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[CRITIQUE] Sick of Myself – Un certain cachet

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Par William Carlier

Présenté au Festival de Cannes en 2022, Sick of Myself ne manque certainement pas d’audace à valser entre plusieurs genres jusqu’à proposer une anti-comédie romantique. Alors que Signe observe que son compagnon n’est plus très attentif à son égard, elle commence à se faire souffrir sans savoir que la prise excessive de comprimés étrangers va la rendre irrémédiablement malade. L’expérience cinématographique proposée flirte avec le film de genre, mais le cinéaste Kristoffer Borgli ne parvient pas toujours à convaincre tant l’équilibre des registres employés est fragile.

Impressionnant par ses performances, le long-métrage recèle de thématiques passionnantes. Le personnage féminin victime et coupable à la fois de sa situation est paradoxal, à la fois attachant et détestable. Le cinéaste joue de ce rapport curieux entretenu avec le personnage et les autres, à la fois soutenu, aimé, puis méprisé. L’actrice Kristine Kujath Thorp l’incarne avec brio, comprenant le besoin comique et tragique constant qu’évoque cette femme. Défigurée mais toujours menteuse, Signe ne se satisfait jamais vraiment de l’attention que l’on lui porte. C’est un des axes majeurs du film, qui est correctement développé certes mais où Borgli peine à faire évoluer son personnage.

Il y a pourtant une représentation juste, proche de la satire du monde artistique et des médias. Le metteur en scène s’appuie ainsi sur la fausse bonne conscience sociale que se donne l’entourage autour du personnage, entre les tournages de publicité et les fêtes. Pour le peu que l’autre ne soit pas rangé parfaitement avec les autres, ou trop différent au-dessous du seuil acceptable de beauté, la femme qu’est Signe ne peut plus être acceptée. Mais il est dommage qu’il n’y ait pas vraiment de scènes dramatiques appuyant cela, Borgli préférant toujours tourner son personnage en dérision. Le maquillage de l’actrice est suffisamment impressionnant pour rendre la difformité du personnage saisissante, tantôt vue par le réseau social comme attirante ou repoussante. Jamais vraiment il ne s’agit de considérer l’état psychologique de Signe, mais plutôt son caractère physique.

© Tandem Films

Si Borgli ne concrétise pas complètement ses ambitions thématiques donc, son sujet réfléchit constamment l’élégance et le grossier au cinéma, le rapport très proche liant les deux. Car Sick of Myself n’est pas plus un film inscrit dans le body horror qu’une pure comédie noire, revenant aux fondamentaux du drame lorsqu’il s’agit d’évoquer le souvenir et le temps qui passe. A trop vouloir chercher l’attention pour apaiser sa psychologie fragile, Signe s’est enfoncée davantage dans un comportement déviant. La faute à elle-même, les autres, ou même son amoureux ?

Sick of Myself porte un peu à confusion lorsque le générique défile. Il n’y a pas nécessairement cette compassion ressentie pour la personne malade, mais un effroi évident des images graphiques entrevues lors de sa projection. C’est également la force de ce genre de propositions, osant heurter la sensibilité du spectateur pour travailler les frontières genrées du cinéma. Il ne faut pas que des films agréables.

Sick of Myself de Kristoffer Borgli, 1h37, avec Kristine Kujath Thorp, Eirik Sæther, Fanny Vaager – Au cinéma le 31 mai 2023.

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