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[CRITIQUE] Wonder Woman 1984 – Une année de merde

Voici, parvenu est-il ! L’unique blockbuster de super-héros de l’année 2020 se présente à nous. Wonder Woman 1984 est à notre disposition sur HBO Max, bien que nos élégantes salles françaises demeurent privées de sa projection pour un temps indéterminé. Ce film, retardé par la pandémie, ainsi que d’autres œuvres à succès telles que Black Widow et No Time to Die, a finalement vu le jour grâce à un accord entre Warner Brothers et HBO Max, déclenchant une division sur les réseaux sociaux. Malgré les premières critiques favorables, prétendument issues d' »influenceurs », il ne s’agit pas d’un excellent film de super-héros, comme je m’apprête à vous l’expliquer.

Les principaux problèmes de cette production résident dans son scénario et son intrigue. Un ancien artefact offre un vœu libre à quiconque le détient, mais tel le singe de la fable, il exige également un tribut du souhaitant. Voilà l’essentiel. Cette prémisse s’apparente à celle d’un épisode médiocre de La Quatrième Dimension, étirée artificiellement pour être le fil conducteur de Wonder Woman 1984. Une telle trame pourrait être acceptable pour une production modeste, mais dans un film à gros budget, elle se révèle si fragile qu’au troisième acte, les personnages semblent se débattre dans un vide narratif abyssal, décrochant irrémédiablement l’intérêt des spectateurs. Maxwell Lord, un homme d’affaires rusé et un gourou de la télévision aux ambitions floues, entre en possession de l’objet magique, tout comme Gal Gadot dans le rôle de WW et Kristen Wiig incarnant la timide Barbara. Ces dernières expriment leurs vœux, déclenchant ainsi une série d’événements. Gal souhaite le retour de Steve Trevor, tandis que Kristen aspire à devenir comme Diana. Pendant ce temps, Lord s’empare du MacGuffin et l’assimile, se transformant en une incarnation de la pierre à souhaits. Il manipule alors les individus pour servir ses propres desseins, accumulant ainsi un pouvoir qui lui permettrait de gouverner le monde… ou quelque chose de ce genre. Lord prend le contrôle des ressources pétrolières mondiales et parvient même à influencer le président des États-Unis, exacerbant ainsi les tensions de la guerre froide jusqu’au point de non-retour. Enfin, après avoir acquis la possibilité de s’adresser à la population mondiale, il les incite à faire des vœux qui plongent le monde dans le chaos et la destruction, tout en renforçant sa propre puissance.

Pendant ce temps, une Wonder Woman épuisée doit affronter Barbara, désormais transformée en une « prédatrice suprême ». Pour arrêter l’obsessionnel Maxwell Lord, elle doit faire un sacrifice. Avant d’aller plus loin, permettez-moi de souligner que le premier « Wonder Woman » reste l’un des meilleurs films de DC (bien que je tente d’oublier son climax décevant), et que Wonder Woman 1984 était attendu comme LE grand divertissement de l’année. Gadot incarne une Diana remarquable, et Wiig semblait tout aussi prometteuse en Cheetah. L’intrigue suscitait l’intérêt, notamment avec le retour inattendu de Chris Pine en tant qu’intérêt amoureux, mais malheureusement, le résultat est une déception cuisante.

Le film commence avec une promesse, nous plongeant dans un flash-back sur la jeune Diana participant à des jeux étranges sur Paradise Island et apprenant une leçon d’humilité. Puis, nous voici en 1984, avec une séquence d’ouverture qui semble rendre hommage à Superman 3. C’est un début prometteur, mais dès que l’intrigue principale démarre, tout s’effondre. Le rythme est erratique, et il faut un temps considérable avant que Gal Gadot n’enfile son costume de Wonder Woman. Après la première séquence d’action, le récit progresse à pas de tortue, et l’attente interminable pour une nouvelle apparition de l’héroïne laisse perplexe. Au moment où l’histoire s’engage vraiment, toutes les pièces du puzzle sont exposées de manière si flagrante que le dénouement devient prévisible. Les éléments-clés, comme le nouvel uniforme, le fils de l’antagoniste et les sous-intrigues des ennemis, sont annoncés avec une telle évidence que toute surprise est annihilée. Au troisième acte, les règles entourant la pierre à souhaits semblent être inventées au fur et à mesure par les scénaristes dans une tentative désespérée de maintenir l’intérêt, mais cela a l’effet inverse. Les moments censés susciter une émotion véritable sont vidés de leur substance par l’absurdité de la situation. La disparition de Steve Trevor hors champ, lors d’une scène pourtant cruciale, illustre parfaitement cette incohérence. On est en droit de se demander ce qu’il est advenu de lui, mais cette question est vite reléguée au second plan quand on réalise à quel point on se désintéresse de son sort, tant tout semble dépourvu de cohérence.

Malgré les efforts des acteurs principaux, leurs motivations sont si superficielles et sous-développées que, lorsque le générique de fin apparaît, on se sent vide et déçu. Je crois sincèrement qu’il y avait le potentiel pour un bon film ici. En concentrant l’intrigue sur le duel entre Wonder Woman et Cheetah, sans les digressions liées à Maxwell Lord et à la pierre à souhaits, le résultat aurait pu être bien plus plaisant, cohérent et accessible. L’histoire de deux femmes aux antipodes luttant pour leur amitié naissante, qui finit par se transformer en rivalité acharnée, aurait été infiniment plus captivante qu’une histoire centrée sur un artefact magique. Une exploration approfondie de leur relation aurait permis de mieux comprendre leurs personnalités et leurs faiblesses, et aurait donné plus de sens à leur confrontation finale. Entre ces moments, Gal Gadot aurait pu briller en protégeant les innocents et en sauvant ceux qui ont besoin d’elle. Par ailleurs, le contexte des années 80 n’apporte rien à l’histoire. Le récit aurait pu se dérouler en 2010 sans que cela n’altère sa substance. Le choix de cette période semble justifié uniquement par les effets kitsch (volontairement exagérés, je le précise) que Patty Jenkins, sans grande finesse, n’a su exploiter à leur juste valeur.

Wonder Woman 1984 méritait mieux. Que ce soit au niveau de son écriture, de son rythme, de son esthétique ou même de son potentiel divertissant, tout semble bancal, amateur et superficiel, destiné à combler les spectateurs assoupis devant leur écran, faute de les captiver dans les salles obscures. Je me surprends même à me demander si Suicide Squad n’était pas un meilleur film, ce qui en dit long.

Wonder Woman 1984 de Patty Jenkins, 2h31, avec Gal Gadot, Chris Pine, Kristen Wiig – Le 30 mars 2021 en VOD