[CRITIQUE] Wonka – À ne pas confondre avec le réalisateur d’In the Mood for Love

Ce n’est pas la première fois que l’univers de Charlie et la Chocolaterie est adapté au cinéma. Il y a bien sûr eu la version de 1971 par Mel Stuart, dans laquelle le chocolatier extravagant est interprété par Gene Wilder, mais également une seconde en 2005 par Tim Burton. Dans cette seconde version, Willy Wonka est interprété par Johnny Depp ce qui donne une aura bien plus mystérieuse au personnage. Dans le cadre de cet article je ne m’attarderais que peu sur la troisième adaptation (oui elle existe) qui est une parodie avec Tom et Jerry. Les versions de Stuart et Burton ont rendu cet univers particulièrement populaire pour différentes générations, il n’était donc qu’une question de temps avant qu’un nouveau long-métrage arrive. C’est notamment le cas avec Wonka qui n’adapte non pas la suite, Charlie et le Grand Ascenseur de Verre, un roman situé dans l’espace, mais plutôt un préquel centré sur Willy Wonka. Le projet initial en dit ainsi beaucoup sur comment l’œuvre de Roald Dahl est représenté : Wonka est un personnage bien plus intéressant que Charlie, et c’est sur lui que se construit ce nouveau long-métrage.

Ce nouveau film est réalisé par Paul King, réalisateur de comédies britanniques derrière les deux films Paddington. Il choisit de montrer l’origin story de Wonka, jeune inventeur qui souhaite devenir un grand artisan chocolatier, interprété cette fois-ci par Timothée Chalamet. Maintenant que les présentations sont faites, demandons-nous à quoi ressemble vraiment le film ? Wonka réussit l’exploit de parfaitement adapter l’œuvre de Dahl en s’appuyant sur trois aspects principaux. Premièrement, King reprend parfaitement « l’esthétique Roald Dahl », tout comme Wes Anderson récemment sur Netflix, et crée donc une capitale mondiale du chocolat à la croisée des grandes villes européennes. La galerie marchande, plutôt gourmande, est largement inspirée du Grand Palais à Paris tandis que la cathédrale abritant une cuve remplie de chocolat laisse bien plus penser à l’architecture italienne. Certains noms sont des références à des familles autrichiennes ce qui fait de cette ville une cité impossible à situer dans l’espace et dans le temps également, aucun repère politique ou technologique n’est mentionné. Paul King, et son scénariste Simon Farnaby, adaptent parfaitement l’atmosphère du roman original, en y apportant leur touche personnelle : la comédie.

© Warner Bros

C’est le second point que King réussit à adapter avec brio : l’humour du livre original. C’est d’ailleurs ce qui fait toute la réussite de ses précédents films : il crée des personnages attachants et instaure une dynamique humoristique dans le groupe. Il reprend la même formule ici avec des acteurs de comédies ayant une large place : Keegan-Michael Key, Rowan Atkinson et Hugh Grant. Les running gags marchent merveilleusement bien tandis que les aspects apportés par King et Farnaby s’intègrent à l’univers sans problème : moines accrocs au chocolat, cartel ayant le monopole du chocolat ou encore braquage d’une cathédrale à l’aide d’une girafe. L’univers farfelu ne semble jamais ridicule et reste au contraire drôle et surprenant durant les trois actes du film. Même le syndrome du « tout le monde se connaît » ou les facilités scénaristiques (un personnage tape de rage dans un mur et trouve une cachette secrète ?) ne viennent jamais rompre l’enchantement qui émane du film. Le contrat avec le spectateur est respecté de bout en bout. Paul King va même plus loin dans sa volonté d’adapter l’ambiance du livre de Roald Dahl. En effet, dans ce dernier les Oompa Loompa dansent et chantent à de nombreuses reprises (pour ne pas dire TOUT LE TEMPS) et donc Paul King a décidé d’adapter également cet aspect-là. J’ai oublié de vous dire que troisièmement, Wonka est une comédie musicale.

J’adore les comédies musicales (mon film préféré est d’ailleurs Singin’ In The Rain) donc j’étais forcément ravi d’apprendre que Wonka allait être truffé de chansons (une dizaine au total) et dans le même temps inquiet. L’un des aspects importants des comédies musicales ce sont bien évidemment les interprètes et autant dire qu’avec Timothée Chalemet j’étais pour le moins circonspect. Pourtant le jeune acteur déjoue toutes mes attentes et je dois bien avouer qu’il est parfait dans ce rôle. Les musiques réussissent à faire de son personnage une version tout à fait unique, à la croisée de ce que pouvait être le personnage de Depp (notamment avec la chanson « A Hatful of Dreams ») et celui de Wilder (avec l’extravagante « A World of your Own »). Le montage et les chorégraphies font de tous les instants musicaux de vraies petites merveilles, agréables à écouter, qui font avancer le récit et construisent, paroles après paroles, le personnage de Wonka. L’humour laisse place dans les dernières musiques à des facettes bien plus émouvantes, Chalamet impressionne par sa maitrise du rôle et donne un second souffle à un personnage souvent résumé à des extravagances gourmandes. Je vous conseille la musique « Pure Imagination » qui représente parfaitement ce que Chalamet vient apporter à Wonka.

© Warner Bros

C’est quoi le cinéma de Paul King ? Avec Wonka le réalisateur s’impose définitivement comme le roi des films familiaux de fin d’année. Le cinéaste a su imposer une patte comique et musicale qui s’adapte parfaitement aux personnages de Roald Dahl, et qui ne peut que nous faire espérer le meilleur pour son film biographique sur Fred Astaire, actuellement en développement. À travers Wonka, King démontre donc que l’on peut adapter une œuvre en transposant son atmosphère à l’écran, sans en reprendre l’intrigue exacte. Alors oui certains raccords avec Charlie et la Chocolaterie sont brouillons, on pourrait même parler de fan-service dans les quinze dernières minutes, mais tout est pardonné par la générosité de Wonka.

Wonka de Paul King, 1h57, avec Timothée Chalamet, Calah Lane, Keegan-Michael Key – Au cinéma le 13 décembre 2023

5/10
Note de l'équipe
  • Enzo Durand
    7/10 Bien
  • Louan Nivesse
    3/10 Simple comme nul
    L’étrange sensation de voir le Chapelier Fou de Depp déambuler parmi les animaux de Dolittle et une imitation ratée de Paddington. Au fait, je préfère revoir chaque année l'adaptation de Burton car, même si Augustus Gloop, il vaut bien mieux que ce bouchon de dentifrice déformé.
  • JACK
    6/10 Satisfaisant
    Wonka ne fait pas dans la finesse, au point de perdre de vue son sujet : Paul King profite bien de l'excentricité du personnage éponyme pour multiplier les scènes comiques et dansées, mais ne filme jamais l'artisan à l'œuvre. De belles couleurs, tout de même.
  • Cécile Forbras
    4/10 Passable
    Déception pour Wonka qui ne me laisse qu'un goût amer en bouche. Etant très attachée à la version de Tim Burton, le côté merveilleux qui fonctionne si bien sur Paddington n'a pas le même effet sur moi ici. La psycho-rigidité du personnage de Willy Wonka est totalement évincée alors que c'est cela qui fait la complexité du personnage. Je n'adhère absolument pas à la proposition de Paul King de rendre cet univers rose et naïf alors qu'il est beaucoup plus intriguant lorsqu'il est glauque, et traité avec une "inquiétante étrangeté" (au sens freudien du terme). Cependant, dire que je n'ai pas passé un bon moment serait mentir.
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