[CRITIQUE] La Méthode Williams – Un plan imparfait

Richard Williams est un homme fascinant, presque un personnage de cinéma. Alors que ses deux filles, Venus et Serena, sont âgées de seulement quatre ans il décide de rédiger un plan de 78 pages dans le but d’en faire de grandes stars de tennis, et des exemples pour toute la communauté noire. Un homme complexe qui était prêt a tout pour que son plan réussisse. Un père complétement possessif, qui a ment à tous ses proches, qui a manipulé beaucoup de personnes pour que ses filles aient une vie meilleure que la sienne. Un père touchant certes, mais également complexe, notamment par la paranoïa montante qui s’emparait de lui. Alors quand en 2019 Will Smith annonce qu’il va incarner ce personnage complexe, qui a fait de ses deux filles les plus grandes stars du tennis féminin actuel, j’étais très impatient de voir le résultat. Reporté a cause de la crise sanitaire, ce film biographique arrive enfin dans les salles françaises. Une question s’impose alors : La Méthode Williams réussit-il à être plus qu’une simple succession de scènes biographiques ?

La Méthode Williams est un film qui part d’une prémisse intéressante : réaliser un film biographique sur le père de Serena et Venus Williams et non pas sur les deux stars du tennis elles-mêmes. Le titre original du film, King Richard, vient appuyer cette idée, tout en rappelant la fantaisie autour du personnage, une légende qu’il a créée lui-même en manipulant les médias. L’idée est séduisante et surtout prometteuse, il faut maintenant qu’elle soit bien exécutée et que le réalisateur, Reinaldo Marcus Green, ne se contente pas de simplement filmer Will Smith comme un bon père qui aurait absolument tout réussi. Et quelle surprise de voir que sur cet aspect le film est une réussite, faisant de Richard Williams un personnage complet et réussissant à embrasser toutes les facettes de sa personnalité sulfureuse. Alors certes Williams reste décrit comme un père aimant, étant sans cesse fier de ses filles et inquiet de leur réussite, mais très vite le réalisateur multiplie les scènes montrant le contraire. La vraie raison pour laquelle Williams s’inquiète autant c’est son égo : il craint d’avoir eu tort et que son plan s’écroule. C’est pour cette raison qu’il ne regarde pas réellement les matchs de ses filles, par la peur de les voir échouer. Et ici le film réussit d’ailleurs une évolution, un développement du personnage extrêmement simple, mais pas simpliste. Lors de l’acte final du film, Richard Williams réussit à affronter ses peurs, et à assumer sa fierté pour ses filles. L’idée est extrêmement simple mais elle donne de la profondeur au personnage, en le faisant devenir non seulement un meilleur père mais également un meilleur homme. Les meilleurs films biographiques sont ceux qui réussissent justement à être sans cesse dans l’entre-deux, à explorer les multiples facettes d’une personnalité. Et La Méthode Williams réussit justement à explorer l’être de Richard Williams, et à ce niveau-là une des scènes les plus importantes est sans doute cette séquence ou, à Compton, Richard Williams se prépare a assassiner le membre d’un gang l’ayant frapper a de nombreuses reprises. La raison pour laquelle Richard souhaite le tuer, ce n’est pas parce que ce gangster a manqué de respect a sa fille, il souhaite le tuer uniquement après qu’il ait briser son égo. Cette scène montre la folie qui habite le personnage mais également son égocentrisme qui va être le centre du récit. Le film réussit son pari de faire de Richard Williams le protagoniste du film, en le rendant complexe et suffisamment intéressant pour tenir l’ensemble du récit.

Une famille en or

Pour réussir à faire de Richard Williams un protagoniste réussi et riche il lui fallait un acteur suffisamment bon pour incarner toutes les personnalités de ce père de famille. Will Smith, producteur du film et initiateur du projet, décide alors de se donner le rôle, pensant être capable de donner à La Méthode Williams tous les éclats de sa personnalité. Le résultat est mitigé, Will Smith étant dans une carricature, presque dans le cabotinage. Mais involontairement ou non ce jeu original donne au personnage un aspect comique et un grain de folie, qui correspond extrêmement bien à la personnalité excentrique de Williams. Alternant les scènes comiques et larmoyantes l’acteur réussit à nous faire ressentir l’agacement qui émane obligatoirement du personnage, toujours à penser être le meilleur, en voulant toujours décider de tout. Encore une fois la très bonne écriture du personnage viendra améliorer le tout en faisant évoluer La Méthode Williams, qui dans l’acte final finit par donner les choix à ses filles. Le reste du casting est extrêmement bien choisi, Saniyya Sidney et Demi Singleton sont rayonnantes et arrivent sans cesse à donner de nouveaux aspects aux personnalités de Venus et Serena Williams. Le film se concentre de plus en plus sur la carrière de Venus Williams et Saniyya Sidney réussit à augmenter l’ampleur de son personnage, à être de plus en plus touchante, tout en gardeur une forme de candeur importante pour le récit. En effet le film semble éprouver un réel amour pour le tennis, et cette gentillesse des Williams vient sans cesse contrebalancer avec l’adversité des autres champions. La ou les autres parents s’énervent à chaque matchs, Richard Williams choisit toujours de dire à ses filles de s’amuser avant tout. Des actrices rayonnantes qui donnent des prestations impeccables qui ne font que servir le récit.

Jon Bernthal avec une moustache. Que demander de plus ?

Le reste du casting est réussi et j’aimerais m’attarder sur trois d’entre eux qui portent le récit : Aunjanue Ellis, qui incarne Oracene Price, Tony Goldwyn, qui incarne Paul Cohen, ainsi que Jon Bernthal, qui incarne donc Rick Macci. Ses trois personnages servent d’oppositions à l’entité de La Méthode Williams et viennent justement rappeler l’égocentrisme du personnage, la ou la seule prestation de Will Smith n’aurait pas suffi. Ses personnages viennent sans cesse rappeler que l’important ce n’est pas Richard Williams et son plan, l’important ce sont ses filles et le tennis. Une vision parfois portée par d’autres raisons, comme l’appât du gain pour Macci, mais qui vient toujours contrebalancer le poids de La Méthode Williams. En empêchant sa présence d’être étouffante, Reinaldo Marcus Green permet à son récit de respirer, d’être bien plus lisible. Peut être même trop.

En effet le film souffre de plusieurs problèmes de rythmes. Tout d’abord il détaille et développe de nombreuses intrigues dans sa deuxième partie, qui sont trop superficielles. En s’éparpillant partout, La Méthode Williams s’éloigne de son sujet principal, ce qui lui donne un sentiment de longueur artificiel et surtout non justifié. Et a contrario le film ne passe que de peu de temps sur certains thèmes qui pourraient donner une dimension très intéressante à l’œuvre, notamment sur les violences policières. En effet Richard Williams insiste sur le fait que ses filles doivent être des exemples pour toute la communauté afro-américaine, et pourtant une seule courte scène va se concentrer sur les violences policières. Elle est très intéressante et en quelques instants donne des idées pertinentes comme le fait que les violences ont toujours étaient là, seulement maintenant elles sont filmées. Cette séquence est la preuve qu’en un court instant La Méthode Williams peut exposer des idées intéressantes et qu’elle n’a pas besoin d’étendre au maximum ses intrigues, ce qui est pourtant son principal défaut.

Ils sont des légendes.

La Méthode Williams est un film biographique réussi, notamment car il réussit à s’éloigner de son personnage et même à le critiquer, à détruire sa figure d’un paternel parfait. En remettant en causes son ambition et son égocentrisme La Méthode Williams réussit à faire de Richard un vrai personnage de cinéma, aux faiblesses et aux failles intéressantes. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer qu’il est le protagoniste principal du film, non pas parce qu’il est le titre de l’œuvre, mais simplement car il est le personnage avec le développement le plus intéressant. Le troisième acte a beau être une étape importante de la vie de Venus, c’est pourtant bel et bien Richard qui livre ses plus grands combats. C’est quoi le cinéma biographique récemment ? De plus en plus de réalisateurs ont su comprendre la nécessité de faire des films sur les failles de leurs personnages, ce qui ne peut en rien entacher leur histoire incroyable. C’est notamment le cas du Steve Jobs de Danny Boyle ou plus récemment du sublime Le Mans 66 de James Mangold, un film biographique sportif qui réussit à transmettre tout l’amour et toute la passion que l’on peut ressentir devant un sport. La Méthode Williams est un film imparfait, mais a la photographie généreuse et aux personnages captivants. Jeu, Set et Match : pari réussi pour Reinaldo Marcus Green.

Note : 3.5 sur 5.

La Méthode Williams au cinéma le 01 décembre 2021.

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