[CRITIQUE] La vie Rêvée de miss fran – Trépas sensoriel

Il est admirable de voir des acteurs s’épanouir loin d’Hollywood et des blockbusters. Daisy Ridley, surtout connue pour son rôle de Rey dans la dernière trilogie Star Wars, avait hérité d’un des pires personnages de la saga. Comment lui en vouloir ? À sa place, qui n’aurait pas voulu jouer dans Star Wars ? Maintenant que cette controversée trilogie est terminée, quelques acteurs phares tentent de tracer leur chemin. Certains s’engagent dans le moule des blockbusters, comme Oscar Isaac, tandis que d’autres, comme Daisy Ridley, s’éloignent du tumulte de Hollywood pour retrouver la simplicité artistique la plus pure, peut-être la plus efficace.

Son dernier film, dévoilé à Sundance cette année et nommé pour le Prix du jury de la meilleure réalisatrice, Sometimes I Think About Dying (traduit en français par La vie rêvée de Miss Fran), présente Daisy Ridley dans son premier rôle majeur au cinéma. Il raconte l’histoire de Fran, une employée de bureau réservée qui se confronte à la vie. Entourée de collègues “trop” sympathiques, elle s’évade dès qu’elle le peut en pensant à sa mort. Tout bascule le jour où Robert intègre l’entreprise. Son intérêt pour Fran vise à déstabiliser cette jeune femme qui semble totalement isolée à l’intérieur d’elle-même.

Copyright Condor Distribution

Troisième réalisation de la cinéaste américaine Rachel Lambert, le film regorge de riches thématiques. La réalisation crée un lien immédiat avec le personnage de Fran, plongeant le spectateur dans une empathie instantanée pour cette jeune femme. Le film aborde la dépression à travers Fran, dont nous suivons le regard et les pensées, tout prenant sens lors d’une scène de conversation sur la cuisine. Pour Fran, tout est fade. Même ses goûts culinaires se limitent au fromage blanc. Son apathie et son profond ennui sont contrebalancés par des séquences oniriques où elle fantasme sa propre mort, subtilement filmées par la réalisatrice. En s’attardant sur les détails visuels, la réalisation permet de ressentir les mêmes émotions que Fran, donnant ainsi tout son sens au film et à son titre original.

Ce long-métrage va bien au-delà d’une simple méditation sur la mort. Il explore aussi le monde du travail, notre société et les difficultés d’adaptation à un environnement où les interactions humaines sont artificielles. Les collègues de Fran en sont l’exemple, représentant à la fois la justesse et la caricature des employés à travers le monde. Ils cherchent constamment le contact et l’amitié sans réellement s’intéresser à Fran et à sa détresse pourtant évidente. Cela met en lumière l’isolement social du personnage et critique le monde du travail, dévoilant à quel point il peut être superficiellement accueillant. Cela contribue à la construction du personnage principal et sert à contrebalancer le personnage de Robert, joué par Dave Merheje. Robert, qui accorde une réelle attention à Fran, devient à la fois une issue et une résistance dans les sentiments du personnage principal. Sa complexité et sa relation avec Fran restent fascinantes grâce à la présence et au jeu des acteurs du film.

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Dans ce rôle, Daisy Ridley offre une performance au-delà du fascinant. Elle incarne à merveille cette jeune femme perdue dans un monde qui ne la comprend pas autant qu’elle ne le comprend. D’une justesse incroyable, elle nous plonge totalement dans la psyché de son personnage. C’est un atout majeur pour le film que la réalisatrice exploite en utilisant ce personnage extrême pour créer de l’humour noir. Cela apporte une légèreté à un récit qui pourrait sembler pesant au premier abord, mais qui révèle en réalité un humour profondément touchant, d’une authenticité saisissante. Bien sûr, l’actrice est soutenue par son partenaire de jeu, Dave Merheje, incarnant avec justesse l’exact opposé de Fran, le rendant tout aussi attachant pour elle que pour nous.

Sometimes I Think About Dying, que je refuse d’appeler par son titre français tant il est évocateur, est un excellent film d’acteurs à la réalisation soignée. C’est un voyage fascinant à travers la psyché de son personnage principal et une critique à la fois drôle et pertinente de notre société, notamment du monde du travail. Bien que son sujet puisse intimider par sa gravité, il offre une expérience sensorielle époustouflante, portée par une des meilleures performances d’acteurs de l’année.

La Vie rêvée de Miss Fran de Rachel Lambert, 1h33, avec Daisy Ridley, Dave Merheje, Parvesh Cheena – Au cinéma le 10 janvier 2024

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