[CRITIQUE] Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan – Une ambition respectée

Le célèbre roman d’Alexandre Dumas connaît encore une adaptation au cinéma mais avec cette fois-ci un retour en force français avec un gros casting au rendez-vous. L’on retrouve donc François Civil, Pio Marmaï, Romain Duris et Vincent Cassel en quatuor dans leurs rôles respectifs des mousquetaires, mais aussi Eva Green en Milady. Ici, ce film réalisé par Martin Bourboulon, est présenté comme la première partie d’une saga partagée en deux où la seconde partie sera consacrée au personnage de Milady, l’antagoniste principale des héros. Mais avec ce premier film, il sera davantage question de s’attarder sur la genèse du jeune héros D’Artagnan qui rêve de rejoindre l’ordre des mousquetaires. La question essentielle ici alors de savoir si ce projet porteur de bien des promesses arrivera à satisfaire à nos attentes ? Nous verrons si cette première partie, qui sort aujourd’hui dans nos salles, détient les clés ou non pour y arriver.

Avant de s’attarder sur le film en lui-même, Les Trois Mousquetaires a pu s’attirer un engouement tout à fait justifié. Ce projet a pu enfoncer la porte assez fermée du blockbuster en France et raviver un engouement certain de la part du public. Car effectivement, les films à gros budget se font rares vis à vis du voisin transatlantique où cela est plus la norme. De plus, c’est le ton que le projet a laissé entrapercevoir avec un intérêt vif pour le genre du thriller et d’un film d’épée au goût épique qui a pu également séduire. Des projets comme les Trois Mousquetaires se font alors précieux en France, il est donc important de le souligner et même de le soutenir pour ériger une diversité du cinéma français. Bien que les blockbusters ne soient pas totalement inconnus du paysage français, des budgets massifs sont surtout utilisés dans des œuvres plus légères que l’on retrouve dans le genre de la comédie. Pour citer un exemple très récent, nous avons pu avoir la malchance de découvrir le dernier produit de Guillaume Canet, Astérix et l’Empire du Milieu, qui donnait sérieusement envie de canner. Donc à défaut de nous avoir servi une comédie tout à fait vulgaire et qui répondait surtout à un besoin financier nauséabond, le projet diptyque des Trois Mousquetaires se dirige à contre-courant et possède une réelle ambition de mettre en place une saga historique au goût authentique d’aventure. À voir maintenant si c’est vraiment le cas au visionnage.

Effectivement, le film part sur un postulat ambitieux en adaptant l’œuvre la plus populaire de l’auteur et doit donc se montrer à la hauteur, et cela se fait d’ores et déjà dans la construction de son cadre historique. Bien qu’on regrette très vite un éclairage pas assez poussé et qui rend certaines scènes trop sombres, et même si je ne crache pas sur une référence à Miguel Sapochnik dans Game of Thrones, le cadre y est propice. Même étant des attendus de base, le film nous immerge très vite dans son cadre spatio-temporel avec les efforts naturels sur les décors et les costumes. Un point fort du film s’y retrouve en proposant une richesse de décors qui accompagne l’aventure des héros tout le long. De plus dans certaines scènes, il y a une bonne utilisation de l’espace qui sert au mieux l’action et la tension. Mais au-delà de ces facteurs techniques, il y a la présence d’esprit d’utiliser un langage littéraire qui au-delà de garantir la pérennité de l’œuvre, donne l’impulsion à des dialogues plaisants qui garantissent de rendre le cadre cohérent. En revanche pour Les Trois Mousquetaires, ce qui est surtout attendu car l’ambition du projet l’impose, sont ses scènes d’action. Malheureusement pour nous, c’est un point à mesurer. Tout en se réjouissant d’avoir des scènes d’action présentes régulièrement, il faut néanmoins admettre que la mise en scène ne rend pas parfois justice à la noblesse du combat à l’épée. La première scène d’action du film n’est pas vraiment de bon augure pour la suite car elle statue de deux défauts précédemment évoqués, une scène sombre qui rappelle un soucis récurrent d’éclairage, et la scène d’action en elle-même qui pose problème tant elle n’est pas si lisible, tant la mise en scène est timide. Mais fort heureusement, cette première scène n’est pas la scène d’action référente tout le long du film. En tant qu’adaptation des Trois Mousquetaires, le film manque de grandiose dans ses scènes d’action qui par conséquent, ne sont pas vraiment épiques. Ce qui vient rétablir cette balance épique du film qu’impose l’histoire, est justement le sérieux auquel le film traite son récit et ses enjeux. 

Les trois mousquetaires sans le quatrième. / © Ben King

Le point le plus appréciable de cette première partie est en effet le sérieux donné au récit des Trois Mousquetaires où les enjeux sont clairs et mouvants. Le ton qui accompagne le film est aussi plaisant car il participe à la crédibilité de l’histoire. De fait, ce ton fait ressortir le côté épique attendu. Mais le film ne fait pas face exclusivement à ce ton, il se permet à certains moments d’adopter un ton plus léger sous l’égide de l’humour pour rythmer le récit et donner plus de vivant à ses personnages. Le premier exemple qui vient, est le personnage mis en lumière par le film, D’Artagnan, qui varie entre ces deux tons. C’est d’ailleurs par ce même personnage que les enjeux évoluent. Mais toujours pour évoquer ce côté plus léger, c’est le personnage de Louis Garrel jouant le roi Louis XIII qui dénote quelque peu avec le reste des personnages. La façon dont Louis Garrel joue, tourne en dérision presque à chaque fois son personnage alors que c’est un personnage secondaire clé pour l’histoire. La question légitime est de savoir si c’est cela est fait sciemment ou non par l’acteur. En tout état de fait, le film respecte le sérieux de son œuvre qu’elle adapte et cela se ressent souvent lors du visionnage. L’amplitude donnée à certains personnages comme par exemple celui de Milady, donne du grain à l’aventure des héros. C’est donc par ce respect et ce sérieux que le film dispose de son point le plus positif.

En outre, Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan constitue une assez belle réussite en tant que première partie du diptyque, l’ambition liée à ce projet se fait pleinement ressentir. Malgré un manque d’épique qui s’imposait, c’est surtout la volonté d’un film qui se veut respectueux de son histoire et de ses enjeux qui convainc. Cela rassure surtout quant à l’importance de ce genre de projet en France qui ne se fait que trop rarement. On peut donc que saluer cette proposition dans le paysage du cinéma français.

Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan de Martin Bourboulon, 2h01, avec François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris – Au cinéma le 5 avril 2023.

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