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[CRITIQUE] Anything For Jackson – Faire peur les vieux

Le chagrin, le satanisme et la magie noire se déploient en une sinistre trame dans Anything For Jackson, ce film d’horreur canadien mettant en scène deux grands-parents prêts à tout pour ramener leur petit-fils à la vie. L’idée est d’une fraîcheur surprenante : Audrey (Sheila McCarthy) et le Dr Henry Walsh (Julian Richings), un couple de personnes âgées en deuil, kidnappent Shannon Becker (Konstantina Mantelos), enceinte, dans l’intention d’inviter l’esprit de leur regretté petit-fils dans l’enfant à naître. Ils ont isolé et insonorisé la chambre du sous-sol, installé une caméra de surveillance pour la surveiller, et élaboré un plan minutieux pour éviter que la police ne vienne contrecarrer leurs desseins.

Comme c’est souvent le cas avec les meilleures intentions, un imprévu survient : Henry se trouve pris dans un mensonge lors de son interrogatoire par le détective Bellows (Lanette Ware), et surtout, les satanistes qu’ils ont impliqués se révèlent être une source de problèmes lorsque vient le moment d’effectuer l’invocation. Soudain, les portes du purgatoire s’ouvrent en grand, laissant émerger des spectres menaçants avides de retrouver le monde des vivants. Le réalisateur Justin G. Dyck parvient à créer une atmosphère véritablement angoissante, notamment grâce à la conception des apparitions. Anything For Jackson se distingue par ses effets spéciaux, utilisant judicieusement une palette de couleurs froides bleu-gris, des sons percutants et une variété de spectres menaçants pour instaurer une tension permanente.

Copyright 2018 splendid film GmbH

L’un des personnages les plus mémorables du film est sans conteste le Fantôme Étouffant incarné par Troy James. Apparaissant pour la première fois alors qu’il émerge du lit de Shannon, la tête du fantôme enveloppée dans un sac plastique (d’où son surnom), il se déplace tel un crabes, créant une atmosphère d’horreur saisissante. Cette créature effrayante illustre parfaitement l’alliance harmonieuse entre performance physique et effets spéciaux : sa tête et ses membres s’articulent de manière anormale tandis qu’il siffle et bondit dans la pièce. C’est une présence terrifiante utilisée avec intelligence.

Lorsque le film se concentre sur la relation peu conventionnelle qui se noue entre Audrey, Henry et leur otage, il offre un drame captivant, ponctué de frissons et de moments d’humour inattendus. Cependant, quelque part au cours du deuxième acte, le récit semble perdre un peu le fil de son intrigue. Alors qu’Audrey et Henry luttent pour maîtriser les spectres qui envahissent leur domicile, ils se tournent vers leur complice sataniste Ian (Josh Cruddas) pour obtenir de l’aide. Or, ce personnage, introduit de manière marginale au début du film lors d’une réunion « ecclésiastique » (entendez : sataniste) au centre communautaire local, peine à s’intégrer pleinement à l’histoire. Le manque de développement de ce personnage clé, malgré son rôle crucial dans la seconde moitié du récit, constitue un point faible du scénario de Keith Cooper, entraînant une légère dérive narrative. La montée en intensité de l’action et l’accumulation des péripéties relèguent progressivement au second plan l’intimité du premier acte, au détriment de nos protagonistes âgés, déplacés de leur position centrale dans l’histoire vers sa périphérie.

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Il est dommage que McCarthy et Richings, malgré leur talent indéniable, semblent perdre un peu de leur éclat dans la seconde moitié du film. Leur interprétation remarquable de deux individus ayant commis un acte épouvantable par amour et désespoir est pourtant indéniable. Audrey et Henry ne sont pas de simples antagonistes : ils sont des protagonistes complexes, faisant preuve d’une compétence redoutable dans l’organisation minutieuse de leur plan. Cette densité de caractère, souvent rare dans ce type de rôles, aurait mérité d’être davantage explorée.

En dépit de cette légère perte de cap dans sa seconde moitié, Anything For Jackson représente une incursion inattendue, mais réussie, dans le monde de l’horreur, notamment grâce à son traitement original de l’exorcisme et de la possession. Bien que le film puisse satisfaire les spectateurs en quête d’un dénouement plus conventionnel dans son dernier acte, il n’en oublie pas pour autant ce qui en fait sa force initiale : la relation complexe entre Audrey, Henry et leur quête désespérée de rédemption.

Anything For Jackson de Justin G. Dyck, 1h37, avec Sheila McCarthy, Julian Richings, Konstantina Mantelos – En VOD le 13 avril 2022