[CRITIQUE] Le Prix du Passage – Ça déménage !

Bien que souvent en accord avec l’idée de traiter de sujets sociaux qui forment tout un pan de notre politique française – cette même chose qui sépare la droite conservatrice à la gauche de partage, je dois admettre que celui-ci a tendance à créer une certaine forme de lassitude. Les craintes que j’avais pour Le Prix du Passage étaient les mêmes pour des films comme Engagés, Ils sont vivants ou encore Les Survivants, qui malgré des initiatives pertinentes, tombaient toujours dans un degré de misérabilisme dérangeant et purement gênant. Sur ce postulat, Le Prix du Passage est en ce sens une surprise inattendue, et ce, pour plusieurs raisons qui vont au-delà des défauts habituels de ce genre de récits.

Dans ce nouveau film au sujet houleux, Natacha, 25 ans, est jeune mère célibataire qui a beaucoup de difficultés pour élever son fils Enzo, 8 ans. Walid, lui, attend de réunir assez d’argent pour payer son passage vers l’Angleterre. Aux abois, ils improvisent ensemble une filière artisanale de passages clandestins. Ainsi, le sujet devient tout autre et se transforme en un thriller sous tension où divers groupes de chats vont prendre en chasse ces deux souris qui ne cherchent qu’à vivre sainement et simplement. 

© Isaaz et Thierry Binisti/Karl Colonnier/TS Productions

On ne va pas obstruer le fait que le long-métrage de Thierry Binisti ne commence pas de la meilleure des manières. En effet, la prémisse se met en place avec deux points de vue. Celui de Natacha, dans une galère qu’on n’hésite pas à nous appuyer certes sans violons mais avec tout de même un œil compatissant en trop – un appartement insalubre, un propriétaire qui réclame son loyer, ses proches qui ne cessent de lui rappeler sa situation précaire. L’autre point de vue est celui de Walid, que l’on voit également en pleine galère, celui-ci va rencontrer Natacha, sur son lieu de travail, pour lui demander le droit de prendre une douche. Dans ces premières minutes qui semblent durer beaucoup trop longtemps, les deux protagonistes enchaînent les demandes d’intérêt et égoïste qui ne font qu’entendre la lourde image de leur insignifiance.

Bien heureusement, dès lors que Natasha commence le premier voyage clandestin vers l’Angleterre, Le Prix du Passage prend une tout autre tournure et se lance dans une tension bienvenue qui perdurera pendant l’entièreté du récit. Entre les deux contrôles frontaliers, les doutes qui vont s’immiscer au sein de l’entourage et les voyages à répétition, tout est là pour créer une paranoïa, puisque le danger peut venir de partout et surtout quand Natacha s’y attend le moins. C’est un sentiment plutôt convaincant pour le spectateur car ça redistribue les cartes de la prémisse d’origine, mais surtout ça accentue le discours qui, bizarrement, n’a pas besoin du misérable et de la compassion pour rentrer dans la tête et pousser à la réflexion.

© Isaaz et Thierry Binisti/Karl Colonnier/TS Productions

Par ailleurs, tout cela ne peut être possible sans la très juste prestation d’Alice Isaaz qui sous son charmant sourire renferme une frustration éclatante et une détermination presque militante en parfait miroir avec le personnage de Natacha. Ses collègues ne sont pas en reste, car la véracité de leur jeu mêlé à la caméra épaule de Binisti cède un aspect quasi-documentaire et journalistique au film et à son sujet. On peut juste être déçu quant à la conclusion du long-métrage qui s’égare dans la niaiserie d’une comédie romantique qui n’a pas grand sens avec ce qui précède. Sans m’égarer, une fin un peu plus pessimiste donc réaliste pour nos deux protagonistes aurait été un bon axe pour clore l’énorme bouffée de tension qu’on se prend au début du troisième acte.

Le Prix du Passage est une œuvre qui peut faire peur dans ce qu’elle veut faire, jouant dans la redite qui lasse au fur et à mesure que les projets défilent, néanmoins, la tension qu’il parvient à instaurer dès son deuxième acte reste la grande réussite de ce thriller dramatique.

Le Prix du Passage de Thierry Binisti, 1h40, avec Alice Isaaz, Adam Bessa, Ilan Debrabant – Au cinéma le 12 avril 2023.

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