[RETROSPECTIVE] Mission: Impossible – Rogue Nation – Fière allure

Tom Cruise confie les rênes du cinquième opus de la saga Mission : Impossible à Christopher McQuarrie, un collaborateur de longue date qui a écrit quelques films le mettant en vedette (Walkyrie, Edge of Tomorrow) et l’a dirigé dans Jack Reacher. Le réalisateur américain est déjà familier avec les codes de la franchise, il a participé aux réécritures du précédent volet. L’IMF (Impossible Mission Force) est dissoute à la suite des évènements de Protocole Fantôme, Ethan Hunt (Tom Cruise) et son équipe opèrent clandestinement pour prouver l’existence du syndicat, une organisation terroriste regroupant d’anciens espions.  

Les précédents antagonistes de la saga offrirent des affrontements spectaculaires et distincts à chaque épisode et le syndicat était lui aussi très prometteur. L’IMF est cette fois aux prises avec des agents secrets dissidents (comme dans Mission Impossible 2 où l’antagoniste utilise des masques à l’effigie d’Ethan Hunt) mais les capacités communes des deux organisations ne sont ici pas prises en compte dans la conception des scènes d’action. Solomon Lane (Sean Harris), qui dirige le syndicat, ne se distingue pas non plus en poursuivant des objectifs très originaux, il est ici question de commettre des attentats terroristes pour renverser l’ordre mondial et de récupérer une importante somme d’argent pour assurer la pérennité de l’organisation. Le syndicat consiste davantage en un concept, le pendant négatif de l’IMF (idée souvent surlignée dans les dialogues) contre qui se débat Ethan Hunt qui se distingue par ses bonnes intentions et son sens moral. Ce dernier ne pouvait toutefois pas se satisfaire d’un seul adversaire et doit également lutter contre le gouvernement américain qui le traque pour l’empêcher d’agir et les services secrets britanniques qui cherchent à dissimuler leurs erreurs passées. Face à ces trois adversaires, Ethan Hunt est plus que jamais l’homme providentiel, déterminé à prouver que sa réussite ne tient en aucun lieu d’un coup de chance comme il est parfois suggéré à la lecture des événements de la fin de Protocole Fantôme.

© Paramount Pictures France

Durant la scène d’introduction, alors que l’équipe est dépassée, la technologie impuissante, il surgit de nulle part pour démêler la situation avec une prouesse physique hors du commun en s’agrippant et en montant à bord d’un avion en plein décollage. Décorrélée du reste de l’intrigue, cette scène se justifie uniquement pour le spectacle qu’elle propose, une cascade exceptionnelle à la gloire d’Ethan Hunt (et de son interprète). Sa réussite ne s’établit pas que sur le plan physique. Solomon Lane, antagoniste cérébral qui a toujours un coup d’avance sur l’IMF, est battu à son propre jeu et défait sur le plan intellectuel. Le triomphe d’Ethan Hunt est d’autant plus éclatant qu’il surpasse un adversaire avec qui il partage des compétences similaires, contrairement au trafiquant d’arme de Mission : Impossible 3 ou au terroriste de Protocole Fantôme. Enfin, l’espion américain se distingue en étant particulièrement vertueux, il ne réclame pas de louanges, agit pour sauver ses amis et ne fuit pas son devoir quand il en a l’occasion en refusant la proposition romantique d’Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), espionne britannique nouvelle venue dans la franchise.

L’aura d’Ethan Hunt (et de son interprète) sont intégrés dans la narration du film et les dialogues à plusieurs reprises, Hunley (Alec Baldwin), le directeur de la CIA, le décrit comme « la manifestation vivante du destin », ses capacités sont connues des autres membres de l’équipe et jamais remises en doute. Il atteint même le statut de légende, une jeune employée de l’IMF peine à croire qu’il se tient devant elle. Les personnages secondaires sont souvent spectateurs des prouesses de Tom Cruise, une dynamique récurrente dans la dernière partie de carrière de l’acteur, les jeunes pilotes de Top Gun : Maverick admirent même ses performances à travers un écran.

© Paramount Pictures France

La promesse de la saga Mission : Impossible de proposer une vision singulière du film d’espionnage à chacun de ses épisodes n’est pas tenue dans ce cinquième volet. Réalisateur et auteur du scénario, Christopher McQuarrie délivre un film d’action solide, mais beaucoup moins affirmé dans son style que ses prédécesseurs. Rogue Nation peine aussi à se distinguer des précédents opus en rejouant des péripéties et schémas narratifs bien connus de la saga — infiltration et récupération d’un document dans une salle ultra-sécurisée, équipe désavouée et traquée par le gouvernement, collaboration contrainte avec l’antagoniste — autant de situations déjà mises en scène dans le premier volet.

Ce cinquième opus tire cependant son épingle du jeu dans la conception des scènes d’action qui tirent une nouvelle fois profit des talents de cascadeur de Tom Cruise. La séquence de course poursuite au Maroc peut ainsi être tournée en décor naturel et enchainer les longs plans sur Ethan Hunt qui pilote sa moto à toute vitesse, des options de mise en scène rares dans le cinéma américain qui agencent un spectacle très impressionnant. Le climax est aussi très surprenant en ne misant pas sur une surenchère de spectaculaire, mais en resserrant son cadre à une échelle plus personnelle. Ethan Hunt confronte enfin Solomon Lane dans un duel se concluant par une ruse qui semble presque anachronique dans le paysage des blockbusters contemporains. Une conclusion bienvenue dans une saga qui a souvent privilégié l’action à l’esquive et à la finesse pourtant chères aux films d’espionnage. La dynamique d’équipe est cependant moins réussie. Rogue Nation ne parvient pas à répliquer l’inventivité des scènes d’action du précédent volet où chaque membre de l’équipe, aidés de gadgets ou d’accessoires fantaisistes, participaient activement à la mission dans des séquences ludiques et originales.

Rogue nation entretient l’ambition de la saga de porte-drapeau du cinéma d’action « à l’ancienne », tourné en décor naturel et reposant sur des cascades toujours plus impressionnantes face aux paysages et champs de bataille numérisés des blockbusters contemporains. La franchise a cependant trouvé sa formule et cet opus se retrouve alors moins surprenant et audacieux que ses prédécesseurs.

Mission : Impossible – Rogue Nation de Christopher McQuarrie, 2h12, avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg – Sorti au cinéma le 12 aout 2015.

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