[CRITIQUE] Le monde de John – Un trou de temps

Le monde de John, le premier film de Pascual Sisto, s’inscrit parfaitement dans l’attente évoquée par son titre évocateur. Sous la plume de Nicolas Giácobone, co-scénariste de Birdman, le récit narre les péripéties d’un jeune garçon de douze ans, John (interprété par Charlie Shotwell), qui découvre un étrange trou dans le sol et y confine ses parents ainsi que sa sœur aînée pour une durée indéterminée. Dès le début, ses parents tentent de minimiser la situation en présentant ce trou comme un bunker, plutôt que comme une simple excavation. Au cours des quinze premières minutes du film, John se montre imperturbable, allant jusqu’à droguer le jardinier local, dépeignant un garçon obsédé par l’émancipation vers l’âge adulte.

Dans sa quête de maturité précoce, John adopte un mode de vie digne du film Maman, j’ai raté l’avion !, troquant ses facéties enfantines contre des activités quotidiennes d’adulte, comme la gestion de ses courses au supermarché. Il passe ainsi du fast-food au raffinement culinaire en préparant des risottos, évoluant seul dans une vaste demeure et défiant la mort avec son meilleur ami en simulant des noyades volontaires. Cependant, l’indépendance apparente de John reste superficielle, ses actes étant teintés de désinvolture et dénués de conséquences réelles. Il simule la voix de ses parents au téléphone, dispose d’une réserve financière sans limites à ses yeux, et ne connaît aucune véritable responsabilité. Ce dilemme réside peut-être dans son imitation artificielle de l’âge adulte à seulement douze ans. Malheureusement, le scénario n’offre guère de substance pour appuyer la performance de Shotwell, dépeignant un jeune psychopathe impassible face à la détresse de sa famille, absorbé par ses jeux vidéo.

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En tant que récit, le film semble naviguer entre allégorie et réalisme, abordant le thème de l’indépendance sous divers angles. Sisto tente d’explorer davantage cette trame en insérant un personnage secondaire, une jeune fille rousse, qui semble vivre dans une réalité alternative où elle entend l’histoire de John de la bouche de sa mère. Ces interludes, chargés d’une atmosphère inquiétante, ajoutent inutilement à la durée du film sans enrichir véritablement son propos. Malgré une volonté de creuser plus profondément dans cette histoire de confinement familial, le récit reste en surface, laissant le spectateur avec un sentiment d’insatisfaction.

Au fil des semaines, la nouvelle routine de John, dépourvue d’émotions, perd de son attrait. Il tente timidement d’interagir avec le jardinier et nourrit l’espoir d’une idylle avec la mère de son ami. Pourtant, ces rares moments d’émotion paraissent artificiels, faute d’un développement suffisant du personnage. John demeure insaisissable, dépourvu de toute empathie ou compréhension. Bien que tous les protagonistes n’aient pas nécessairement besoin d’être attachants, l’absence de motivation ou de profondeur dans les choix de John entrave son évolution tout au long du film. Malgré la mise en scène soignée et élégante de Sisto, Le monde de John manque de substance, échouant à captiver le spectateur en tant que comédie noire, faute de la touche d’humour nécessaire à son fonctionnement. Parfois, une allégorie gagnerait à demeurer sur le papier.

Le Monde de John de Pascual Sisto, 1h44, avec Charlie Shotwell, Michael C. Hall, Jennifer Ehle – En VOD le 6 avril 2022

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Un commentaire

  1. dufour Reply

    d abord fascinant ,la fin du film tombe à plat “comme une omelette du un carrelage ” tres décevant

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