[CRITIQUE] Bardo, fausse chronique de quelques vérités – Un voyage décevant

Tout juste sorti sur la plateforme Netflix, Bardo est un film très personnel pour Alejandro González Iñárritu. Un documentariste et photographe mexicain cherche ses origines, confrontés à ses souvenirs, les relations familiales et le pays dans ses réalités les plus confondantes. Il faut peu de temps avant de remarquer que le réalisateur s’inspire très clairement du cinéma de Federico Fellini, qui se plaît justement à déconstruire la psychologie de ses personnages, et les environnements dans lesquels ils se situent. Surtout, il s’en sert ici pour évoquer ses ressentis au quotidien, et la réalité du pays.

Cette référence appuyée à 8 ½ (1963) en début de film décrit déjà le voyage auquel Iñárritu nous convie, une élévation sur la réalité d’un pays, l’émotion d’un artiste qui ne sait plus trouver ses repères ni comprendre la nation constituant une grande part de son œuvre et son histoire. Seulement, jamais Bardo ne semble se défaire de ses références, se constituant principalement de séquences enchaînées sans tout le temps être en raccord dans ce qu’elles décrivent. Cela est dommage puisque le film contient de belles scènes à juste titre, en particulier dans la dernière partie, lorsque le personnage rencontre ses origines en restant au contact de sa famille.  

La photographie de Darius Khondji convainc par moments mais les scènes de nuit ne sont pas particulièrement immersives, et les éléments sur lesquels le spectateur doit s’attarder ne sont pas franchement mis en valeur. Cependant, celui-ci donne beaucoup de valeur aux contrastes de jour, la réalisation d’Iñarritu aidant par ses plans-séquence dans les pièces, et longs travellings en extérieur. On ne peut pas non plus dire que tout cela est désincarné, Daniel Giménez Cacho interprétant très bien son personnage, affirmant ses convictions avec beaucoup de finesse.

Cela manque simplement de continuité, surtout que l’on n’en sait pas forcément davantage sur le personnage principal en fin de long-métrage. Le film s’épuise un peu sur la durée, à multiplier les passages de rencontres entre personnages, visites de lieux, alors qu’il aurait pu justement se pencher davantage sur les souvenirs du documentariste. En l’occurrence, les passages de repos contrastent un peu trop avec le reste du film, un faux rythme se met en place mais sans jamais développer une idée précise. Dommage puisque dramatiquement, les problématiques manquent quelque peu d’envergure. Roma (2018) était bien plus fort dans ce registre, plus de place à la contemplation, l’errance.

Les thèmes chers au cinéma d’Iñarritu restent très présents, évoquant une série d’évènements aléatoires donnant lieu à de la vie, le sentiment de perdition, le refus de l’étranger au sein du pays. Cela est plutôt bien retranscrit dans le film, même si l’impression d’assister à un best of de son cinéma est présente, en particulier concernant Birdman (2014). C’est un peu moins fort qu’habituellement de sa part, sans que cela soit non plus mauvais en quoi que ce soit, malgré de grandes maladresses à vouloir intégrer (encore) l’illégitimité des critiques à remettre en cause l’art.

Ressassant trop les mêmes choses, Iñarritu réalise un film ambitieux mais vain sur le fond, n’exploitant jamais assez ce qu’il tente de développer. On peut déjà parler d’un échec commercial au regard de la promotion inexistante du film sur Netflix, et en même temps, on ne saurait vraiment comment inciter les spectateurs à visionner cet objet cinématographique étrange. Entre Buñuel, Fellini et Malick par moments, Bardo ne parvient pas à se construire une propre identité. Et cela est bien dommage, le cinéaste mexicain nous avait habitué à mieux en disposant de sa patte artistique atypique.

Note : 3 sur 5.

Bardo, fausse chronique de quelques vérités sur Netflix le 16 décembre 2022.

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