[CRITIQUE] Un Monde – Violence scolaire

Le premier long-métrage de Laura Wandel traite d’un sujet des plus scabreux au cinéma, le harcèlement scolaire. Alors que Nora s’apprête à entrer en primaire, elle est témoin des railleries dont fait l’objet son frère, hésitant à en faire part à son père sous peine que son frère lui en veuille. Caméra à l’épaule, la réalisatrice belge propose une expérience sous tension permanente, à la fois exigeante dans la forme et éprouvante sur le propos.

La mise en scène se conjugue ici très bien avec ce qui y est raconté, puisqu’on y suivra en perspective unique le parcours de Nora, traversant la cour de l’école, à la recherche de son frère ou de ses amies pour ne pas se retrouver seule. Nous spectateurs découvrons ainsi au même rythme que le personnage, ce monde scolaire et sa violence sociale. C’est un des points majeurs du film, alors qu’il s’agit de situations les plus communes pour toute école, les situations représentées sont impactantes tant le point de vue est concentré sur celui d’un enfant. Choisissant souvent l’hors-champ, la réalisatrice illustre tout à fait bien la perdition de Nora, qui ne sait prendre ses repères, à qui se confier, ni concentrer son regard au vu de ce qu’il se passe autour d’elle. Il faut dire que la performance des jeunes acteurs est impressionnante, il y a une alchimie entre Maya Vanderbeque et Günter Duret intéressante, conciliant attachement et rejet à l’occasion de scènes très touchantes du film. Les deux personnages interprétés réagissent systématiquement à la mécanique du harcèlement, la sœur rejetant le frère puisque lui faisant honte devant ses amies, et le frère ne souhaitant plus lui parler en raison du manque de soutien. Pourtant, et d’autant plus à la fin du long-métrage, ils restent indissociables et forment une unité sociale, ce qui pourrait s’avérer comme le seul moyen de défense devant l’insulte et la violence scolaire.

Comprendre l’autre n’est parfois pas suffisant.

C’est en effet parce que Nora ira dénoncer ce qu’il se passe au sein de l’école que leur père sera notifié de cela, mais également par sa présence qu’Abel puisse rester qui il était au départ. Jusqu’au mixage sonore, l’expérience scolaire est parfaitement retranscrite à l’écran, et il y a de quoi rester désarçonné devant la maîtrise de la caméra que déploie Laura Wandel. La durée même du film proche des 70 minutes est un choix pertinent, les minutes semblant s’écouler comme des heures, à l’occasion d’une conclusion ambigüe pourtant réaliste. Les harcelés deviennent souvent, les harceleurs et ainsi de suite. C’est un paradoxe certes très simple mais logique, et toujours plus violent pour Nora qui aura vu au loin se transformer la victime en bourreau. L’hors-champ tel qu’employé participe à la terreur que l’on puisse ressentir, puisque ne sera que principalement montré l’effroi du personnage par le regard. Il n’en faut pourtant pas davantage pour capter les conséquences d’une telle violence sociale.

Malgré une trame simpliste, Un Monde trouve ses plus grands moments en confrontant innocence et participation à la violence de cette jeunesse perdue. Le harcèlement n’est pas souvent représenté d’une manière aussi radicale, et pas sous un âge aussi jeune au cinéma. C’est la force principale du film, rendre ces petites choses scolaires aussi violentes, par la raison d’une fragilité propre à l’enfant. Jamais léger, le film comporte des scènes trash qui risquent de marquer cette année, terrifiantes de réalité. Et pourtant, l’adulte n’est pas le responsable principal de ce phénomène. Averti ou pas, il semble que le harcèlement est si naturel qu’il se régénère d’un enfant à un autre. Comme une partie intégrante d’un monde pas si accueillant…

Note : 4 sur 5.

Un Monde, au cinéma le 26 janvier 2022.

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