C’est un peu plus de dix ans après l’insuccès d’Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté que Pathé, la société de production de Jérôme Seydoux, l’un des producteurs français les plus influents, a pris la décision de réitérer l’expérience live-action d’Astérix et Obélix. Voyant le succès critique et public des deux films d’animation d’Alexandre Astier et Louis Clichy et l’élaboration d’une série d’animation Netflix de la licence par Alain Chabat – lui-même à l’origine du plus gros succès de la franchise, Astérix : Mission Cléopâtre -, Jérôme Seydoux confie la lourde tâche et 65 millions de budgets au réalisateur Guillaume Canet (Les Petits mouchoirs) qui ne cache pas la pression qu’il ressent sur les plateaux en se proclamant Sauveur du cinéma français et demandant aux Français de se déplacer.
La déclaration est logique. Non seulement car il détient l’un des budgets français les plus conséquents – même si n’oublions pas le diptyque Les Trois Mousquetaires de Bourboulon qui arrive courant 2023 -, mais ensuite, car ce celui-ci peut rapporter gros si le long-métrage est un succès. Effectivement, selon linforme.com, Guillaume Canet peut recevoir 1 million de plus sur sa paye initiale de 500 000€ et les pourcentages d’entrées par tickets si le long-métrage réalise 7 millions d’entrées. Pas étonnant de le voir mendier 6 millions sur RTL quand ce dernier peut gagner plus et peut perdre la confiance des producteurs à l’avenir.
Là où toute la presse déverse sa haine sur son Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, le public s’est déplacé en masse pour réaliser la meilleure première journée pour un film français depuis longtemps et le 8ème meilleur démarrage de tous les temps (463 000 entrées). Néanmoins pour faire perdurer ces chiffres, encore faut-il que le bouche-à-oreille soit bon et constant. Pour cela, faut que le film soit bon ou du moins qu’il attire la sympathie.
Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu se déroule en 50 avant Jésus-Christ où l’impératrice de Chine est emprisonnée à la suite d’un coup d’État fomenté par Deng Tsin Qin, un prince félon. Aidée par Graindemaïs, le marchand phénicien, et par sa fidèle guerrière Tat Han, la princesse Fu Yi, fille unique de l’impératrice, s’enfuit en Gaule pour demander de l’aide aux deux valeureux guerriers Astérix et Obélix, dotés d’une force surhumaine grâce à leur potion magique. Nos deux inséparables Gaulois acceptent bien sûr de venir en aide à la princesse pour sauver sa mère et libérer son pays. Et les voici tous en route pour une grande aventure vers la Chine. Mais César et sa puissante armée, toujours en soif de conquêtes, ont eux aussi pris la direction de l’Empire du Milieu…
Guillaume Canet suit la même direction instaurée par Alain Chabat dans Mission Cléopâtre puis violemment recopiée dans Astérix aux Jeux olympiques et Au service de Sa Majesté, un déroulé rempli de sketchs mais avec un fil rouge pour guider nos personnages vers le célèbre banquet final. Là où Mission Cléopâtre (et donc Chabat) parvenait à effacer la construction par scénettes du récit grâce à son talent indéniable de conteur, les dernières itérations en live-action de la bande-dessinée ne semblaient qu’être un festival de célébrités déguisées en personnages d’Astérix pour faire des sketchs préprogramme à la télévision. Ici, Guillaume Canet ne sait pas comment construire son récit, ce qui fait que son œuvre se situe pile entre les deux exemples. On y retrouve du Alain Chabat, dans les développements principaux et secondaires des personnages – l’Obelix de Lellouche est particulièrement attachant. Également, on y retrouve cette construction en sketchs, ici inégale, qui ruine le rythme mais surtout se force à faire rire là où étonnamment, on peut réclamer un peu de sérieux.
Canet tombe facilement dans le panneau et commet la même bêtise que Langmann et Tirard. Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu n’est au final qu’un festival de guests qui n’ont pas grand sens avec des blagues référencées pas forcément drôles. Des personnalités comme McFly et Carlito, Bigflo et Oli, Orelsan ou même Zlatan Ibrahimović – même si ce dernier nous gratifie d’un des meilleurs gags du long-métrage – n’ont pas leurs places ici et ne sont pas réellement bénéfiques pour leurs personnages, leurs caractérisations. Ils n’ont pas forcément le temps de s’exprimer et ne jouent pas, si ce n’est autre chose qu’eux-mêmes. Venant de Guillaume Canet, il semble surprenant de le voir prendre cette décision étant un habitué de la comédie-dramatique – sauf quelques exceptions plus légères. On se demande alors si cette farandole de célébrités n’était pas dans le cahier des charges d’origine, si c’est le cas, il est décevant de voir que les erreurs passées n’ont pas été complètement corrigées ici.
Cet opus d’Astérix et Obélix reste moderne, les blagues écrites sont dans l’actualité, basées sur le passif des célébrités qui les interprètes ou sur les codes de la franchise. Suite à cela, nous oublions vite le fil rouge, ce n’est qu’une succession pour arriver à un grand final décevant qui malgré une paresse d’écriture flagrante évite les clichés du sauveur blanc et tente maladroitement de s’inspirer des grands films de guerre chinois. Évidemment, et c’est grave de le citer encore aujourd’hui, ils ressassent le stéréotype de la musique Kung Fu Fighting durant une scène d’action maladroitement filmée et assez incompréhensible. On n’en peut plus. Enfin, il est dommage que Guillaume Canet ne reprend pas l’idée d’un film de pote “à la Les Petits Mouchoirs” avec l’univers d’Astérix et Obélix tant l’arc qui entoure la naïveté d’Obélix ainsi que sa rivalité amicale avec Astérix est touchant et aurait pu, avec plus de drame et moins d’humour infantile, être passionnant de bout en bout.
Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu n’est pas un désastre, honteux. C’est un produit d’appel qui coche toutes les cases de la comédie familiale à succès sans se poser la question de quoi garder et quoi oublier. C’est avec son scénario haché et, de ce fait inégale, que l’on découvre ce qui passionne réellement le réalisateur : les relations d’amitié – et un peu les coups de cœur amoureux, beaucoup trop présents et forcés. On peut aussi reprocher la mauvaise maîtrise du budget, complètement chaotique, qui donne l’impression d’un film qui a coûté trois fois moins cher. Néanmoins, ça reste un film familial convenable, dans la moyenne, noyé dans un cahier des charges plombant mais suffisamment agrémenté de bonnes idées pour y voir une certaine forme de volonté. C’est un Pathé avec beaucoup de croûte.
Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu de Guillaume Canet, 1h51, avec Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Vincent Cassel – Au cinéma le 1er février 2023