[RETOUR SUR..] Foul King – J’ai rencontré le catch

Kim Jee-Woon, le cinéaste sud-coréen éminent reconnu pour ses œuvres soigneusement élaborées et d’une intensité saisissante, nous présente une création inattendue en Foul King, une fusion surprenante de comédie et de drame immergée dans l’univers du catch. À travers le personnage de Dae-ho, incarné par Song Kang-ho, le film explore les thèmes de la crise de la quarantaine, de la quête identitaire et de la lutte contre l’oppression au sein du monde professionnel.

Le récit s’inaugure en présentant Dae-ho, un employé bancal et effacé, incessamment humilié par son supérieur. Cette mise en scène établit un contexte de frustration et d’oppression au travail, jetant ainsi les fondations de la quête de transformation de Dae-ho. Figure emblématique du perdant conventionnel, il émerge comme notre protagoniste, un individu en quête d’identité dans un monde où il se sent étranger. Son aspiration à échapper à l’emprise de son supérieur devient le déclencheur de sa métamorphose, inaugurant ainsi son intérêt pour le catch en tant que moyen de reprendre le contrôle de sa vie. Le film dévie des sentiers conventionnels en choisissant ce sport comme toile de fond pour explorer les problèmes sociaux, évoquant l’esprit des comédies noires de son réalisateur, rappelant des œuvres telles que The Quiet Family. Le cinéaste, avec son humour noir distinctif, introduit une dimension socio-critique tout en préservant une tonalité comique. La clé de tête, instrument de l’oppression patronale sur Dae-ho, se transforme en une métaphore visuelle de l’asservissement professionnel, créant une dynamique absurde où l’humour se mêle au message social. Il démontre ainsi son habileté à manier des éléments comiques pour aborder des questions sérieuses.

Le développement du personnage de Dae-ho s’incarne de manière remarquable grâce à l’interprétation nuancée de Song Kang-ho, offrant une performance qui évolue en tandem avec la dualité de son personnage. Dae-ho puise sa force et sa confiance en devenant le “Foul King” sur le ring, une transformation qui transcende le simple divertissement sportif. Le masque du “Foul King” se profile en métaphore de la façade nécessaire que Dae-ho doit adopter pour surmonter ses inhibitions, quelque chose de très commun dans la discipline et qu’on a pu aborder lors de la sortie récente de Cassandro. Cette dualité confère une dimension poignante à l’intrigue, mettant en exergue la complexité du processus de découverte de soi. Jee-Woon navigue avec adresse entre l’humour absurde et une ambiance générale sereine, créant un contraste frappant qui caractérise son style distinctif. Les situations burlesques, telles que le patron prenant Dae-ho en headlock, se juxtaposent à la quiétude du reste du film, rappelant l’esthétique de Takeshi Kitano.

© The Jokers Films

Bien que centré sur le catch, le film transcende le cadre sportif pour devenir une métaphore de la vie quotidienne. Le parcours de Dae-ho, de la timidité à la confiance en soi, illustre le concept universel de la quête de sens et de l’accomplissement personnel. Le catch devient ainsi un moyen pour Dae-ho de se libérer des contraintes de son existence, représentant une métaphore poétique de la capacité de chacun à surmonter ses luttes intérieures. L’esthétique cinématographique de Kim Jee-Woon, bien que discrète, atteste de son talent artistique. La composition visuelle reflète l’ennui et le vide intérieur de Dae-ho, créant une atmosphère morne qui évolue avec son développement personnel. Malgré la maîtrise technique, quelques failles narratives, telles que la relation de Dae-ho avec son père, nous laissent sur notre faim, soulignant les zones d’ombre dans le récit.

Or, encore une fois, le socle de l’œuvre est la prestation hallucinante du comédien principal. Sa capacité à incarner un personnage à la fois pathétique et attachant contribue au succès du film. Les scènes de catch, où il réalise ses propres cascades, mettent en lumière son engagement physique et émotionnel dans le rôle. Malgré la présence de certains personnages stéréotypés, l’humour absurde du film est amplifié par le talent de l’ensemble du casting. Bien que le film explore le monde du catch, il ne parvient pas à apporter quelque chose de véritablement inédit aux passionnés de ce sport. Cependant, la sincérité avec laquelle Kim Jee-Woon aborde le thème de la quête de soi et la manière dont il intègre son style distinctif et son humour noir ajoutent une nouvelle dimension au récit. La conclusion réaliste et nuancée refuse de succomber à la voie du happy end hollywoodien, soulignant la détermination du réalisateur à maintenir une approche authentique.

Foul King de Kim Jee-Woon, 1h56, avec Song Kang-Ho, Goo Shin, Jin-Young Jang – Ressortie au cinéma le 15 novembre 2023.

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