[CRITIQUE] Saw X – Nous prendre pour des sots

Saw X, médiocre et énième connerie signée Kevin Greutert, s’avère être une illustration accablante de la décadence manifeste de cette franchise qui a depuis longtemps sombré dans l’abîme du “torture porn”. Si l’on se questionne sur la justification de l’existence de ce dixième volet, il ne semble exister qu’une réponse plausible : la soif financière insatiable des maisons de production.

Alors que la cupidité financière demeure l’impulsion manifeste de ces studios (l’horreur bon marché demeurant le genre le plus lucratif à Hollywood), il est indubitablement surprenant de se demander pourquoi l’on devrait s’infliger deux heures supplémentaires de ces scènes de barbarie écœurante, surtout lorsque celles-ci nous sont offertes sur un plateau de banalité consommée. La décision d’ôter la vie au protagoniste central de cette saga, Jigsaw, dans Saw III, s’était avérée appropriée étant donné la prédilection de la franchise pour les chocs électriques, mais elle eut pour fâcheuse conséquence d’emprisonner les réalisateurs et scénaristes dans un labyrinthe narratif dont ils peinèrent à s’affranchir. Les opus suivants furent criblés de retours en arrière, complexifiant un récit de plus en plus contorsionné, transformant chaque nouveau volet de la franchise en un mélodrame quotidien. En tentant de s’éloigner d’une chronologie que même le spectateur le plus dévoué aurait du mal à expliquer, Spiral, porté par Chris Rock en 2021, s’efforça de métamorphoser le récit en un thriller policier, avec un nouvel antagoniste, mais aboutit à une calamité embarrassante, un nouveau creux pour une série déjà en déclin.

Deux ans plus tard, John Kramer, reprend inévitablement son rôle dans Saw X, ressuscitant de manière plutôt astucieuse, le film se situant chronologiquement entre le premier et le second opus de la saga. Il commence comme un drame, pour le meilleur et pour le pire, lorsque Kramer se voit diagnostiquer un cancer en phase terminale, ne lui laissant que quelques mois à vivre. À l’annonce d’un traitement révolutionnaire, il découvre une lueur d’espoir et se rend à Mexico City, porté par la promesse de guérison. Cependant, à l’issue de la procédure, Kramer découvre qu’il a été la victime d’une escroquerie cruelle et décide d’instruire une leçon “mémorable” aux fraudeurs. Mais avant ça, Saw X s’inaugure avec une scène macabre, dans laquelle une femme se voit contrainte à s’amputer de sa propre jambe pour extraire un litre de sang de sa plaie béante, sous peine de subir une décapitation par un fil dentelé. À ce moment, une interrogation surgit : comment en sommes-nous arrivés à un tel point, dans une ère où le genre de l’horreur aurait pu évoluer vers des horizons plus subtils et terrifiants ? La réponse gît dans une avidité insatiable, dans une quête incessante du gain, qui nous déverse inlassablement des scènes de sadisme viscéral, bien éloignées des frissons psychologiques et subtils des origines.

Lorsque Jigsaw, personnifié par l’infortuné Tobin Bell, ou “le monsieur au mouvement robotique”, fait son come-back, il est permis de questionner si le bon goût a trouvé son ultime repos. Le personnage autrefois emblématique de la série, qui suscitait terreur et mystère, est ici traité de manière pitoyable. Il se retrouve à l’agonie, affublé d’un pathos interminable, laissant planer le doute quant aux choix narratifs ayant mené à cette impasse. Greutert s’efforce maladroitement de nous faire compatir envers ce monstre, de le métamorphoser en antihéros, mais le résultat frise le ridicule. Les volte-faces grotesques et les coïncidences absurdes parachèvent la noyade de toute trace de cohérence narrative. Quant aux pièges macabres qui jadis faisaient la renommée de la franchise, ils ne sont plus que des reflets pâles d’eux-mêmes. La tension qui les accompagnait autrefois a disparu, laissant place à des mises à mort barbares, dénuées de sens et de suspense. Les revirements de situation, autrefois un atout majeur de la saga, s’enchaînent de manière aussi prévisible que grotesque, atteignant des sommets d’absurdité. Saw X n’est plus qu’une parodie de ce que fut autrefois la série, une succession de séquences de torture dépourvues de tout intérêt.

C’est une aberration, un testament à la médiocrité d’une franchise qui aurait dû rendre l’âme depuis belle lurette. Greutert, en cherchant à ressusciter Jigsaw, n’a fait que creuser la tombe plus profondément. Les pièges, autrefois symboles de l’horreur inventive, sont réduits à des scènes de torture gratuites. Le personnage de Jigsaw, autrefois terrifiant, est ici transformé en une marionnette pathétique (presque comme Samuel L. Jackson dans Spiral), victime de choix narratifs douteux. Saw X est un film qui ne mérite même pas d’être jeté dans l’oubli, car il ne propose rien d’autre qu’une déception consternante. Ce dixième volet n’est qu’un vestige décomposé, une bêtise qui nous rappelle cruellement que les horreurs des années 2000 sont désormais mieux oubliées.

Saw X de Kevin Greutert, 1h58, avec Tobin Bell, Shawnee Smith, Synnøve Macody Lund – Au cinéma le 25 octobre 2023

3/10
Note de l'équipe
  • Louan Nivesse
    2/10 "C'est nul !"
    Saw X, le naufrage de Kevin Greutert, témoigne de la décadence de la franchise. Jigsaw revient, mais de façon pitoyable. Les pièges macabres sont vidés de leur terreur, l'horreur réduite au sadisme. Greutert enterre la saga plus profondément. Ce film est une déception médiocre, un vestige putride des années 2000.
  • Enzo Durand
    3/10 Simple comme nul
    Alors c’est très nul oui MAIS je trouve les thématiques et les pièges plutôt intéressant sachant qu’on est dans une période post-covid. Donc cette histoire de faux médecins et d’arnaqueurs qui subissent une vengeance je le trouve plutôt originale. Sinon comme toutes les sagas d’horreurs avec un tueur iconique c’est devenu à 100% un opus a prendre de manière comique pour en profiter. On peut trouver ça dommage oui mais perso je pense que c’est une autre sorte de plaisir simplement.
  • JACK
    3/10 Simple comme nul
    Saw X tente un retour aux bases mais ne retrouve jamais la porosité de ses ainés. Alors, si le casting original revient pour des pièges toujours plus crades et que les trucages fonctionnent encore, la saga accueille l'un de ses volets les moins inspirés.
  • Vincent Pelisse
    5/10 Mid (comme disent les jeunes)
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