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[CRITIQUE] La Nuée – Un drame social plus qu’autre chose

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Par Jessy C

La Nuée de Just Philippot s’apparente à une fresque sociale, déployant ses ailes telle la toile accueillant les sauterelles, pour envelopper subtilement l’intrigue entomologique. Loin des promesses d’un thriller haletant esquissées par la bande-annonce, ce film se révèle être un manifeste politique et écologique, peignant avec acuité le quotidien des agriculteurs et éleveurs français.

Le récit s’ancre dans un réalisme poignant, délaissant les scénarios abracadabrants de films de série B pour une approche plus terre-à-terre. Suliane Brahaim incarne avec brio Virginie Hebrard, veuve et mère de deux enfants, Laura (Marie Narbonne) et Gaston (Raphaël Romand), dont la vie bascule après la disparition du père. Abandonnant sa carrière d’infirmière, Virginie se lance dans l’élevage de sauterelles, une profession qui attire moqueries et difficultés financières. Son ami vigneron, Karim (Sofian Khammes), devient un soutien dans cette épreuve.

Rappelant Au Nom de la Terre, le long-métrage prend son temps pour dévoiler son aspect survival, se distinguant davantage par son engagement militant que par des éléments horrifiques classiques. La lutte de Virginie pour rentabiliser son élevage devient une métaphore sanglante des sacrifices incommensurables des agriculteurs. Un accident révélateur, rappelant l’anecdote de Newton et la pomme, la conduit à une découverte macabre : son sang est la clé de la prospérité de ses sauterelles. Elle choisit alors de se sacrifier, au sens propre, pour assurer un avenir à ses enfants.

Le cinéaste explore également les épreuves des enfants d’agriculteurs, confrontés à l’intimidation et à un monde rural en déclin, ainsi que la marginalisation de Karim, vigneron d’origine maghrébine. Leur relation, teintée de romantisme, demeure cependant inachevée, tout comme le développement du personnage de Gaston.

La performance globale des acteurs est louable, malgré quelques faiblesses, avec une mention spéciale pour Marie Narbonne dans le rôle de Laura. L’horreur et la transformation dramatique du récit ne surgissent qu’en fin de parcours, dans un décor sombre qui compense un budget limité. Malgré ces contraintes, La Nuée s’impose comme un film essentiel, résonnant tragiquement avec la réalité d’un agriculteur français se suicidant chaque jour.

La Nuée de Just Philippot, 1h41, avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne – Au cinéma le 5 décembre 2020.

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