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[CRITIQUE] Marchands de Douleur & Les Ordres du Mal – Feignantise

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Par Louan Nivesse

Il est regrettable d’observer que les récentes offrandes de Netflix, à savoir Marchands de Douleur et Les Ordres du Mal, se révèlent être encore des échecs cuisants, dépeignant malheureusement des tendances persistantes inhérentes aux productions diffusées sur la plateforme et les plateformes de streaming en général.

Pour commencer, en ce qui concerne Marchands de Douleur, il est manifeste que le film pâtit d’une carence flagrante en matière d’originalité et de profondeur. David Yates, renommé pour sa contribution à la saga Harry Potter, n’a point réussi à engendrer une œuvre autonome d’une réelle conviction. Le scénario, en dépit de ses promesses de révéler les turpitudes de l’industrie pharmaceutique, s’égare dans les méandres de clichés et de stéréotypes attendus. Ce phénomène reflète un problème prévalent dans de nombreuses productions estampillées Netflix, où l’impératif de succès commercial prédomine fréquemment sur la quête de qualité et d’unicité. De surcroît, les protagonistes du long-métrage semblent davantage des archétypes que des êtres crédibles. La carence de développement de ces figures réduit notre faculté à nous identifier à elles ou à éprouver de l’empathie. Cela peut s’avérer symptomatique de la tendance à la superficialité dans de nombreux opus diffusés en streaming, où, par moments, les personnages sont sacrifiés au profit de l’intrigue ou du divertissement facile, surtout que les plateformes et les scénaristes partent du principe que les spectateurs sont déjà attaché aux figures qui les incarnent (ici Chris Evans, Emily Blunt et Andy Garcia, qui s’est remis de la sortie annuelle Orpéa sur le paquebot d’Expendables 4) pour mettre de côté une partie du développement.

Copyright Betina La Plante/Netflix © 2023.

Par ailleurs, le film souffre d’une incohérence tonale, vacillant entre une comédie criminelle et une satire plus sombre de l’industrie pharmaceutique. Cette ambivalence stylistique dérange la tonalité du film, un reproche courant à l’encontre des productions qui tentent, sans succès, de mélanger différents genres. Alors que cette même année, Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras, sorti au cinéma, a su parler de ce sujet avec plus d’empathie et d’impact que cette nouvelle approche plus “divertissante” (avec guillemets car il est en réalité soporifique) et commerciale de ce drame. En somme, son Marchands de Douleur se révèle un exemple flagrant de la manière dont les clichés, la superficialité, et l’absence de créativité peuvent compromettre un récit d’importance. Malgré la performance solide d’Emily Blunt, le film pèche par son incapacité à transmettre un message percutant et à offrir une expérience mémorable. Au fait, c’est juste Yates qui veut faire une comédie satirique à la Adam McKay et Don’t Look Up : Déni cosmique mais qui ne sait pas aller plus loin que la partie ingrédients sur Marmiton.

Quant à Les Ordres du Mal, l’œuvre de Paco Plaza déçoit également en succombant aux pièges inhérents aux clichés du genre horrifique. Plutôt que d’explorer la religiosité de manière nuancée, le film préfère se complaire dans des représentations simplistes et superficielles, un peu plus auteurisant que La Nonne : La Malédiction De Sainte-Lucie, mais quand on y regarde d’un peu plus prêt : c’est la même chose. Cette simplification nuit à la profondeur de l’exploration du thème religieux et réduit la dimension spirituelle à un simple spectacle, une lacune récurrente dans de nombreuses œuvres d’horreur (cf. Un Film D’horreur ? Même Pas Peur !).

Copyright Netflix

Par ailleurs, il semble souffrir d’un manque d’originalité en répétant les tropes familiers du genre, au lieu d’insuffler une brise d’innovation. Cela témoigne de la tendance du cinéma d’horreur où de nombreuses œuvres préfèrent jouer la carte de la sécurité en utilisant des éléments maintes fois éprouvés plutôt que d’oser l’audace. La confusion narrative et les incohérences présentes dans le film nuisent également à notre expérience, créant des moments inappropriés qui sèment la désolation dans l’atmosphère de terreur. De plus, l’utilisation de la violence sexuelle comme artifice choquant, dépourvue de toute exploration significative, constitue une décision problématique qui entache la crédibilité du film. Et c’est pas la première fois chez Plaza. On peut citer le récent La Abuela qui dans son pitch prometteur (clairement, “la peur des vieux”), se sentait obligé de faire survenir du surnaturel pour tenter de provoquer des frissons. Il est nécessaire de rappeler que ce qui fait le plus peur, c’est le réel. En ce sens, ce n’est pas pour rien que les meilleurs films d’horreur de l’année sont des œuvres comme L’Amour et les forêts ou Le Consentement. On espère que le prochain Vermines utilisera l’arachnophobie dans son plus simple appareil. Au fait, Les Ordres du Mal est le reflet de la tendance à la superficialité, aux clichés, et à l’absence d’originalité qui sévit dans de nombreuses productions en streaming, surtout horrifique. Malgré quelques idées prometteuses, il échoue à se distinguer dans le genre de l’horreur et suscite une déception profonde parmi les amateurs du genre et de Paco Plaza – qui nous avait tant fait frissonner avec une peur aussi réel que son Malveillance.

Ces deux films exposent de manière éloquente les problèmes récurrents qui émaillent les productions de Netflix et des plateformes de streaming en général, où la quête du succès commercial et la soumission à des formules préétablies prévalent parfois aux dépens de la créativité, de l’originalité, et de la profondeur narrative. Il est impératif de continuer à encourager la diversité et l’innovation dans l’univers cinématographique et télévisuel, afin de ne pas sacrifier la qualité sur l’autel de la commodité.

Marchands de Douleur de David Yates, 2h02, avec Emily Blunt, Chris Evans, Andy Garcia – Sur Netflix le 27 octobre 2023.

Les Ordres du mal de Paco Plaza, 1h29, avec Aria Bedmar, Almudena Amor, Maru Valdivielso – Sur Netflix le 27 octobre 2023.

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