[CRITIQUE] Lorelei – Alerte Sirène

Dans le film Lorelei, œuvre inaugurale de la scénariste et réalisatrice Sabrina Doyle, se déploie l’histoire de travailleurs précaires dans les confins nord-ouest du Pacifique, où un ex-détenu croise le chemin d’une mère célibataire et de ses trois enfants. En surface, se dessine un drame familial atypique, où des individus cherchent à tracer leur voie tant individuellement que collectivement. Mais en son essence, ce long métrage exhorte à avancer, à se délester du poids du passé.

L’ouverture du récit dépeint Wayland (incarné par Pablo Schreiber), libéré après quinze ans d’incarcération pour vol à main armée. Suite à une nuit d’égarement avec ses compagnons motards, il trouve refuge dans une maison de transition sous l’égide de la bienveillante pasteure Gail (interprétée par Trish Egan). C’est alors qu’il croise à nouveau la route de son ancienne flamme, Delores (jouée par Jena Malone), ravivant aussitôt les liens d’autrefois. Leur amour adolescent, avorté par le destin, ressurgit : “Nous étions promis à quelque chose de grand, toi et moi”, déplore-t-elle. Contraints par les circonstances, ils se sont séparés : lui en prison, elle en proie à l’adversité. Aujourd’hui, il est un ancien détenu, elle une mère isolée de trois enfants, gagnant péniblement sa vie comme femme de chambre dans un motel décrépit. Malgré tout, une affection réciproque persiste, conduisant Wayland à s’installer auprès de Delores et de ses trois rejetons, incarnés avec une remarquable authenticité par Amelia Borgerding, Parker Pascoe-Sheppard et Chancellor Perry, novices en matière d’interprétation. Ce semblant de solution semble voué à l’échec, une entreprise imprudente.

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Fort heureusement, Doyle façonne des personnages nuancés, ancrés dans la réalité la plus crue. Ils échappent aux stéréotypes, laissant planer l’incertitude quant au dénouement de leur histoire. Leurs failles ne sont pas dissimulées, leurs échecs pas édulcorés. Parfois, leurs choix défient l’approbation. Pourtant, l’auteure offre des lueurs d’espoir, discrètes et parfois à peine perceptibles, mais bel et bien présentes.

Si Lorelei se déploie comme une véritable tranche de vie, son rythme demeure lent, mais délectable. Aucun élément ne sonne faux, ni les personnages, ni leurs péripéties. Cependant, le récit avance à un train de sénateur. Si les seconds rôles sont nombreux et crédibles, peu d’entre eux (à quelques exceptions près) bénéficient de plus d’une ou deux scènes. Toutefois, pour être équitable envers Doyle, il convient de reconnaître que son récit est particulièrement ciblé, et cette focalisation est ce qui fait la force du film. C’est une œuvre magnifique, portée par d’excellentes performances. Mais c’est la perspective réaliste de Doyle qui insuffle à ce récit son élan. Ce long métrage a été l’un de mes coups de cœur lors du Festival du cinéma américain de Deauville en 2020.

Lorelei de Sabrina Doyle, 1h51, avec Pablo Schreiber, Jena Malone, Gretchen Corbett – En VOD le 7 avril 2022

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