[CRITIQUE] Spiderhead – La marvelisation de Black Mirror

Le succès retentissant de Top Gun : Maverick ne pourra probablement pas sauver Spiderhead de l’ennui intersidéral. Cette réflexion peut paraître exagérée, mais cela est pourtant le cas si l’on en vient à passer deux heures de sa vie devant ce film, gargantuesque de vide. Adapté de la nouvelle « Escape from Spiderhead» écrite par George Saunders, le film retranscrit le quotidien difficile de Jeff (Miles Teller), détenu au sein du laboratoire Spiderhead. Sa spécificité ? Il s’agit d’étudier l’effet de médicaments affectant les émotions, une ambition que Steve Abnesti (Chris Hemsworth) souhaite étendre davantage en tant que directeur de l’entreprise.

Il ne faut pas avoir vu tant d’adaptations de récits utopistes, ou étudier le sujet de la métaphysique pour constater le manque d’application sur l’écriture de ce film. Là où Joseph Kosinski aurait pu intéresser, en jouant en permanence sur le caractère instable et imprévisible de Steve tel qu’exprimé en introduction, il n’en est rien. Non, il vaut mieux ainsi recourir aux tubes des années 80s sur plusieurs reprises, sans qu’il y ait un quelconque rapport avec le propos originel. Cela nuit non seulement au message, rappelant de laisser libre cours à l’émotion humaine sans intervention scientifique (une évidence très subtile), mais donnant également un semblant de cool au personnage d’Hemsworth. Ce qu’il n’est pas bien entendu en théorie, si l’on en vient à repenser le cœur de l’intrigue.

Dommage donc, parce que la performance du duo Teller/Hemsworth ne partait pas si mal, mais se transforme en cabotinage à mesure que les minutes défilent. Si l’ambition pure et simple d’un scientifique peut se comprendre, il y a tout de même peu de raisons qui justifient l’acharnement du personnage de Steve. Le souci est que l’on n’en saura pas davantage à la fin du film sur ses réelles motivations, si ce n’est de prendre l’emprise sur l’autre. Globalement, la réalisation de Kosinski n’est pas mauvaise mais ne tente pas spécialement grand-chose non plus. Quant à la photographie, elle est assez générique.

L’intrigue en elle-même est prévisible, et la confrontation inévitable entre les deux personnages tourne au ridicule. Il en est de même pour les flashbacks sur le passé de Jeff, inscrits au forceps dans le récit, et toujours plus grossiers dans la représentation d’un traumatisme. Cela est un peu surprenant de la part du cinéaste, qui était bien plus à l’aise dans la simplicité d’Oblivion. Heureusement, l’on peut tout de même se rattacher aux pauvres acteurs, inconscients de la vacuité du récit, interprétant ici un rôle plutôt différent de ce qu’ils ont l’habitude jouer. Mais encore, tout cela est de l’ordre de la nouvelle et n’aurait dû être exploité qu’en tant que court-métrage.

Spiderhead s’oubliera très vite dans le cahier Netflix, se rangeant au sein d’une liste non exhaustive de films SF sans saveur. Les génériques pulp ne sont pas en adéquation avec ce qui y est raconté, mais cela devient habituel sur la plateforme. C’est à se demander si Kosinski s’est réellement amusé à mettre en scène cette histoire sordide, vu et revue mille fois auparavant. Que dire si ce n’est la frustration devant un tel gâchis artistique, économique. Il faut préférer la sieste tranquille, à ce somnifère.

Note : 1.5 sur 5.

Spiderhead sur Netflix le 17 juin 2022.

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