Le 19 avril 2023, l’Union européenne secoue la lutte écologique menée par ses citoyens et se dote de sa nouvelle loi interdisant toute vente de produits issus de la déforestation. Pratiquement un an plus tard, Edouard Bergeon replace le désastre écologique au cœur de l’actualité à travers son thriller politique La Promesse verte, dénonçant un écocide ayant des conséquences tant sur l’environnement que sur les droits humains.
Piégé entre les quatre murs d’une prison indonésienne, Martin (interprété par Félix Moati) est accusé d’avoir tenté de revenir en France en possession de plusieurs kilos de cocaïne, ce qui est surprenant étant donnée son statut d’étudiant. Loin du monde de la drogue, l’étudiant en anthropologie, embauché dans une ONG en Asie du Sud-Est, partait en réalité pour récolter des données ethnographiques en vue de sa thèse sur la déforestation liée à l’exploitation d’huile de palme. Alors que son observation participante lui permettait de s’immerger au cœur des peuples autochtones et de rencontrer des militants activistes comme Nila (interprétée par Julie Chen), il est témoin d’une tuerie tragique et violente perpétrée par la milice locale contre ce peuple. Martin parvient à capturer chaque moment de tension avec son appareil photo, créant ainsi une preuve visuelle qui l’empêchera de quitter le territoire sous prétexte de détention de stupéfiants.
Second long-métrage engagé du réalisateur – le premier étant Au nom de la terre (2019) – inspiré à la suite de la raffinerie Total de la Mède en 2018, Edouard Bergeon dénonce une fois de plus un sujet politique à travers un drame. Cette fois-ci à l’échelle internationale plutôt que nationale, il nous emméne entre le continent asiatique et la métropole française. Présentée comme un « miracle écologique », la culture de l’huile de palme, principalement en Asie, est un réel désastre écologique. L’utilisation d’engrais chimiques ne cesse de croître et la déforestation est inhérente à la transformation de ces terres en palmeraies. Seulement, l’huile de palme est présente partout. Comme précisé dans le film, ce biocarburant, qui a pourtant un bilan carbone désastreux, touche à de multiples secteurs : dans l’alimentaire, tout comme dans la cosmétologie ou même l’énergie. Les plus puissants occidentaux, qui ne trouvent pas d’huile offrant un meilleur rendement que l’huile de palme, ne peuvent s’en passer. Au détriment de la planète, les exploitants génèrent une grosse partie du PIB de ces pays producteurs. Un marché qui arrange aussi bien les États occidentaux qu’asiatiques.
La Promesse verte insiste sur la puissance de ceux qui détiennent les plus grands capitaux économiques en mettant en avant les rapports de pouvoir. Le personnage d’Alexandra Lamy (d’ailleurs engagée dans la cause écologique), aux apparences simples – étant professeure en province – se retrouve à lutter contre la condamnation de son fils. Seule face à ce monde politique rempli de vices et d’hypocrisie, cette figure d’anti-héroïne permet à tous de s’y identifier. L’amour d’une mère et ses efforts solitaires ne suffisent pas à lutter contre le pouvoir et l’argent des plus puissants. Une évidence que le réalisateur met en lumière. Le combat d’un individu seul n’est réellement pris en compte que lorsqu’une action collective se met en place.
Edouard Bergeon tente de trouver le juste équilibre entre l’art et la politique. Il y dénonce les conséquences non seulement environnementales mais aussi celles qui touchent les droits humains : le cas de Marti, accusé à tort, et surtout une communauté chassée et tuée sur son lieu d’habitation. En faisant appel à plusieurs spécialistes de sciences politiques, lobbyistes ou encore diplomates, La Promesse verte s’ancre dans la réalité politique et demeure crédible, abordant des enjeux qui nous concernent tous. Néanmoins, malgré cet engagement important, le rythme assez lent et le jeu d’acteur qui laisse parfois à désirer peuvent, à certains moments, nous sortir complètement du film, envahissant la salle d’un profond ennui.
La Promesse verte de Edouard Bergeon, 2h04, avec Alexandra Lamy, Félix Moati, Sofian Khammes – Au cinéma le 27 mars 2024