[CRITIQUE] Dual – Un double pour ne faire qu’un

Après le triomphe critique indéniable de L’Art de l’autodéfense en 2019, toutes les attentions se sont tournées vers Riley Stearns pour découvrir quel sujet il explorerait ensuite, après avoir si adroitement disséqué la masculinité toxique dans son précédent long-métrage. Ce qui distingue particulièrement un film de Riley Stearns, c’est que même si le canevas narratif semble familier, l’issue demeure insaisissable, car son style satirique unique transforme ses idées de départ en récits singuliers, offrant à chaque fois une expérience cinématographique mémorable, inimitable par quiconque d’autre.

Ainsi, bien que son dernier opus évoque le récit de Swan Song porté à l’écran par Mahershala Ali l’année précédente, Stearns imprime une tournure inattendue à son récit, en altérant l’évolution du personnage de Sarah : après un rétablissement miraculeux, Sarah découvre qu’elle ne peut coexister pacifiquement avec son clone. Conformément à la loi, elles doivent donc s’affronter jusqu’à la mort pour déterminer qui mérite de subsister en tant que véritable Sarah. Cette notion, empreinte de passion, confère à Dual une entame dynamique. Malheureusement, malgré l’interprétation remarquable de Karen Gillan dans le rôle principal et une construction de l’univers fictionnel soignée, toutes les pièces ne s’emboîtent pas aussi harmonieusement que dans les œuvres précédentes de Stearns, et une conclusion fade laisse une impression d’inachevé.

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Nul ne peut nier la créativité qui émane des films de Riley Stearns, et le long-métrage ne fait pas exception. La situation dans laquelle il place Sarah est à la fois intrigante et imaginative. On est vite captivé par les enjeux des affrontements entre humains et clones, approuvés par les autorités, ainsi que par les répercussions de procédés novateurs tels que le clonage sur les relations interpersonnelles. Si un proche préférait votre clone, comment réagiriez-vous ? Stearns plonge avec audace dans cette tension, nous confrontant à l’inconfort de ces questionnements avec un humour sec et caustique. En outre, une critique sociale subtile sur la fascination pour la violence télévisée est esquissée, bien que son traitement laisse à désirer, constituant ainsi un défaut majeur dans l’ensemble de Dual. Si Stearns excelle dans l’analyse de la psyché de Sarah et de ses interactions personnelles, ses réflexions sur des thèmes plus vastes ne sont pas aussi abouties, en témoigne notamment une conclusion peu convaincante, se clôturant dans les larmes plutôt que dans l’éclat.

Malgré les maladresses du scénario, Gillan incarne avec brio ce rôle principal dans cette aventure sombrement plaisante, parfaitement en phase avec le ton humoristique de Stearns. Elle parvient à distinguer Sarah de son clone tout en livrant des dialogues ciselés avec une même efficacité. Si certains peuvent lui reprocher une certaine distance émotionnelle, les habitués des films de Stearns apprécieront sa performance précise et émotionnelle, tandis que sa transformation physique en vue du duel est tout aussi crédible. Quant à Aaron Paul, il marque de son empreinte le casting, incarne avec brio le personnage de Trent, l’entraîneur de Sarah, rivalisant presque avec le Sensei d’Alessandro Nivola dans L’Art de l’autodéfense. Leur dynamique à l’écran est captivante, révélant toute la force de présence de Paul, regrettée à chaque fois qu’il s’efface.

Malgré son incapacité à égaler le succès de L’Art de l’autodéfense et son récit socialement pertinent et intellectuellement stimulant, Dual offre un divertissement satisfaisant, porté par la réalisation habile de Stearns qui insuffle une énergie captivante à presque chaque instant. Il est regrettable que le film pèche autant lors de son apogée, ternissant quelque peu son ensemble, mais cela n’altère en rien le travail admirable de Stearns ni l’engagement convaincant de Karen Gillan dans son rôle principal.

Dual de Riley Stearns, 1h34, avec Karen Gillan, Aaron Paul, Beulah Koale – Au cinéma le 17 novembre 2022

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