ainsi rendre les 10 dernières minutes du long-métrage encore plus émouvantes.
Récit d’un Propriétaire, de Yasujiro Ozu, 1h11, avec Choko Iida, Hohi Aoki, Chishu Ryu – Ressortie au cinéma le 8 novembre 2023.
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Vincent Pelisse7/10 BienUne jolie chronique humaniste, emplie de compassion, qui aurait mérité d'étendre sa durée pour atteindre son plein potentiel émotionnel. Un des films les plus tendres de Yasujiro Ozu.