Kaamelott est, sans trop m’avancer, la série française avec la plus solide communauté. De plus en plus appréciée depuis 2006, la série s’inspire de la légende arthurienne et fournit une perception décalée de la légende en présentant un roi Arthur qui peine à être à la hauteur de la tâche que les dieux lui ont confiée. Bordé de chevaliers de la Table ronde relativement incapables, confronté à la chute de l’Empire romain et aux perpétuelles incursions barbares, il doit encore trouver le Saint Graal. D’un programme court drolatique au départ, la série devient, à partir de la quatrième saison, on ne peut plus dramatique. Ainsi, après un Livre VI qui a divisé en 2009, un film s’est fait attendre et c’est presque 12 ans après qu’Alexandre Astier sort Kaamelott : Premier volet, premier chapitre d’une trilogie. Pourtant, là où les fans (ce que je ne suis pas, je n’ai jamais regardé la série) semblaient emballés par chaque image dévoilée, je suis resté complètement en dehors. Surtout lorsque la communication promotionnelle semble pourrie jusqu’à la moelle par des marketeux de mauvais goût. C’est sans grande surprise que ce Kaamelott : Premier volet frustre.
À la fin du Livre VI de Kaamelott, le roi Arthur, blasé et fragilisé, quittait son trône, rendait Excalibur au rocher et confiait le pouvoir à son ancien collègue et rival Lancelot du Lac. Sous l’influence de l’étrange Méléagant, Lancelot incendiait la Table Ronde et se mettait à pourchasser les anciens chevaliers et autres alliés d’Arthur. À l’aide du voyou Venec, Arthur s’exilait clandestinement jusqu’à son ancienne patrie, Rome, pour fuir à la folie de Lancelot et récupérer la santé. Dix ans plus tard, le royaume de Logres souffre toujours sous le joug de Lancelot, qui fait régner la terreur avec l’appui des sbires Saxons. La résistance tente de s’organiser, tandis qu’Arthur Pendragon, que beaucoup croient mort, fait son retour. La prémisse du « dix ans plus tard” est une décision compréhensible. D’un côté, elle permet de justifier le vieillissement des acteurs puisqu’au vue du culte de la série, il valait mieux éviter de faire un recast ou de jouer avec des effets de rajeunissement. De l’autre, elle permet à Alexandre Astier (aussi scénariste) de justifier certaines scènes d’exposition afin que les néophytes de la série puissent suivre le récit. Il le dit lui-même. C’est donc pour cela que je n’aurais aucun remord à parler de ce film, malgré le fait que celui-ci va certainement devenir un culte pour des fans hypnotisés par l’attente et la nostalgie. Mes excuses.
Le plus gros problème de Kaamelott : Premier volet est que ce n’est pas un film de cinéma, c’est une création télévisuelle. Un épisode spécial de la série qui, malgré tout le bien fiduciaire qu’il va faire au CNC (200 000 préventes pour les avant-premières du mardi soir), ne mérite en aucun cas la salle de cinéma tant l’essentiel du long-métrage ressemble à un produit TV assaini par la chaîne, comme pour faire des audiences. Les gros plans en champ-contrechamp se relayent maladroitement pour cacher le manque de décors. Ils sont quasi-inexistants, entre des châteaux médiévaux abandonnés et morts (dans le sens où hormis quelques ‘establishing shot’ vides de toute vivacité, ils ne brillent pas assez pour exister), des paysages rustiques classiques et des espaces de vie trop claustro/serrés, le long-métrage manque de moments de pauses. La contemplation n’est pas envisageable malgré l’utilisation d’une imposante Arri Alexa 65 en pilote automatique. Hormis quelques reflets solaires et jaunâtres, la lumière reste hasardeuse (“on pose la caméra là, on va faire l’étalonnage au montage”). Surtout que rien de tout ça n’a le temps de luire tant le montage fomenté d’Alexandre Astier s’épuise. Le prestigieux casting se fait couper toutes les deux secondes par des champs-contrechamps indigestes qui ne respectent que très rarement la règle élémentaire des 180°, les plans d’ensemble sont gâchés par une envie perpétuelle de rattacher le rythme de la musique à l’enchaînement des plans, les scènes parallèles s’oublient et se relayent sans forcément de sens (certains personnages avancent vers un objectif, on coupe vers une autre scène avec d’autres personnages, on revient sur le premier 30 minutes après l’avoir oublié).
N’étant pas familiarisé avec la série originale, je ne peux trop parler du scénario déstructuré et des personnages qui s’avèrent trop incompatibles et fonctions avec l’univers dramatique du long-métrage. Mais dans une analyse cohérente filmiquement parlant, je ne peux accepter que ce Kaamelott : Premier volet parvienne à convaincre les fans. Vous avez bien assurément le droit d’être heureux de retrouver votre série préférée, néanmoins, je ne peux concevoir la quantité d’éloges qu’obtient le film d’Alexandre Astier sur les réseaux sociaux. Ce premier volet est si convenu que le logo M6 en haut à droite me manquait au cinéma, pour être sûr et être rassuré. C’est un film malade, presque débraillé par un auteur abandonné entre l’envie de revenir dans son univers et l’envie de le fuir, c’est d’ailleurs l’un des thèmes de son récit (coïncidence ?). Le long-métrage existe, mais peut-être pas de la meilleure des façons. Vous êtes heureux, tant mieux pour vous. Cependant, le film reste et restera de la camelote.
Kaamelott : Premier volet au cinéma le 21 juillet 2021.