[RETROSPECTIVE] Mission : Impossible – Fallout – Vers les étoiles

Il s’en est passé des choses du côté des blockbusters américains depuis Rogue Nation – Star Wars a rallumé les sabres-laser, Thanos a claqué des doigts, Batman et Superman se sont bastonnés – et pourtant : jamais la sortie de deux épisodes de Mission : Impossible ne fut aussi rapprochée. Dans ce contexte de surproduction et de courses à la sensation forte, Fallout s’impose et tire le monde du grand spectacle cinématographique vers le haut.

L’on pourrait s’en tenir à son titre, résumant la position de ce sixième volet. Dans la langue de Shakespeare, « fallout » renvoie autant à la retombée de particules radioactives après une explosion nucléaire, sous forme de poussière, qu’aux conséquences négatives d’une situation. Dans les deux cas, la saga Mission : Impossible s’y retrouve. À la fois car ce bon vieux Ethan Hunt veille à contrecarrer une menace atomique, mais également car ce chapitre est celui des répercussions, des suites. Preuve en est : Christopher McQuarrie conserve son poste de réalisateur, une première pour la franchise qui s’était plu, jusque-là, à passer entre les mains de cinéastes différents. Fallout s’inscrit donc dans le prolongement du précédent Rogue Nation, mais pas seulement. Cet épisode se veut conséquence de tout ce qui fait la franchise, moins hommage que florilège de ses plus belles trouvailles, de ses instants de grâce, de sa maestria de l’action. Le film repasse alors par les séquences vertigineuses de Ghost Protocol, renoue avec l’action sèche de Rogue Nation et le drame larmoyant de Mission : Impossible 3, sans oublier de citer ses prémices sous la caméra maligne de Brian De Palma, lequel établissait le regard comme l’arme la plus puissante d’un espion. Mais l’ingéniosité dramatique de ce sixième opus ne se trouve pas dans sa capacité à s’approprier le travail d’autrui. Elle se remarque plutôt dans la façon habile, quasi-ludique, avec laquelle le blockbuster fait converger logiquement l’ensemble de ses références en une seule et même mission épique. En résulte un spectacle gargantuesque (pour deux heures et demie de bobine), presque méta (il semble par instant planter les jalons de Top Gun : Maverick) et frénétique, n’accordant aucun temps mort à son spectateur, encore moins à ses (super-)héros.

En direction du sommet.

Au fil des années et des épisodes, les intentions de la franchise se sont spécifiées, pour ne pas dire radicalisées. D’abord par souci d’acclimatation (entre le débarquement massif des Avengers et les frasques d’un autre espion du cinéma, lui britannique et collectionneur de femmes), puis pour répondre aux fantasmes de son acteur-mascotte. En effet, le Tom Cruise de Fallout n’est plus le Tom Cruise du premier Mission : Impossible. La belle gueule hollywoodienne qui tournait pour Paul Thomas Anderson et Stanley Kubrick a été remplacée par le cascadeur. Et nulle autre saga d’action ne s’est autant pliée aux exigences masochistes de la vedette, qualifiée d’increvable (à raison) au vu des pirouettes exécutées. Mais Cruise n’est pas (encore) un tortionnaire qui forcerait la production d’un film pour le simple désir de se mettre en danger : il s’accorde, de paire avec McQuarrie, pour faire de Mission : Impossible la plus insensée des récréations, combinant belles cascades et scénario haletant, sauts désespérés dans le vide et mise en scène immersive. Fallout compile de facto les scènes d’anthologie, d’une bagarre brutale dans les toilettes à un plan-séquence dans le ciel de Paris. Mieux encore, le visage vieilli (dans une moindre mesure) de l’acteur replace ingénieusement la variable humaine au cœur de la pyrotechnie, rappelant que derrière ces acrobaties démentielles se cache bel et bien un homme, une âme mortelle. L’empathie, comme l’exaltation de voir ce corps réel s’envoler, n’en sont que renforcées. Et si Cruise est toujours aussi fringant et inconsciemment drôle, les nouveaux venus ne sont pas en reste. Henry « Superman » Cavill et Vanessa Kirby participent activement à la réussite de cette suite ambitieuse, au cours de laquelle la saga confirme son titre de reine du divertissement et se convertit, bien plus que les précédentes, aux codes du programme sériel. Une forme de retour aux sources.

Mission : Impossible – Fallout de Christopher McQuarrie, 2h28, avec Tom Cruise, Henry Cavill, Rebecca Ferguson – Sorti le 1 aout 2018.

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